Affaire Kieffer : une intervention de l'Elysée ?
Par David Servenay
Créé 10/06/2008 - 23:19
Le
conseiller justice de Nicolas Sarkozy a-t-il fait pression sur un
témoin anonyme dans l'affaire Kieffer ? C'est en tout cas ce que le
juge Patrick Ramaël a affirmé ce lundi aux parties civiles. La famille
réclame l'ouverture d'une enquête pour savoir la vérité. Le conseiller,
Patrick Ouart, dément.
Etrange chiffon rouge… au cœur de l'été, un homme contacte les magistrats en charge de l'affaire Guy-André Kieffer [1],
du nom de ce journaliste disparu en Côte-d'Ivoire en 2004. Il veut
rencontrer le tenace juge Patrick Ramaël, à condition de témoigner sous
X. Une procédure complexe, mais parfaitement prévue par le code de
procédure pénale. Rendez-vous est pris pour le 28 juillet et… le témoin
ne vient pas. Il appelle le juge, pour lui indiquer que deux hommes
l'en ont dissuadé. L'un d'eux, précise-t-il, est le conseiller justice
de l'Elysée.
Plus précisément, le témoin « anonyme » affirme avoir subi des
pressions de la part de Patrick Ouart. Ce magistrat suit attentivement
tous les dossiers judiciaires signalés pour le président de la
République. Déjà conseiller justice à Matignon, époque Edouard
Balladur, Patrick Ouart donne régulièrement son avis sur les affaires
sensibles. D'après Osange Silou-Kieffer, épouse de GAK, l'histoire doit
impérativement être éclaircie.
(Voir la vidéo)Convoqué par le juge Ramaël à la rentrée, Patrick Ouart dément sur
procès-verbal l'accusation de subornation de témoins. Mieux : fin
septembre, il lance une contre-attaque en déposant plainte pour «
dénonciation calomnieuse ». Interrogé, les services du procureur de la
République de Paris confirme : « Le parquet a bien reçu la plainte de
Patrick Ouart, elle est à l'étude. » Le procureur Jean-Claude Marin
décidera dans quelques jours des suites à donner à cette affaire dans
l'affaire.
Pour le frère de GAK, très attentif aux évolutions de l'enquête, le
ministère public doit impérativement ouvrir une enquête, sous l'égide
du juge Ramaël. Il en va de la crédibilité de Nicolas Sarkozy, ajoute
Bernard Kieffer, puisque le président s'est engagé à faire la lumière
sur cette affaire.
(Voir la vidéo)En révélant cet épisode insolite de l'instruction, quelqu'un a fait
fuiter le nom du témoin qui voulait rester anonyme. Drôle de façon de
faire... à un moment où les juges avancent rapidement dans l'enquête.
Début juillet, ils ont convoqué Simone Gbagbo et Paul-Antoine Bohoun
Bouabré, ministre du Plan et du Développement. Les intéressés ont
décliné l'invitation.
Plusieurs hypothèses sont envisageables :
- vraie manoeuvre de l'Elysée pour torpiller l'enquête,
- entourloupe de la présidence ivoirienne pour détourner l'attention des juges autour des proches de Laurent Gbagbo ;
- ou simple affabulation d'un « témoin » visant à piéger les magistrats.
Dans tous les cas, un joli chiffon rouge qui pourrait détourner
l'attention de pistes prometteuses explorées ces derniers mois : celle
du trafic d'armes que nous avions évoqué ici [2], mais aussi celle de l'entourage du président Gbagbo [3], mis sous pression par les derniers témoignages relevés par les enquêteurs.
Contacté à l'Elysée, Patrick Ouart nous a renvoyé vers son avocat, Thierry Herzog, qui n'a pas répondu à notre appel.
URL source: http://www.rue89.com/2008/10/06/affaire-kieffer-une-intervention-de-lelysee
Liens:[1] http://www.rue89.com/2008/04/16/le-journaliste-guy-andre-kieffer-disparu-depuis-quatre-ans
[2] http://www.rue89.com/2008/05/28/disparition-de-guy-andre-kieffer-la-piste-du-trafic-darmes -
[3] http://www.rue89.com/2008/07/08/affaire-gak-simone-gbagbo-convoquee-par-le-juge -