Cinq questions sur le bio

Qu'est-ce qu'un légume biologique?

Grosso modo, c'est un légume qui a été cultivé sans pesticides ni engrais chimiques, et qui n'a pas été modifié génétiquement. L'animal qui produit une viande bio n'a pas eu d'hormones de croissance ou d'antibiotiques, a été nourri avec des aliments qui respectent aussi les normes biologiques et a eu des conditions de vie naturelles.

Pourquoi les aliments biologiques coûtent-ils plus cher?

Les légumes, fruits et grains bios proviennent souvent de petites récoltes, donc le coût de production est plus élevé. De surcroît, ces récoltes sont plus vulnérables parce que les agriculteurs n'utilisent pas de pesticides chimiques. L'agriculture bio est aussi, généralement, beaucoup plus exigeante que l'agriculture industrielle. Au bout du compte, le consommateur en paye la note.

Le bio a-t-il meilleur goût?

Rien de plus difficile à évaluer que les goûts, qui, comme on le sait, sont tous dans la nature. Les tenants de l'agriculture biologique vous diront néanmoins qu'une carotte biologique est bien meilleure qu'une autre, ou que le lait bio goûte a plus de goût. Le mode de production a toutefois peu de chance d'influer sur le goût. Quant aux produits transformés, comme un gruau ou un plat cuisiné, le secret tient davantage à la recette qu'à la provenance des ingrédients de base.

Le bio est-il synonyme de santé?

Pas du tout. Des chips sont des chips. Un aliment transformé n'est pas moins gras, salé ou sucré parce qu'il est fait avec des ingrédients naturels. Si vous achetez des céréales à déjeuner rose, bleu et vert qui portent l'étiquette bio, elles ne sont pas moins sucrées pour autant. Ne soyons pas naïfs: biologique n'est pas synonyme de nutritif. Sinon, pourquoi Le Choix du président aurait-il lancé sa gamme santé " menu bleu " alors qu'il a déjà une bonne gamme de produits bios?

Y a-t-il du faux bio?

Certainement. Il fallait s'y attendre, la demande est tellement forte que des filous de l'industrie alimentaire ont voulu en tirer profit sans payer les coûts de production véritables. Au Québec, le Conseil des appellations agroalimentaires du Québec (CAAQ) définit les normes de référence et les fait respecter.

Pour un consommateur, au beau milieu de l'épicerie, difficile de savoir si le pictogramme de la boîte de biscuits au chocolat est reconnu par le CAQ... Et avant qu'un fraudeur soit démasqué, la boîte de biscuits peut effectivement se retrouver dans votre garde-manger.

On peut se consoler en se disant qu'il y a aussi du faux " non bio ". Des éleveurs et cultivateurs font des légumes et de la viande d'une manière très naturelle, en respectant les exigences du bio, mais n'ont pas de certification.

Trouver le moyen de manger bio

Bérubé, Stéphanie

" J'ai une cliente qui vient ici faire son épicerie chaque semaine. Elle a trois enfants et compte en avoir un quatrième. Son mari est concierge dans une école. "

Fernand Dufresne est acheteur depuis 10 ans au Club Organic, une petite épicerie située rue Frontenac, en marge du Plateau Mont-Royal. Ses clients sont majoritairement des familles. Leur âge et leurs revenus varient grandement, assure l'acheteur, mais ils ont généralement deux choses en commun: ils planifient leurs repas à l'avance et les cuisinent.

Plusieurs clients du Club Organic achètent leurs denrées sèches à la poche et épargnent ainsi environ 40 % du prix demandé pour des plus petites quantités.

" Il est vraiment possible de s'en tirer à très bon compte, dit Fernand Dufresne. Peut-être qu'il n'y aura pas des t-bones au menu tous les soirs. Ça sera du tofu un soir, un ragoût de légumineuses le lendemain. En fin de compte, ça va être même mieux pour la santé de la famille. "

Laura Macaulay est de cet avis L'étudiante de 19 ans, rencontrée devant l'étalage de pâtes biologiques de Bio-Terre, une épicerie de la rue Saint-Viateur, affirme que c'est avant tout pour sa santé qu'elle paye plus cher pour des aliments biologiques. Malgré son budget serré. " Je pense que c'est abordable pour tout le monde qui le veut vraiment ", dit-elle.

