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 LUTTES ANTI-ESCLAVAGISTES EN MAURITANIE 3

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mihou
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mihou


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Localisation : Washington D.C.
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LUTTES ANTI-ESCLAVAGISTES EN MAURITANIE 3 Empty
15022006
MessageLUTTES ANTI-ESCLAVAGISTES EN MAURITANIE 3

Un esclave, dans notre pays, n'est donc pas seulement une force de travail, attaché à des tâches de subsistance dans le cadre de l'économie domestique. Il est ce pour quoi il a été acquis : un capital vivant. Un cheptel sur pied. Une épargne. Il est, en plus, un gardien de l'ordre politico-administratif et un instrument privilégié pour la sécurisation et la pérennisation du pouvoir du maître et de sa force sociale. Il est un faire-valoir. Cet état de fait est fort ancien. L'histoire de l'esclavage et de la traite esclavagiste du Moyen-âge à nos jours est assez documentée dans la partie mauritanienne de l'espace saharo-sahélien sur ces types de transformations de l'esclave domestique en esclave de traite, en esclave guerrier, ou en marchand d'esclave lui-même, et faiseur ou tombeur de rois. Cette situation, comme nous le verrons après, se compliquera davantage aux XVIe-XVIIIe siècles, avec la rivalité entre la demande atlantique et la demande saharienne tardive.


5. Interpréter la différence de la condition servile en milieu négro-africain et en milieu maure
Les différences soulignées sur la nature de l'esclavage et les conditions serviles en milieu négro-africain et en milieu maure dépendent de la dynamique historique, du contexte écologique et des structures sociales. S'il a disparu chez les Wolof du Waalo mauritanien, et si aucun maître n'ose faire travailler son esclave sans son consentement au Fouta, ce dernier reste encore soumis, chez les Soninké, au service de son maître. Sur le plan économique, il peut posséder des biens et aller et revenir librement chez lui, accomplir des travaux chez qui il veut en milieu négro-mauritanien. S'il vit dans la marginalité sociale et politique, son travail n'est aliéné que dans des situations exceptionnelles, comme ce serait le cas chez les Soninké.. En effet, chez cette population, existerait encore certaines catégories d'esclaves de peine (Kusa), d'esclaves mansés (ayant un petit lopin de terre) et des esclaves de case (cultivant une terre en compensant le maître d'une redevance). L'affranchi (Kome khoré) est rarement mieux loti que l'esclave mansé. Il y a encore dans cette société, où la stratification de l'ordre servile est la plus complexe de la société mauritanienne, des esclaves héréditaires, nés dans la captivité et appelés Saarida. D'autres sont des Manga, affranchis et principaux garants du pouvoir des Bathily. Quant aux Wanukunke, ils sont des esclaves venus d'ailleurs qui vivent sous l'aile protectrice du chef de village, toujours chez les Bathily.
Mais dans tous les cas de figure, en dehors de ces cas spécifiques aux Soninké, les esclaves et leurs descendants n'ont pas de prérogatives politiques ou sociales, même dans la Mauritanie post-indépendance, dans nos villages et assemblées de villages. Il s'agit là très probablement de séquelles.
