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 la France et l'intégration des italiens

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zapimax
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zapimax


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Localisation : Washington D.C.
Date d'inscription : 14/06/2005

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08112005
Messagela France et l'intégration des italiens

http://traitsnoirs.lautre.net/textes/tn09/BELLE%20EPOQUE%20ET%20XENOPHOBIE%20ANT\
I.htm


Une certaine réécriture contemporaine de l’histoire, oublieuse, tend à faire
croire que les immigrés italiens (européens, voisins, travailleurs, catholiques)
furent " à l’époque " bien accueillis et rapidement intégrés dans le bel
hexagone. La réalité n’est pas si reluisante.


Le16 août 1893, pour une chemise italienne lavée dans de l’eau " française ",
les ouvriers français des salins d’Aigues-Mortes déclenchent une chasse à
l’Italiens ; interrompue par l’arrivée de l’armée, elle se solde par la mort
d’au moins 8 ouvriers italiens et des dizaines de blessés1. Le sang répandu lors
de cette " collision ", fortement médiatisée, et qui causa un grand émoi des
deux côté des Alpes, est loin d’être un fait isolé mais plutôt un symptôme du
mal qui ronge alors une partie du prolétariat français : la haine et la peur de
l’étranger, et notamment de l’Italien.



Immigration italienne



Le XIXème siècle voit l’industrie française, en plein développement, atteinte
d’un boulimie de main-d’œuvre. Les campagnes française n’étant pas un vivier
suffisant (démographie anémiée, résistances à la prolétarisation et à la
pénibilité des travaux), les travailleurs étrangers sont particulièrement
recherchés par les entrepreneurs qui n’hésitent pas à aller en Belgique ou en
Italie pour organiser des filières de recrutement.



Si durant le Second Empire les Belges sont parmi les plus nombreux, ils sont
suivis de près par les Italiens qui immigrent en masse à partir de 1860 et sont
les plus nombreux vers 1900 (près de 400 000 d’entre eux résident alors en
France). Ceux que l’on nomme de façon générique les " piémontais "
(principalement originaires du Nord de la péninsule) se retrouvent
principalement dans le Sud-Est et en Corse (les départements de ces régions
regroupent les 2/3 de la communauté ; Marseille est alors la première ville
italienne de l’Hexagone2). Leur nombre est sans cesse croissant3.


Les patrons, qui voient en eux des ouvriers " dociles ", " durs à la peine " ,
se contentant de faibles salaires4 et de conditions de travail médiocres, les
emploient dans l’industrie textile (pour les femmes), le bâtiment et travaux
publics (les Italiens représentent un ouvrier sur dix dans ce secteur) ou
l’agriculture, pour des travaux pénibles et ne demandant qu’un faible
qualification ; emplois délaissés par les autochtones.


La fin du XIXème siècle correspond aussi en France avec une montée du
nationalisme et du chauvinisme, notamment causée par la défaite de 1870, et une
perception, nouvelle, de " l’étranger " en tant que problème (premières lois
discriminatoires et de contrôle). " Les étrangers deviennent un élément
essentiel dans les stratégies de conquête du pouvoir lors des consultations
électorales "5. Nombre de travailleurs français perçoivent les transalpins comme
des concurrents déloyaux sur le marché du travail, des briseurs de grève,
représentant un danger pour les salaires, … (d’autant plus qu’il ne sont ni
frappés par l’impôt ni astreints au service militaire). La presse et la
littérature découvrent un thème vendeur, l’Italien nomade, ascétique, sale,
brutal et belliqueux (son adresse à manier le couteau est réputée)6 et bien trop
catholique (" les christos ")…



A partir de 1860 et jusqu’en 1890 la France est touchée par un important
ralentissement de la croissance et une succession de crises, c’est l’époque de
la " grande dépression du capitalisme " ; les travaux les plus pénibles sont à
nouveau recherchés alors que les patrons entendent réduire les coûts de
main-d’œuvre par l’embauche de migrants7. Au niveau international l’Italie
s’allie avec l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie en 1882 et, sous le ministère
Crispi8, se lance dans une politique impérialiste qui s’oppose à celle menée par
la France. En 1888 et 1889 alors qu’une guerre commerciale oppose les deux pays
le conflit armée paraît imminent. L’Italien est de plus en plus perçu comme un
concurrent quand ce n’est pas un ennemi, un espion, un envahisseur.