Pour arriver à s'en sortir, Laura achète ses légumes biologiques en saison, ce qui lui coûte moins cher que d'acheter des légumes ordinaires hors saison. Comme des fraises en hiver, par exemple. Elle surveille aussi les soldes. Reste que les boîtes de pâtes biologiques, même en solde, coûtaient ce jour-là environ le double d'une boîte de pâtes ordinaires.

" Il faut être prudent dans ses achats, concède-t-elle. Mais les gens ont la mauvaise impression que c'est plus cher parce qu'ils ont vu le prix des produits préparés et ça les a découragés d'acheter bio. " Le groupe Équiterre a fait une veille de 19 mois sur les produits biologiques. L'étude a comparé les prix des paniers de produits qui proviennent directement de l'agriculteur aux équivalents vendus dans des marchés spécialisés en saine alimentation, et à des produits non bios vendus en supermarchés.

Au bout du compte, les fruits et légumes biologiques des paniers d'Équiterre coûtaient 4 % de plus que les produits des supermarchés. Comparé aux équivalents biologiques vendus dans les marchés spécialisés, c'était une économie de 69 % pour le consommateur.

L'effet Wal-Mart

L'explosion de la demande pour les aliments certifiés biologiques a multiplié l'offre des produits. En 1993, quand le Club Organic a ouvert ses portes, un peu au milieu de nulle part, seulement une clientèle d'initiés allait y faire ses emplettes. " Il y a 10 ans, ça ressemblait à un magasin général ici, se rappelle Fernand Dufresne. Nous n'avions que les produits de base. "

Maintenant, le sel, la moutarde, les vinaigrettes, le maïs soufflé, les pâtes à crêpes, les biscuits, les légumes en boîtes, les tortillas ont tous leur version biologique.

Aux États-Unis, Wal-Mart annonçait le mois dernier son intention de doubler son offre de produits biologiques pour répondre à la demande grandissante de sa clientèle. Les magasins du Texas seront les premiers à voir augmenter leur section bio; le reste de l'Amérique suivra.

Fernand Dufresne n'est pas contre la démocratisation du bio. Au contraire. Cela a amené plus de gens à découvrir les vertus d'une saine alimentation.

" Dans le bio comme dans le traditionnel, il y a la masse qui veut le meilleur prix et la spécialité, qui veut la meilleure qualité. Nous, on fait de la spécialité. Et souvent, des gens qui ont découvert des produits bios sur les tablettes des épiceries à grande surface se tournent ensuite vers des boutiques spécialisées. "

Pour répondre à la demande des multinationales, de plus en plus de grandes fermes font de l'agriculture biologique. " Mais ces grandes fermes-là ne sont pas ici ", dit Frédéric Paré, d'Équiterre, une association qui prône notamment le commerce équitable. Ce qui nous amène un autre problème: devant le comptoir de légumes, est-ce mieux d'acheter une pomme de terre bio qui vient de l'Ohio ou une pomme de terre ordinaire qui vient de l'Assomption?

" Un choix personnel, dit Frédéric Paré. C'est certain que ta patate bio a eu un effet positif où elle a été produite. Mais ce n'est pas mieux pour l'environnement si elle a dû faire tout ce chemin pour arriver ici. À l'inverse, la patate québécoise n'est pas bio, mais l'acheter, c'est encourager l'agriculture locale. "

L'épicerie à deux vitesses

Bérubé, Stéphanie

" Beaucoup d'entre nous avons les moyens de manger bio; quelques-uns, non. "

Charles Tanguay de l'Union des consommateurs, rappelle une bien triste réalité: " Plus on est riche, plus on a les moyens de bien s'alimenter ".

Avec le bio, le clivage s'accentue. Dans 20 % à 25 % des ménages canadiens, il est impossible d'augmenter les dépenses pour l'épicerie, indique-t-il, chiffres de Statistiques Canada à l'appui. Or, à part quelques rares exceptions, les produits biologiques coûtent plus cher. Et parfois, beaucoup plus cher.

