The Lies of Bernard-Henri Lévy
By Doug Ireland

http://www.inthesetimes.com/site/main/article/2516//


Lundi 6 mars. Overdose de promotion et premier dérapage.

C’était week-end de la grande braderie du BHL : quatre pages dans Le Figaro-Magazine, six dans Le Monde 2 et dans Elle, une heure sur Europe 1, une heure à France 2, une émission sur TV5… Même avec un mauvais livre, le réseau tourne à plein régime.
Parfois, cela grince, comme au Monde 2, où les rédacteurs en chef du supplément n’ont pas eu leur mot à dire ! Leur directeur, Jean-Marie Colombani, a personnellement imposé que l’on réserve six pages à son ami Bernard-Henri Lévy. Devant cet ordre venu d’en haut, ils se sont exécutés, la mort dans l’âme.
Dans ce « journal américain », présenté comme un carnet de voyage sur son récent périple promotionnel aux Etats-Unis, BHL se livre à un exercice systématique de déminage pour contrer les critiques au lance-flamme dont il a fait l’objet. L’entreprise sombre dans le ridicule, quand il nous explique que le magazine Slate (un des site en vogue) ferait désormais jeu égal avec les grands journaux américains, ce qui est aller un peu vite en besogne. Mais comme Slate a été le seul média a prendre fait et cause pour notre philosophe…
En appui, Grasset s’offre une pleine page de pub dans Libération d’aujourd’hui, pour présenter American vertigo comme un best-seller aux Etats-Unis. Et de prendre appui sur les classements des meilleures ventes des grands journaux US…dans lesquels le livre n’a figuré qu’une seule semaine (celle de la grande promotion de Random House) avant de disparaître. Toujours l’artifice.
La publicité devient même carrément mensongère lorsque notre philosophe et son éditeur se vante d’être numéro un au classement des ventes du Boston Globe…alors que ce quotidien ne publie pas de hit-parade de best-sellers mais seulement un classement hebdomadaire des choix de la rédaction !
En fait de succès, à peine un mois après sa sortie, American Vertigo est déjà…en solde chez Barnes and Noble (l’équivalent de la FNAC), dont les stocks étaient manifestement trop importants pour la demande. Et après avoir connu une pointe dans les dix premières ventes de la grande librairie en ligne Amazon.com, après son exécution publique dans le New-York Times, le livre est en chute libre dans le classement, entre la 300ème et la 850ème place. Le bouche-à-oreille tourne à l’envers.
Chez Jean-Pierre Elkabbach -ce « Cher Jean-Pierre » (comme l’appelle BHL)- cet échec se transforme en « polémique ». C’est du moins comme cela que le directeur de l’antenne a ouvert son Grand Débat, sur Europe 1, dimanche. Dés le vendredi, Guillaume Durand, autre fidèle de « l’ami Bernard », avait d’ailleurs eu à peu près les mêmes mots. Grisé par le tapis rouge déroulé par l’animateur de Campus sur France 2, Bernard-Henri Lévy s’est même autorisé un dérapage. Lorsque Durand a timidement soulevé Une Imposture Française, BHL a assené une injure « C’est une saloperie », sans apporter un démenti ou contredire une information preuve à l’appui. L’invective comme seule réponse… L’ami Bernard serait-il sur la défensive ?
En tous les cas, BHL se trompe en affirmant que le public ne s’intéresse pas aux livres qui lui sont consacrés. Après trois jours de vente, Une imposture française a été réimprimée. Il s’en vend plus de 200 exemplaires par jour…

Mardi 7 Mars. Une imposture parisienne.

