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 L'esclavage, une histoire qui concerne la nation entière

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mihou
Rang: Administrateur
mihou


Nombre de messages : 8092
Localisation : Washington D.C.
Date d'inscription : 28/05/2005

L'esclavage, une histoire qui concerne la nation entière Empty
25042009
MessageL'esclavage, une histoire qui concerne la nation entière


"L'esclavage, une histoire qui concerne la nation entière"





L'esclavage, une histoire qui concerne la nation entière H_4_ill_1038717_debret
D.R.
L'esclavage au Brésil, de Debret.

Marcel Dorigny est enseignant-chercheur en histoire à l'université Paris-VIII. Il est directeur de la revue Dix-Huitième Siècle et président de l'Association pour l'étude de la colonisation européenne, 1750-1850. La
Journée nationale de la mémoire de la traite négrière, de l'esclavage
et de leurs abolitions, qu'on va célébrer pour la quatrième fois le 10
mai, ne fait toujours pas l'unanimité. Pourquoi n'avoir pas choisi la
date du décret d'abolition, le 27 avril ?
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Le 27 avril 1848 est la date de la signature, par Victor Schoelcher,
du décret d'abolition de l'esclavage. La loi Taubira de 2001, qui
prévoit une journée nationale de la mémoire de l'esclavage, a institué
un comité, dont je faisais partie, nommé pour cinq ans et mis en place
en 2004, qui devait faire des propositions, notamment sur le choix
d'une date métropolitaine - car, dans chaque département d'outre-mer,
il y a déjà, depuis 1983, un jour férié. Les débats pour parvenir à une
date de commémoration ont duré dix-huit mois. Le 27 avril a été l'une
des premières propositions. Je suis de ceux qui ont émis des réserves.
Car, depuis quelques années, il y a dans les mouvements associatifs
antillais - à tort ou à raison, la réalité historique étant très
complexe - un rejet de l'idée que l'abolition a été octroyée depuis
Paris par un "grand Blanc". On estime désormais que la liberté a été
imposée à la métropole par les esclaves, alors que pendant longtemps,
il y a eu, au contraire, un véritable culte de la personnalité de
Schoelcher, qui a produit ce retour de bâton. Quoi qu'il en soit, la
date du 27 avril aurait suscité des réactions négatives. Personnellement,
j'étais favorable au 4 février, date de la première abolition, en 1794.
C'était la convergence entre la lutte des victimes et la légalité
républicaine. On m'a opposé qu'elle n'avait duré que huit ans puisque
Napoléon a rétabli l'esclavage en 1802. On s'est finalement arrêté sur
le 10 mai, jour où, en 2001, le Sénat a voté, après l'Assemblée
nationale, la loi Taubira à l'unanimité. Qu'avez-vous pensé du rapport d'André Kaspi déplorant la multiplication des dates commémoratives ? Comment
un historien peut-il penser qu'il est possible d'arrêter le temps ?
André Kaspi préconisait de ne garder que trois dates commémoratives, le
8 Mai, le 14 Juillet et le 11 Novembre. Et, surtout, il estimait que
les autres dates étaient locales ou communautaires, ce qui est
choquant, appliqué à l'esclavage, car cette longue histoire concerne la
nation entière. En 2004, dans son livre "Les Traites négrières, essai d'histoire globale", qui a suscité la polémique, Olivier Pétré-Grenouilleau disait qu'il voulait libérer la mémoire des ravages des "on dit" et des "je crois". Y est-on parvenu ? J'ai
commencé à travailler sur cette question il y a plus de vingt ans. Mais
ce fut le bicentenaire de la Révolution, en 1989, qui l'a mise pour moi
au premier plan. Les précédentes célébrations de la Révolution (1889 et
1939) avaient écarté la question coloniale. En 1989, tout cela est
remonté à la surface : la Révolution française a proclamé les Droits de
l'homme dès août 1789, mais n'a pas aboli immédiatement l'esclavage. Il
fallait expliquer la contradiction. C'est le livre d'Yves Benot, en 1987, La Révolution française et la fin des colonies, qui a marqué un tournant. Pour
ce qui concerne Pétré-Grenouilleau, j'ai avec lui certaines divergences
qui n'ont rien à voir avec la procédure judiciaire pour négation de
crime contre l'humanité, lancée principalement par Patrick Karam, alors président d'un "collectif ultramarin"
et aujourd'hui délégué du premier ministre pour l'outre-mer. Cette
accusation portait sur un plan qui n'est pas historique. Mes
divergences relèvent de la légitime controverse historique, notamment
sur la manière dont la synthèse proposée revient à mettre les trois
traites négrières -intra-africaine, orientale et coloniale européenne-
sur le même plan alors que leurs durées et leurs conséquences ne sont
pas de même nature. Des divergences portent également sur "l'argent de