Nous avons fait un exercice de comparaison extrême, en faisant le tour de trois supermarchés- IGA, Métro et Provigo. Nous sommes aussi allés chez un poissonnier et un boucher. Puis, nous avons comparé les prix des produits biologiques à leurs équivalents réguliers. Nos paniers fictifs représentent une épicerie moyenne pour une famille de quatre personne, deux adultes, deux ados, pour une semaine.

La différence est énorme. La facture du panier régulier est 150,90 $. Pour son équivalent bio, il faudrait payer 87 $ de plus. Un écart de prix de 58 % impossible à combler pour quiconque ayant un budget serré.

Les experts consultés sont tous très lucides quant au coût d'une épicerie bio. Ils conseillent d'y aller graduellement, de privilégier des produits frais et, surtout, de ne pas en faire une obsession.

" Je pense que manger 100 % bio c'est utopique, que ça relève presque de la religion ", dit la nutritionniste Hélène Laurendeau qui avoue sans gêne qu'elle donne des pommes " conventionnelles " à ses enfants. " Et je ne me sens pas coupable! "

C'est à chacun de voir jusqu'où il est prêt à " étirer ses dollars alimentaires ", dit-elle, pour inclure des produits de qualité dans son panier d'épicerie. " Je crois dans le bio pour la santé du producteur et pour la santé de la planète ", dit la nutritionniste, qui croit aussi en l'importance d'acheter de bons produits locaux, développés par des artisans et des producteurs qui n'ont pas nécessairement la certification biologique. Tant mieux si finalement le biologique est à l'origine d'un questionnement du consommateur sur ce qu'il met dans son panier, dit-elle. Et qui finalement, l'amènera à acheter de meilleurs produits. Bio ou pas.

Des affaires en or pour les grandes chaînes

En novembre 2000, la gamme le Choix du président innovait en mettant sur les tablettes des épiceries du groupe Provigo-Loblaws-Maxi un cidre de pommes biologique. Six mois plus tard, la gamme bio du Président comptait 25 produits. Aujourd'hui, il y en a près de 300.

Le marché des aliments biologiques devrait croître de 15 % à 20 % par année en Amérique du Nord dans les prochaines années, selon des chiffres du ministère de l'Agriculture, des pêcheries et de l'alimentation du Québec. " La demande d'aliments de meilleure qualité et les aliments biologiques a connu une croissance très rapide ces dernières années ", dit Louise Ménard, qui a ouvert sa première épicerie il y a plus de 20 ans. Déjà, elle faisait des pieds et des mains pour trouver des produits de spécialité et convaincre la maison mère de la laisser les mettre en magasin. Elle fait maintenant face au problème inverse.

" Aujourd'hui, nous manquons de place sur nos tablettes ", dit la propriétaire de quatre épiceries sous la bannière IGA, au Québec. Nos compliments, la marque maison d'IGA, entre justement dans la danse en lançant une version bio au mois de juin. Une trentaine de produits feront partie de la gamme de lancement.

Pour trouver des produits bios chez Metro, il faut faire plus d'efforts. Contrairement à ses concurrents IGA et Loblaws, Metro n'a pas encore de gamme maison bio, à l'exception d'huiles, de café, de beurre et de farine. L'offre de produits biologiques dans ses supermarchés est extrêmement limitée.

Chez Metro, on concède que l'offre est limitée, mais on suggère d'aller faire un tour dans les Metro Plus, où il y a de jolies sections de produits équitables et bios. Le hic, c'est qu'il n'y a que 57 marchés Metro Plus au Québec contre 184 marchés Metro traditionnels.

Si les épiciers continuent d'ajouter des produits de spécialité, ils manqueront effectivement de place sur leurs tablettes. " À un moment donné, si la demande continue d'augmenter à un tel rythme, il va y avoir une élimination naturelle, explique Louise Ménard. Il y aura toujours de la place pour du bas de gamme dans les épiceries de grande surface, mais globalement, la qualité des aliments offerts à tout le monde va augmenter. "