Ces "séquelles" existent chez les Maures, sous une forme très secondaire (pour les Nan'ma). Dans la société maure, au risque de me répéter, les survivances de l'esclavage sont plus évidentes. Et le glissement du concept d'esclave domestique est reproduit dans les nouveaux rapports de production et d'échanges mercantiles. L'exploitation y est si forte et l'aliénation de la force de travail de l'esclave si prégnante, qu'il est difficile de ne pas y voir une exploitation barbare sans nuance. Le maître peut facilement vendre ses esclaves dans cette société. Ce qui est impossible à l'heure actuelle dans les sociétés négro-mauritaniennes, même si le système social y est encore fortement inégalitaire.
De nombreux rapports existent, publiés par l'ONG mauritanienne SOS-ESCLAVES et le Mouvement EL HOR, faisant état du commerce et de l'existence d'héritage d'esclaves, ou de leur emploi au profit du maître dans la production d'un surplus économique dans les centres urbains. Selon SOS-ESCLAVES, la servante y est encore incorporée dans la dot. Ce n'est donc pas par hasard que le premier mouvement de lutte le plus radical pour la libération et l'émancipation des esclaves en Mauritanie soit lancé par les ressortissants de la catégorie servile de la société maure.
Il faut chercher l'explication de ces différences dans la dynamique de l'esclavage dans les deux grandes communautés ethnico-culturelles, dans les déterminations et surdéterminations tant agro-écologiques et climatologiques, qu'historiques ou culturelles. Même si le rôle de ces deux derniers paradigmes module la dynamique des sous-systèmes esclavagistes mauritaniens. Mon présupposé est que les facteurs agro-écologiques, climatologiques et environnementaux jouent un rôle fondamental dans les formes et modes de domination et d'aliénation du travail esclavagiste, et ce d'une manière plus évidente dans la société maure que dans les sociétés négro-mauritaniennes. Ce qui revient à souligner toutes les différences existant en Mauritanie entre les biocénoses désertiques et sahélo-soudanaises qui agissent sur la condition servile. Dans l'une, la rareté des ressources naturelles végétales et en eau augmente la pression sur elles. Cette pression est plus grande en milieu désertique et semi-désertique et demande une intensification du temps de travail de l'esclave comme surplus aux tâches domestiques. La recherche des pâturages qu'il faut chercher sur de longues distances, une alimentation sommaire et un surtravail exigible pour l'alimentation en eau des bestiaux et du ménage, les travaux domestiques de toutes sortes, etc , reposent sur une seule force de travail : l'esclave. Là où les ressources naturelles sont plus nombreuses, les activités sont plus diversifiées et les catégories sociales plus nombreuses. Le mode d'occupation est la sédentarisation avec une spécialisation d'autant plus poussée que les ressources sont plus nombreuses. Cette division sociale très poussée est protégée par le système des castes.
Le système des castes dans les sociétés négro-mauritaniennes induit la transmission générationnelle des savoirs, des charges et des ordres (la biologisation des rapports sociaux). Cette technique de rigidification du système social et de sa reproduction permet une plus grande stabilité sociétale, et trouverait son origine dans la réponse que les sociétés - bâties sur le socle écologique mouvant et ouvert à toutes sortes de mouvements humains, entre Sahara et forêt - se seraient données pour s'assurer une cohésion plus grande.
Les activités agricoles et artisanales dans ces sociétés traditionelles font de la main-d'oeuvre servile un appoint dans la production économique. Contrairement au système maure dans lequel le travail productif repose entièrement sur l'esclave, ici, toutes les forces valides du lignage - esclaves ou descendants d'ego - travaillent en commun.