la traite", dont le rôle me semble sous-estimé. Beaucoup affirment que cette question de l'esclavage ne parvient toujours pas à être un objet d'histoire comme les autres. Je ne sais si l'on peut utiliser l'expression "un objet d'histoire comme les autres",
car, pour cela, il faudrait admettre qu'il y a des objets historiques
froids, ce qui n'est pas fréquent... Que l'on songe à la collaboration
sous Vichy, à l'affaire Dreyfus, au massacre de la Saint-Barthélemy...
Mais il est vrai qu'il est assez rare qu'une question d'histoire
dégénère au point de susciter une action en justice. Il faut préciser
qu'on était en 2005, une année où la politique a beaucoup secoué le
milieu des historiens en raison de la polémique sur la loi préconisant
de reconnaître "les aspects positifs de la colonisation française". Vous dites vous-même que l'histoire de l'esclavage est peu connue, en quelque sorte un angle mort de l'histoire... Il
y a un paradoxe. Elle est peu connue du grand public et a été longtemps
peu enseignée. Toutefois, la recherche savante est très importante. Si
on se limite à la traite, un colloque qui a fait date s'est tenu en
France, à Nantes, dès 1985. Ensuite, il y eut les commémorations de la
première abolition de l'esclavage, en 1994, dans le sillage du
bicentenaire de 1789 ; surtout, il y eut le grand mouvement qui a
marqué l'année 1998, cent cinquantième anniversaire de l'abolition
définitive décrétée en 1848. Un constat s'impose aujourd'hui : la
transmission entre recherche et "grand public"se fait de
mieux en mieux. On note des changements dans les manuels scolaires et
dans les directives de l'Education nationale. Le comité institué par la
loi Taubira avait fait valoir dans son rapport au premier ministre
d'avril 2005 les retards de l'enseignement et, surtout, de la recherche
institutionnelle. Par exemple, en 2002, lorsque nous avions organisé,
notamment avec Yves Benot, un colloque sur le rétablissement de
l'esclavage par Napoléon et la naissance d'Haïti, le CNRS, auquel nous
demandions une aide, nous avait répondu que ce sujet n'était pas une
priorité. Les choses ont beaucoup évolué. Que pensez-vous de cette phrase de la romancière américaine Toni Morrison, Prix Nobel
1993 : "L'esclavage a coupé le monde en deux. Il a transformé les
Européens, il les a fait des maîtres d'esclaves. Il les a rendus fous" ?
C'est
une vision d'aujourd'hui. Il faut rappeler que l'esclavage a été une
pratique universelle, qui n'a pas été inventée par les Européens en
1492. Il y a eu des esclaves bien avant et il y en a encore
aujourd'hui. Mais de quand date la mauvaise conscience de posséder des
esclaves ? Je ne cherche pas à sauver l'Europe à tout prix, mais force
est de constater qu'elle date de la Renaissance et de l'humanisme
européen, dans la seconde moitié du XVIe siècle, chez
Montaigne par exemple. La phase d'intensité maximale de la traite
négrière, entre 1730 et 1830, vit l'essor de l'anti-esclavagisme,
construit sur une solide argumentation à la fois théologique, morale,
philosophique et économique. Dès lors, le seul argument en défense
utilisé peut se résumer ainsi : certes, c'est barbare, mais on en a
besoin si l'on veut du sucre, du café, des colonies riches, une balance
commerciale excédentaire... Au début du XIXe siècle, la
traite fut mise hors la loi, mais l'esclavage résista encore plusieurs
décennies, jusqu'en 1865 aux Etats-Unis, et même 1888 au Brésil.
Toutefois, la marche vers l'abolition était lancée. Photos Richard Dumas/Vu pour "Le Monde" "Les Traites négrières coloniales. Histoire d'un crime", sous la direction de Marcel Dorigny et Max-Jean Zins, présentation de Daniel Voguet.
Ed. Cercle d'art, avec l'Association des descendants d'esclaves noirs
et de leurs amis et la Caisse centrale des activités sociales du
personnel des industries électrique et gazière, 256 p., 130 documents
en couleurs, 35 € jusqu'au 30 septembre, 50 € ensuite (en librairies le
30 avril).
http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/04/24/l-esclavage-une-histoire-qui-concerne-la-nation-entiere_1185016_3224.html#xtor=AL-32280184
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https://vuesdumonde.forumactif.com/
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L'esclavage, une histoire qui concerne la nation entière :: Commentaires

avatar
quelle honte !!!!
Message Mar 19 Avr - 3:28 par lolaa
c'est honteux. le malheur c'est que l'esclavage existe encore de nos jours mais sur differents aspets... quelle honte !!
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L'esclavage, une histoire qui concerne la nation entière

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