Amérique Latine : Aujourd’hui celui qui est isolé c’est Bush, par Eduardo Cornejo Deacosta - Los papeles de Mandinga.
Imprimer cet article
22 février 2006
Los papeles de Mandinga, Caracas , 24 janvier 2006.
Cette année 2006 qui commence représente pour les Latinoaméricains le déploiement définitif du rêve bolivarien de l’intégration. Une série de changements sociaux et politiques survenus ces dernières années se cristallisent avec l’installation de gouvernements de gauche et nationalistes, dont le dernier a été l’élection avec 54% des voix du dirigeant agricole Evo Morales comme Président de la République de Bolivie.
Ce résultat a été obtenu malgré la millionnaire campagne publicitaire nationale et internationale lancée par ses opposants soutenus par la Maison Blanche, qui dénonçaient le Président élu comme membre de l’ « axe du mal », en compagnie du Président vénézuélien Hugo Chávez Frías et du Président cubain Fidel Castro.
Le malaise à Washington s’est rapidement manifesté, par la voix des porte-parole officiels et officieux, surtout parce que le leader indigène a réitéré son alignement avec Chávez et Castro, ainsi que son positionnement indépendantiste.
Les secteurs réactionnaires qui voient un panorama sud-américain dominé par des gouvernements de gauche n’ont pas tardé à se manifester. Ce n’est pas par hasard que le Président péruvien Alejandro Toledo, qui devra probablement remettre la bande présidentielle au candidat nationaliste Ollanta Humala Tasso, a provoqué un incident diplomatique avec le Venezuela. Pas plus que ne sont dues au hasard les déclarations du « cachorro » [petit chiot] Vicente Fox contre Evo Morales. Fox est également sur le départ et en juin il remettra le pouvoir au candidat de la gauche Andrés Manuel López Obrador.
Notre continent vire à gauche, les Etats-Unis perdent le contrôle de la région, tandis que l’intégration se poursuit irrésistible.
La fin de l’histoire ?
A la fin des années 1980 du siècle passé, qui osait remettre en cause le système néolibéral était vu comme un paria dans les cercles intellectuels et politiques de l’Amérique latine. Le Mur de Berlin par terre a signifié la possibilité pour Washington d’imposer sans plus la moindre pudeur, ses politiques économiques par la voie diplomatique, au moyen des mécanismes financiers internationaux, ou si nécessaire par la force.
Mais il est nécessaire de construire un discours politique pour cela, basé sur ce qu’ils appellent la lutte pour la démocratie dans le monde, le soutien aux élections libres dans tous les pays, ils ont ensuite diabolisé tous ceux qui montraient encore quelque trace de socialisme, et surtout ils en sont venu à imposer le libre-marché.
Leurs intellectuels, parmi lesquels Francis Fukuyama qui avait décrété selon ses oiseuses élucubrations « La Fin de l’Histoire », avaient acquis le statut de « totems », grâce à de millionnaires campagnes médiatiques organisées à l’échelle internationale.
La CIA en action
Tous ces gens-là, les néolibéraux d’alors, ont servilement contribué aux besoins de la politique internationale des Etats-Unis, collaborant à l’expansion des transnationales nord-américaines. Il y a bien eu quelques tentatives de gouvernements indépendants, mais ils ont été liquidés grâce à l’appui de laquais locaux. C’est ce qui s’est produit avec Arbenz, renversé par un coup organisé par la CIA en 1954 ; un an plus tard Perón était renversé en Argentine, victime d’un coup d’Etat militaire.
La décennie suivante, à la suite de la Révolution cubaine, des mouvements révolutionnaires sont apparus dans toute l’Amérique du sud. Les guérillas se sont installées dans nos montagnes. Une fois épuisés les régimes dictatoriaux civils ou militaires qui les soutenaient, les Nord-américains ont été contraints de changer de stratégie, c’est ce qui a donné l’Alliance pour le Progrès.