Le Parisien est un quotidien qui a le vent en poupe depuis plusieurs années, avec une formule efficace et une équipe de journalistes indépendants. C’est un des rares titres de la presse écrite qui marche. A titre personnel et professionnel, c’est un journal que nous aimons bien.
Aussi la lecture du Parisien ce matin nous désole pour les journalistes qui y travaillent et pour les lecteurs qui croient en leur journal. On y trouve en effet deux pages d'entretien, d'une complaisance absolue, où presque tous les chefs de service de la rédaction de ce journal -pas moins de sept "plumes"- se prosternent devant l'icône BHL (pourtant un peu cabossée) de retour des USA.
C’est un tapis inégalé de fleurs en tout genre. Un peu comme le journal interne de Bouygues où Martin Bouygues doit faire face à des questions implacables sur le succès de sa stratégie ou l’explosion de son chiffre d’affaires… Les interrogations flagorneuses se succèdent, du type: « Vous êtes l’un des rares intellectuels people. Le regrettez-vous ? » ou "Pourquoi pensez vous que les Américains ont fait appel à vous pour cette enquête au coeur des Etats-Unis ? ". La critique qui accompagne le publi-reportage explique que « cette grande enquête se dévore avec plaisir » et qu’ « on y redécouvre un pays fascinant en compagnie de ce guide brillant ».
Comment toute cette guimauve a-t-elle pu s’étaler sur dix colonnes ? Parce que les réponses –et parfois les questions- ont été entièrement réécrites ! Vieille technique béachélienne (nous ne donnons plusieurs exemples dans notre livre). Au Parisien les journalistes -y compris ceux qui ont fait l'entretien- ont découvert ce matin avec fureur le rewriting de leur direction.
Pourquoi le Parisien s’est-il prêté à une telle mascarade ? Sans doute parce que le directeur de la rédaction, Christian de Villeneuve est au mieux, avec Anne Meaux, la grande prêtresse de la communication patronale en France.
Anne Meaux, inconnue du grand public, s’occupe de la moitié du CAC 40 et de plusieurs vedettes de l'audiovisuel. Anne Meaux ne manque pas une occasion d'inviter Christian de Villeneuve pour un dîner ou un voyage en compagnie prestigieuse. Anne Méaux est accessoirement la communicante de François Pinault, l'industriel ami de BHL, ainsi que, à ses heures perdues, de Thierry Ardisson, lui aussi très proche de l'écrivain qu'il invite régulièrement sur son plateau de télé. Elle veille de près aux intérêts de BHL. Aussi Christian de Villeneuve se réjouit toujours de lire les louanges de Bernard Henri Lévy dans son journal.
Dans trop de journaux, le pouvoir éditorial échappe aux rédacteurs pour des motifs extra-journalisitiques. C'est la raison essentielle pour laquelle nous avons voulu écrire Une imposture française. Afin dénoncer ces intrusions, collusions et compromissions médiatiques qui jalonnent le parcours de Bernard-Henri Lévy.
Mercredi 8 mars. La pire phrase de l’année.

Bernard-Henri Lévy avait déjà été massacré pour son dernier livre par la critique litteraire américaine. Le voici de nouveau exécuté aux Etats-Unis mais cette fois-ci pour une interview donc il a le secret. Un entretien accordé au Wall Street journal début février vient de lui valoir le prix de « la pire phrase de 2006 », un prix sûrement très envié attribué par Justin Busch, un linguiste américain et propriétaire de « semantic compositions », un blog sur internet spécialisé dans la sémantique.
Voici la sentence typiquement béachélienne sur l’affaire des caricatures de Mahomet qui vaut à « l’ami Bernard », l’honneur de ce prix, traduit, tant bien que mal par nos soins :
« Et il est difficile de ne pas lier cette provocation, la publication délibérée de ces caricatures, la quasi-livraison à domicile d’un journal danois dont personne ne pouvait avoir deviné qu’il avait autant de lecteurs dans le monde musulman, il est difficile de ne pas lier, ce blasphème auto-infligé, cette offense calculée (calculée, comprenez par les organisateurs de la diffusion des caricatures), il est difficile de ne pas lier ce blasphème à une nouvelle configuration planétaire, elle-même déterminée par trois récents et importants événements. » (sic)
« La pire phrase de 2006 » est consultable dans sa version américaine sur http://semanticcompositions.typepad.com/index/2006/02the_worst_sente.html
Encore bravo au méritant récipiendaire !