D'autres facteurs, historiques et géoclimatiques, modulent ces trajectoires et provoquent des évolutions dans le sens du renforcement ou du relâchement des rapports de domination et d'aliénation de la main-d'oeuvre servile. Ainsi, les sécheresses des années soixante-dix ont-elles joué un rôle important dans la reterritorialisation de nombreux Haratines dans les zones intermédiaires des Aftoût.

Les Haratines y construisirent de nombreux barrages et développèrent l'agriculture. Outre les problèmes fonciers que cette arrivée massive devait poser, l'éclatement des liens traditionnels avec les maîtres ajoutait une distanciation sociale plus grande encore que la distance géographique qui les séparait de leur groupe tribal de référence. Les sociétés négro-mauritaniennes n'auraient pas connu ce phénomène.

II. UN ESCLAVAGE DE CASE ANCIEN ET CONSTAMMENT RENOUVELÉ PAR LES TRAITES ESCLAVAGISTES
1. Des origines au milieu du Moyen-âge
L'esclavage est si ancien et si actuel que nous croyons être, au-delà de l'institution, face à une culture esclavagiste canonique. Abdel Weddoud Ould Cheikh dit que l'esclavage chez les Maures est "une institution aussi ancienne que les Maures eux-mêmes".. Nous pourrions en dire autant des sociétés négro-mauritaniennes construites sur une base inégalitaire d'ordres et de castes restées inchangés, malgré les bouleversements intervenus de la fin du Moyen-âge à nos jours. On pense qu'avant l'Islam, cet espace fournissait des esclaves aux thalassocraties méditerranéennes comme Carthage et Syracuse (cf. routes des chars et marchands Garamantes de l'Antiquité). Les légendes et les mythes fondateurs des États traditionnels de l'espace mauritanien nous signalent l'existence et l'ancienneté de l'esclavage dans l'ère culturelle du Tékrour et du Wagadou, le futur empire ouest africain du Ghana. Déjà, la Légende du Wagadou, charte fondatrice de l'empire du Ghana, nous apprend que la mère de Dinga Khoré - l'ancêtre fondateur de la dynastie régnant sur cet empire - avait une servante idéale du nom de Faduwani Bafouje avec ses "101 têtes". Image qui laisse entendre qu'en esclave idéale, elle remplissait toutes sortes de tâches en même temps.
S'appuyant sur les travaux de Patrick Mumson, Abdoulaye Bathily fait remonter la pratique de l'esclavage en Mauritanie centrale (Dhar Tichit-Oualata) vers le 9e siècle de l'ère chrétienne. Cette chronologie basse est rectifiée par les travaux d'anthropologues et d'archéologues qui font remonter plus tôt la pratique esclavagiste dans la région. Georges Thilmans et son équipe ne sont pas loin de penser que certaines civilisations mégalithiques de la région sénégambienne du VIe-VIIe siècle après J.-C. (594-790) avaient pu être détruites par des expéditions de chasseurs d'esclaves venus du sud de la Mauritanie. Nous pensons moins à des expéditions berbères qu'à la dynastie des Dya-Ogo, qui avait à cette époque créé le royaume du Tékrour dont la civilisation métallurgique très remarquable supposait de fortes activités agricoles et guerrières, et des relations économiques avec des formations sociales lointaines. Parce que l'économie locale ne nous semble pas capable, à l'époque, d'absorber à elle seule toute la production de fer de ces dizaines de milliers de bas-fourneaux, beaucoup d'esclaves étaient sans doute nécessaires au travail agricole et à la civilisation urbaine initiatrice de cette haute métallurgie. D'où la nécessité d'une main-d'oeuvre servile sur laquelle les sources arabes médiévales sont prolixes : trafic des esclaves noirs en Mauritanie et leurs destinations intérieures et extérieures. Ces sources nous parlent des guerres à l'issue desquelles les victimes pouvaient satisfaire à la demande méditerranéenne et proche-orientale.
Selon le Hudûd Al Alam, c'est de l'espace mauritanien et de ses confins soudanais que viennent la plupart des esclaves, transformés en eunuques, une fois amenés en Egypte. "Les marchands d'Egypte volent dans ces régions des enfants et les castrent". Parmi les informations rapportées par les auteurs musulmans, celles du XIe siècle ont le mérite de décrire explicitement les régions, les circuits, le caractère gratuit de certaines captures et l'origine raciale des esclaves (Al yakûbi, 872). Elles font mention de l'exportation d'esclaves du Soudan occidental de Awdaghost - où le roi de Ghana avait installé un gouverneur (Farba) - à Zawila, vendus par les rois Sudan, "sans raison de la guerre". Zawila, au sud du Maroc, recevait les Sûdan "vendus dans les pays d'Islam". "Ils sont une race qui est d'une couleur noire très pure". Al Idrissi, le célèbre auteur du Livre du Roi Roger de Sicile (12e siècle), nous dit que les populations de Barissa, Tékrour, Ghana, Ghiyaru (Noirs du sud et du sud-est de la Mauritanie et de l'ouest de l'actuel Mali) et les populations du désert (Berbères de Mauritanie du nord) réduisaient en esclavage les Lam Lam. Il ajoute : "les Lam Lam qui, par la grâce de Dieu, leur sont échus en partage".. Claude Meillassoux, citant J.M. Cuoq, fait aussi parler clairement le même Al idrissi : " La ville de Tékrour est le marché où les Maures échangent de la laine, du verre et du cuivre contre des esclaves et de l'or " [ 1998 : 45]. Mais, où les Maures prenaient-ils ces " esclaves " qu'ils échangeaient au Tékrour ? D'autres auteurs arabes ou arabisants dont Al Biruni(1050), As-Sharish (1223), Ibn Khaldûn (1375), Al-Maqhrizi signalent l'existence de caravanes venant du Tékrour pour le pèlerinage à la Mecque, avec leurs centaines ou leurs milliers d'esclaves. Une de ces caravanes partait aux lieux saints avec 1700 têtes d'esclaves. Ghana avait la réputation de posséder une puissante cavalerie et des milliers de fantassins pour faire la guerre aux populations et États voisins afin de satisfaire la demande saharienne d'esclaves et d'élargir ses assises territoriales, même si l'esclavage n'était pas forcément le ressort principal de sa puissance. Ghana prenait pourtant ses captifs parmi les populations qu'il razziait la plupart du temps, du côté du Mali actuel, chez les Bambara (les Amima de Az-Zuhri, 1154-1161).
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