Dans ce contexte éclatent de nombreuses rixes, bagarres, mais aussi des grèves
et des affrontements de plus grande ampleur. Entre 1867 et 1893, 89 incidents
xénophobes sont répertoriés dont 67 qui opposent les prolétaires des deux pays9
" vêpres marseillaises " en juin 1881 (quatre jours d’émeutes anti-italiennes) ;
ligne de chemin de fer Alès-Orange en 1882 (les Italiens sont chassés du
chantier) ; Aigues-Mortes en août 1893; Lyon en juin 1894 après l’assassinat de
Carnot par Caserio (pendant deux jours les bars et magasins qui paraissent
italiens sont saccagés) ; Salins de Giraud en septembre 1896 ; Aubagne en
juillet 1899 ; Arles en avril 1900 violences.


La situation économique s’améliore à partir de 1890 (fin de la " grande
dépression ") et l’industrialisation reprend son galop. d’un point de vue
diplomatique il faut attendre 1896 (chute de Crispi) pour qu’une détente ait
lieu entre les deux pays latins et aboutisse à un rapprochement (commercial) en
1900-1902. Les haines et les rancœurs, si bien entretenues, ne disparaîtrons pas
avec la signature d’un accord entre diplomates, mais avec l’intégration des
transalpins au sein du mouvement ouvrier et syndical hexagonal (par un retour de
situation se sont les xénophobes et les nationalistes qui deviennent les jaunes
et les briseurs de grèves) ; " au cours de la décennie qui précède la Première
Guerre mondiale, les heurts entre Français et Italiens se font plus rares et
perdent le caractère de violence collective "10.





En Vaucluse

Le département de Vaucluse souffre à la Belle Epoque d’un déficit naturel
chronique et d’une émigration régulière11 ; le besoin de main d’œuvre est lui
croissant. Les Italiens ( tout comme les montagnards sud-alpins ou les cévenols)
y sont surtout attirés (et recherchés) par l’industrie textile (ouvrières en
soie ou en confection) ou par les vastes chantiers d’infrastructures urbaines et
ferroviaires12 (terrassiers, tailleurs de pierres…). En 1896 il y a 2339
travailleurs étrangers dans le département (1% de la population) et 8929 en 1911
(3,8% de la population) majoritairement des Italiens13 Certains ne passent que
l’Hiver dans le département, travaillant plus au Nord le reste de l’année ; la
plupart d’entre eux séjournent en France depuis " longtemps " et maîtrisent la
langue14.


On peut dénombrer en Vaucluse, entre 1884 et 1914, neufs grèves dans les
secteurs du textile et des travaux publics15 dont la principale revendication
n’est autre que le renvoie d’une partie ou de tous ouvriers étrangers ; arrêts
de travail souvent accompagnés de contraintes physiques, de menaces, de drapeaux
tricolores et d’alcool en grande quantité… La xénophobie semble particulièrement
mobilisatrice car le taux de participation à ces grèves " atteint des records
"16. Ces conflits se concluent assez rapidement par la fuite ou le licenciement
de ceux qu’on appelait " bàbi " (crapaud en provençal)17. Durant la période
1901-1907, sur 26 grèves recensées par la Préfecture, cinq ont lieux pour ce
motif. A noter toutefois l’absence apparente des syndicats dans ces événements
(dans une période où ils se constituent) ou de réaction politique18.


Ce cycle ce clôt en 1905 par les " troubles d’Entrechaux ", un conflit d’une
plus grande ampleur qui va empoisonner le Nord-Vaucluse pendant près de sept
mois, et qui peut rappeler par certains aspects les événements d’Aigues-Mortes.