Jeudi 9 mars. « Ca vous gêne, ça vous bouscule, ça vous bouleverse…»

Il est des transcriptions qui parfois en disent plus que tout.
C’était pendant Campus, vendredi dernier. Guillaume Durand en pompier-pyromane.
« GD : Ca vous gêne, ça vous bouscule, ça vous bouleverse qu’on vous attaque ? Car on vous a beaucoup attaqué. Cette fois-ci, on attaque votre père en disant qu’il avait une société esclavagiste en Afrique.
BHL : Alors ça, je vais vous dire une chose Guillaume Durand, ça c’est la seule chose… Tout ce qui me concerne, toutes les attaques sur moi, c’est pas très grave parce qu’en effet, je suis là pour me défendre et pour répondre. Ce qui concerne mon père, qui est mort il y a dix ans, qui n’est plus là pour répondre à ce genre de petite saloperie, ça c’est inacceptable. Présenter cet homme, dont je ne vais pas faire les états de services mais enfin qui était un très grand monsieur, un grand résistant, un grand français libre, qui est resté un humaniste jusqu’à la fin de sa vie, qui était un homme de gauche, le présenter dans cette espèce de réthorique dieudonniste… Je n’ai pas lu le livre, mais j’ai lu les extraits le concernant dans un petit hebdomadaire robespierriste, le présenter dans la plus pure réthorique dieudonniste comme un négrier, ça c’est une infamie et ça c’est vrai que je n’ai pas envie de laisser passer. Ce qui me concerne, ce n’est pas très grave.
GD : mais ça vous bouleverse.
BHL : oui car c’est une atteinte à la mémoire d’un mort, parce que c’est une atteinte à la mémoire de quelqu’un qui n’est plus là pour se défendre et parce que c’est une chose qui est fausse et qui est indigne, voilà !
GD : Est-ce que c’est pas la motivation de tout, ce père ?
BHL : J’en sais rien. Je vous dit simplement que les attaques, le fait que l’on me consacre six livres, le fait que l’on consacre des centaines de pages à dire que je ne mérite pas une ligne, parce que en gros c’est ça que ça veut dire.
Le fait que ces types se pavanent sur les plateaux de télévision pour dire que je les censure et que je les empêche d’y passer, ça c’est pas grave.
Je vous l’assure, et je le dis sans coquetterie et en plus ça ne m’intéresse pas et ça n’intéresse pas non plus d’ailleurs les lecteurs.
Mais les attaques aux morts, les attaques aux proches, les attaques à ceux qui ne sont plus là pour leur faire rendre raison ou rendre gorge, ça c’est vraiment pas bien, Ca c’est vraiment dégueulasse. »

Tout lecteur peut vérifier - pages 57 à 79 - la réalité de ce que nous écrivons, non sur le père de Bernard-Henri Lévy (dont la personnalité ou le parcours ne sont à aucun moment évoqués dans notre livre) mais sur les deux ans où BHL était le dirigeant de la société familiale, ce qui est une interrogation légitime. Nous citons en effet une enquête commandée par Forest Monitor une grande ONG britannique sur le site de Mboumi au Gabon où la BECOB exploite une concession de bois de 170.000 hectares et emploie 280 forestiers gabonais dans des conditions très dures. Est-ce que BHL conteste ce rapport et avec quels arguments? Dirigeant de cette entreprise a-t-il donné des ordres pour que ses employés soient mieux traités ? Il n’y a nulle attaque d’un mort, pas de « petite saloperie », ni de « réthorique dieudonniste » dans Une imposture française, juste des informations vérifiées et vérifiables sur un vivant, très présent actuellement sur les écrans : Bernard-Henri Lévy.