L’idée était de donner un aspect démocratique à leur politique internationale, en travaillant avec de partis nouveaux, presque toujours centristes ou de centre-gauche, mais éloignés de Cuba. L’Alliance pour le Progrès, tout comme l’ALCA ( ZLEA ) aujourd’hui mis en échec, offrait des opportunités commerciales, de modernisation ; mais la vérité c’est que l’objectif principal était d’intervenir militairement contre Cuba ou contre tout autre pays qui échapperait à leur domination. Les missions militaires états-uniennes ont été généralisées dans tous nos pays, avec les conseillers et leurs programmes d’endoctrinement.
La promotion de l’assassinat
Pendant ces années-là Rómulo Betancourt présidait le Venezuela, Fernando Belaunde le Pérou, Paz Estensoro la Bolivie, Frondizi l’Argentine et Quadros le Brésil.
En 1970 Washington n’a pas hésité à apporter de nouveau son soutien à des régimes militaires qui acceptaient ses orientations. Washington a dû affronter au Pérou, en Bolivie et en Equateur des gouvernements conduits par des militaires nationalistes qui avaient remplacé des présidents pro-nord-américains. L’inquiétude a augmenté lorsque Salvador Allende a remporté les élections au Chili en 1970. La peur que ne s’étende « le mauvais exemple » a conduit les faucons états-uniens à durcir leurs procédés politiques et économiques. Avec le même double discours qu’ils utilisent aujourd’hui, ils prétendaient soutenir la démocratie, mais ils ont donné leur feu vert à la répression de Costa Silva au Brésil pour contenir les mouvements sociaux.
Ils ont endoctriné les dictateurs argentins qui entre 1976 et 1982 ont as sassiné des milliers d’opposants. Mais là où ils ont probablement agi avec la plus grande férocité c’est au Chili. La Maison Blanche a organisé dans ce pays de l’extrême sud un coup d’Etat militaire sanguinaire. Avec le soutien enthousiasme de l’élite économique chilienne, ils ont installé au pouvoir le général Augusto Pinochet, maintenu à la présidence pendant 16 ans. C’est ce dictateur et d’autres moins mémorables qui ont été utilisés par Washington pour accommoder les structures juridiques et économiques des pays au modèle néolibéral.
Combattant solitaire
En 1989 le bloc soviétique disparu, le monde devenu unipolaire, Washington impose en Amérique latine le « Consensus de Washington », une autre Alliance pour le Progrès, utilisant la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, lesquels tels des sicaires exerçaient un chantage et réalisaient des pressions sur les pays qui tentaient de rompre avec les recettes imposées.
C’est dans ce but qu’ils ont fait disparaître les barrières commerciales, qu’ils ont privatisé les entreprises publiques, qu’ils ont stimulé l’investissement étranger avec des lois humiliantes et indignes, qu’ils ont flexibilisé le marché du travail pour que les entreprises états-uniennes disposent de main-d’œuvre bon marché, qu’ils ont retiré tout contrôle ou régulation à l’activité bancaire, qu’ils ont permis l’exploitation irrationnelle des ressources naturelles et qu’ils ont cédé toute latitude aux entreprises transnationales.
En gestation depuis 1992, un phénomène politique surgit au Venezuela en 1998, l’irruption à la présidence du lieutenant-colonel Hugo Chávez Frías. Ferme dans ses principes nationalistes, favorable à une politique internationale indépendante, il représente depuis lors un casse-tête pour les Etats-Unis. Washington a d’abord cherché à le caricaturer lorsqu’il a rendu public et officialisé son alliance avec Cuba et lorsqu’il a visité les pays de Moyen-orient pour rendre sa vitalité à l’OPEP.
Voyant que son message donne des résultats, que les prix du pétrole augmentent dans une grande mesure grâce à son action, ils sont passés de la caricature à la diabolisation et à l’isolement. Il faut rappeler que lorsque Chávez parvient à la présidence et parle d’intégration entre pays frères, tous les présidents sud-américains étaient alignés sur les positions de la Maison Blanche, tous étaient partisans du néolibéralisme.
Ven 19 Mai - 8:05 par Tite Prout