" Les troubles d’Entrechaux ",

La construction de la ligne de chemin de fer allant d’Orange à
Buis-les-Baronnies (Drôme), passant par Vaison-la-Romaine, sert de cadre à ces
événements, notamment dans le secteur compris entre Sablet et Entrechaux dont
les travaux débutent en juillet 1904.



Dès juin, le décor est planté : le Conseil municipal d’Entrechaux, donne une
idée de la réputation dont souffrent encore les prolétaires italiens, en
demandant officiellement à la Préfecture l’installation un détachement de
gendarmes sur sa commune: " par suite de travaux longs et difficiles [la
commune] recevra un personnel nombreux d’ouvriers de nationalité italienne ; que
le contact de ces ouvriers nomades et maraudeurs peut-être la cause de désordre
ou de rixes au sein de la population "19.



Pour la Préfecture les brigades de gendarmerie de Vaison et Malaucène doivent
suffire à maintenir l’ordre.
Lorsque le chantier débute, le maire d’Entrechaux, H. Clément, s’insurge du
faible nombre d’ouvriers français qu’il y trouve (nombre qui de plus semble
diminuer à ses yeux) : " C’est honteux de voir que l’ouvrier français ne puisse
pas travailler sur un chantier de l’Etat "20

Le conflit éclate le 9 août. Une centaine d’ouvriers français, armés de gourdins
et de pierres, drapeau tricolore en tête, quittent les chantiers de
Pierrelongue, Mollans et Vaison et se dirigent vers Entrechaux où ils
interrompent le travail. 175 ouvriers italiens (maçons, terrassiers, mineurs) y
sont employés par l’entrepreneur Bastin. Celui-ci, qui déplore que certaines
municipalités soient " ouvertement hostiles aux ouvriers italiens "21 , déclare
ne pouvoir embaucher plus d’autochtones car ses " intérêts seraient gravement
compromis ", les ouvriers italiens étant " d’un caractère plus souple, plus
obéissant et à peine égal produisant de 20 à 25 % de plus que l’ouvrier français
".
Les grévistes sont aussitôt reçus par le Maire du village auquel ils font part
de leurs revendications :

Le maintien des ouvriers grévistes syndiqués (ce qui tend à prouver que le
conflit n’a pas une cause uniquement xénophobe ; c’est la seule allusion à la
présence d’un syndicat).
L’application du décret du 10/08/1899 dans la commune. (décret de Millerand "
socialiste indépendant ", limitant le nombre de travailleurs étrangers dans les
marchés de travaux publics passés par l’Etat à 10 %).
Que parmi les ouvriers italiens on ne garde que ceux en charge de famille.
Des chefs de chantiers français.


Afin " d’éviter la bagarre sanglante " H. Clément promulgue alors un arrêté
municipal réglementant le nombre de travailleurs étrangers sur la commune (la
préfecture lui fera remarquer qu’il n’en a pas le droit). Les grévistes rassurés
quittent la place et la cèdent aux gendarmes de Malaucène. Les transalpins se
réunissent et décident de reprendre le travail le lendemain. Mais, dès l’aube
les grévistes arpentent la ligne en construction et empêchent la reprise : deux
cents Français des Buis et Mollans se dirigent ainsi vers Sablet où se trouve
une centaine d’ouvriers italiens qui préfère s’enfuir (il n’y a que deux
gendarmes dans le village). Une trentaine de gendarmes arrivent alors en
renfort, suivis par le Sous-Préfet qui promet aux marcheurs le stricte respect
du décret du 10/08/99 ; sous la pression l’entrepreneur de Sablet s’y engage.
Le 11 août le cortège repart en direction de Vaison (aucun étranger n’y
travaille) puis vers Entrechaux. Le Maire et les gendarmes, " ne pouvant assurer
la sécurité de leurs personnes "22, enjoignent les Italiens à ne pas sortir de
chez eux pendant la journée. Les grévistes sont accueillis et nourris par la
municipalité23. L’entrepreneur Bastin, menacé par le Sous-Préfet, doit promettre
de respecter le décret et de licencier les Italiens en surnombre. Ces derniers
décident alors, " volontairement ", de quitter la région. La majorité des
Français, calmés, repartent vers leurs chantiers.


