Afrique noire:Quand la colonisation française continue....
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http://www.africamaat.com/article.php3?id_article=128
L’idéologie française de la déstabilisation de l’Afrique Noire est résumée sans ambages par LYAUTEY, lorsqu’il écrit que : « L’action politique est de beaucoup la plus importante ; elle tire sa plus grande force dans la connaissance du pays et de ses habitants, s’il y a des coutumes et des moeurs à respecter, il y a aussi des haines et des rivalités qu’il faut démêler et utiliser à notre profit, en les opposant les unes aux autres, en nous appuyant sur les unes pour mieux vaincre les autres ». <1>
On comprend alors que le journaliste français Michel SITBON, s’insurge outragé que : « Depuis les années soixante la politique africaine de la France a coûté plus de six millions de morts sans jamais être remise en question. Alors que tous les faits sont sous nos yeux, nous refusons toujours d’admettre l’étendue de la responsabilité française dans un des actes les plus barbares du siècle : le génocide des Tutsi du Rwanda. Pourquoi ? » . <2>
Arc-boutée sur un atavisme négrier, la France qui a perdu les colonies cochinoises et arabes, la Tunisie, le Maroc, et l’Algérie de son ancien empire, avait vite compris que seuls les Noirs restaient encore à la portée de son hégémonie. Aussi, mit-elle sur pied une stratégie dont l’objectif central est d’empêcher les anciennes colonies d’Afrique Noire jugées serviles, de devenir libres et indépendantes. Elle dispose, pour ce faire, d’une panoplie de mécanismes implacables par lesquels elle s’affirme comme la facette principale agissante et représentative du triomphe de l’Occident sur le monde Noir. Ce système fonctionne sur la base :
1°) du maintien de l’Afrique subsaharienne (que Jacques CHIRAC s’est donné pour mission d’élargir de plus en plus aux régions dites anglophone et lusophone) dans une colonisation de type nouveau, qui l’engage dans la plupart des problèmes internationaux, dans lesquels la France les utilise pour ses besoins propres de puissance politique, économique, militaire et culturelle. Le colonialisme ancien est ainsi transformé en néocolonialisme triomphant, placé sous la nervure d’une coopération dont la France est l’unique dominante et la seule bénéficiaire ;
2°) d’une prétendue « Coopération » qui sert de cadre justificatif au pillage économique de l’Afrique Noire, aux interventions militaires françaises pour le maintien de cette exploitation, et à l’aliénation culturelle des populations africaines, au nom d’une prétendue communauté de langue : le Français ;
3°) de l’ancrage de l’Afrique subsaharienne dans une intégration néocoloniale de plus en plus subtile, mais toujours plus renforcée et rigide ;
4°) de la poursuite par la France de ces objectifs de domination, tout en les renforçant dans le cadre d’une projection stratégique ;
De type mafieux, le néocolonialisme français dans lequel le maître et ses valets s’imbriquent étroitement pour former un Tout sous la suzeraineté spoliatrice de la France, se veut immuable et n’accepte aucun compromis ni sur sa structure, ni sur son fonctionnement. Aussi, suffit-il seulement qu’un territoire africain se donne lui-même librement ses représentants, pour qu’un tel acte d’indépendance soit ressenti comme une agression qui appelle la riposte immédiate : le coup d’Etat téléguidé de Paris, suivi de la mise à mort du régime non installé par la France.
C’est ce qui permet de comprendre les diverses opérations franco-africaines de harcèlements initiés par l’appareil politique français, et, soutenus en permanence par ses services secrets dont la mission est de renverser tout régime africain rebelle. Comme cela fut entrepris jadis avec plus ou moins de bonheur contre le régime de SEKOU TOURE en Guinée (coupable d’avoir dit NON en 1958 à la Communauté franco-africaine), via le Sénégal et la Côte d’Ivoire d’HOUPHOUET-BOIGNY ; celui du marxiste-léniniste congolais, Marien N’GOUABI, via le Cameroun, ou encore celui du Bénin de Mathieu KEREKOU en 1972, alors également d’obédience marxiste-léniniste, qui essuya une tentative de renversement via le Gabon, par le mercenaire français Bob DENARD. C’est le même traitement qui a été réservé avec succès, en 1997, via la société ELF-AQUITAINE au régime de Pascal LISSOUBA, démocratiquement élu par le peuple Congolais, doublement coupable pour la France, d’avoir réclamé de surcroît un droit de regard sur les ressources pétrolières congolaises, considérées par la France comme son bien personnel.
Chassé du pouvoir et remplacé par SASSOU NGUESSO, un homme du sérail français en Afrique centrale, Pascal LISSOUBA laissa éclater sa colère : « Le mécanisme de versement de la redevance pétrolière est difficile à décrire. Les redevances sont dues à des filiales d’Elf Aquitaine, Elf-Congo et Elf-Gabon (...). Mais le fonctionnement d’une autre société, Elf Trading, qui effectue des transactions, reste obscur. Les fluctuations du dollar jouent sur le montant de la redevance (...). Qui gère le différentiel provoqué par ces fluctuations portant sur des sommes considérables. Qui peut contrôler cela ? (...). Le Congo recevait des redevances d’exploitation dont il était difficile de suivre le cheminement. Les sommes provenant des marges de fluctuation pouvaient être élevées et suffisaient à financer un mouvement de déstabilisation. Il pouvait donc s’agir d’une sorte de pacte de corruption soutenant un complot » . <1>
C’est ce système qui réagit toujours à la manière d’une pieuvre face à sa proie, qui, dans une première phase, a violemment secoué la Côte d’Ivoire au mois de Septembre 2002, pour contester Laurent GBAGBO, démocratiquement élu président de la République, à la différence du panel de présidents fantoches qui peuplent l’hémisphère francophone du sud du Sahara. La France pour qui la plus grosse part, sinon la totalité des marchés des néocolonies doivent revenir de « droit divin » de gré à gré à des mercantis français dont la vocation serait de contrôler tous les secteurs économiques de l’Afrique Noire dite francophone, et qui n’auraient pas à se soumettre à la voie d’appels d’offres internationaux, comme l’exige la coutume internationale.