Un conflit éclate alors entre l’entrepreneur et les ouvriers migrants pour le
paiement des jours de chômage forcé ; gendarmes et ouvriers français sont
présents et surveillent les négociations. Le lendemain, seize ouvriers italiens
sont menacés et fuient le village.


Les incidents cessent mais la tension n’est retombée qu’en apparence. Le 24 août
trente ouvriers italiens sont empêchés de travailler à Vaison et ce bien que
leur nombre soit légal. A Entrechaux où l’on trouve 627 Français et 54 Italiens
(soit moins de 10 %), une douzaine de chômeurs français font irruption sur le
chantier et, avec l’aide de leurs compatriotes, chassent sept Italiens. Sept
Français sont aussitôt embauchés.


Quelques jours plus tard un Italien est agressé sur la route Vaison-Entrechaux ;
dans le village il ne reste alors qu’une vingtaine de travailleurs étrangers
(sur 600 ouvriers et trois chantiers24).
Le Consul d’Italie à Marseille, recevant les plaintes et informations de ces
compatriotes, s’enquiert de la situation auprès du Ministre des Affaires
étrangères et du Préfet du Vaucluse. Le sous-Préfet tente lui de minimiser les
incidents :

" en résumé, au cours de cette grève de courte durée, à aucun moment l’ordre n’a
été troublé, à aucun moment les italiens n’ont eu à subir de sévices, la liberté
du travail a été partout et à toute heure assurée et si les ouvriers italiens
n’ont pas cherché à s’abriter derrière les garanties que nous leur assurions et
ont abandonné leurs ateliers dans des conditions d’ailleurs rémunératrices que
je vous ai dites plus haut, c’est qu’ils l’ont bien et spontanément voulu "25.



Les " troubles d’Entrechaux " s’achèvent donc, comme il est presque de coutume
dans ce type de conflit, par le départ de la plupart des prolétaires italiens.
Les braises de la xénophobie, elles, restent bien là, prêtes à enflammer les
esprits.



En février de l’année suivante, sur le chantier du désormais connu Bastin,
éclate une nouvelle grève suivie par la totalité des ouvriers (environ 150
durant trois jours), pour le renvoi des travailleurs espagnols (!). Les
gendarmes, sous les ordres du Brigadier Mariani (sic), doivent intervenir. A
l’initiative de " maçons avinés ", un cortège se forme et le travail cesse ;
pour la première fois en Vaucluse, c’est le drapeau rouge que l’on hisse…26


Quelques jours plus tard c’est aux carrières de Beaumont que le feu reprend ;
cinquante ouvriers, répartis en trois chantiers, y extraient les pierre
nécessaires à la construction du chemin de fer. Après le renvoi de plusieurs
ouvriers français une grève éclate pour leur réintégration ou pour le renvoi
d’un nombre égal d’Italiens ; une autre revendication apparaît pourtant, le
paiement à l’heure et non plus au mètre cube de pierres comme cela est déjà le
cas pour les Italiens (ayant la réputation d’abattre plus de travail en un temps
égal). Le brigadier Mariani intervient et propose à l’entrepreneur d’assurer la
" liberté du travail " en protégeant les ouvriers Italiens, mais ceux-ci
refusent (effrayés ou solidaires ?) de revenir sur le chantier. Dépêché sur
place, le juge de Paix de Malaucène27 constate que " la concorde " règne entre
les travailleurs des deux nationalités et que leur seule hostilité est à
l’encontre du patron (ce dernier règle le problème en fermant l’ensemble du
chantier, les fournitures pour la ligne de chemin de fer étant alors
suffisantes).
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