Laurent GBAGBO est donc particulièrement contrariant pour ce que la France considère comme ses « intérêts vitaux », au motif qu’il a remis en question les pratiques des sociétés françaises telles que Bouygues dont l’offre pour la construction du troisième pont d’Abidjan avait été rejetée, parce que trois fois supérieure à celle de la Chine qui se montrait au surplus plus accommodante par l’acceptation du règlement d’une partie du contrat sous forme de troc en cacao et café, ou encore, pour s’être opposé aux ambitions que le même groupe français Bouygues nourrissait sur les travaux de construction de l’aéroport de San Pedro dont le contrat semblait devoir être emporté par des sociétés Sud-africaines, ou enfin, avoir contrarié les projets de la France dans ce pays où elle avait toujours jusque-là eu la haute main sur tout, et où elle voyait avec épouvante, arriver à leur terme en 2004, les contrats de Bouygues pour la Compagnie ivoirienne d’électricité, et celui de Télécom Côte d’Ivoire par France Télécom.
Aussi, le camouflet suivi que la France comptait infliger au Président ivoirien le 26 Janvier 2003, en lui imposant l’entrée dans son gouvernement, d’opposants, avec attribution des portefeuilles des Forces Armées et de l’Intérieur, doit être compris comme la deuxième phase de sa stratégie. C’est pourquoi elle fut aussitôt amplifiée par une tonitruante levée de boucliers de la presse parisienne, sa télévision surtout, sur l’existence de « charniers » en Côte d’Ivoire.
Aussi, le vocero poussé lors du sommet de la Françafrique à Paris en Février 2003 par le chef de l’Etat français sur « la fin de l’impunité » sur les assassinats et autres entraves aux Libertés en Afrique Noire, ne visait que Laurent GBAGBO.
L’agression française contre la Côte d’Ivoire à laquelle le monde est entrain d’assister vise à n’en pas douter à l’élimination physique de Laurent GBAGBO, pour la remise du pouvoir par la France à l’une de ses marionnettes, postées aujourd’hui en embuscade, dans le cadre d’une conspiration ourdie en 2003 dans un bureau du Quai d’Orsay, à Paris, sur ordre de Jacques CHIRAC en personne, par Monsieur Dominique de VILLEPIN, alors ministre français des Affaires Etrangères interposé. Comme le révèle le journal français Le Canard Enchaîné, dans sa livraison du 5 Mars 2003 : « C’est dans un bureau du Quai d’Orsay que quatre personnes vont discuter, en petit comité, de la composition du futur gouvernement ivoirien. Côté français, Villepin et Nathalie Delapalme, sa conseillère anti-Gbagbo ; côté africain, le chef rebelle Guillaume Soro et un émissaire de Blaise Compaoré, le président du Burkina qui ne se cache pas de vouloir la perte de Gbagbo. Jadis, Paris installait, défendait ou renversait les chefs africains francophones. Aujourd’hui, on discute du sort de l’un d’entre eux dans un bureau ministériel. C’est un progrès ? ».
Par contre, de même qu’elle intrigue contre les récalcitrants, la France, par des méthodes de natures diverses qui peuvent aller de la fraude électorale à des violences telles que l’élimination physique d’opposants et de réfractaires à son racket, veille jalousement sur ses courtiers. C’est dire si elle n’accepte chez les Africains que des caricatures à la morale douteuse et mafieuse, terrorisant leur propre peuple en tant que son bras armé qui, de fait, n’autorise pas qu’éclosent en Afrique Noire, des hommes ou des femmes de la stature politique d’un Nelson MANDELA <1>, par exemple. A l’évidence, la politique africaine de la France est de loin plus anti-Nègre que l’Apartheid.
Le soutien apporté jadis à la dictature alors moribonde de Joseph-Désiré MOBUTU par Paris comme seul pays occidental, est une illustration de cette idéologie néonégrière.
Une idéologie reposant sur des individus de nullité avérée, rompus à toutes sortes d’activités de prébendes, devant tout à leur protecteur français qui les a dressés pour une vie artificielle de servilité qui commande la reconnaissance et la soumission inconditionnels. Des personnages de basse extraction morale, vassaux par excellence, complexés jusqu’à la moelle des os, lancés à coups de publicité mensongère par une presse française particulièrement cocardière, celle-là même qui cultive avec délice l’art du mépris du « Nègre ».
Des hommes aux ordres de l’Occident et opposés aux Intérêts et à la Liberté de l’Afrique et des Africains, comme cela vient encore d’être démontré par les six soi-disant présidents africains réunis à Abuja au Nigeria, où ils n’ont pas hésité à prendre le parti du néocolonialisme français dans son occupation de la Côte d’Ivoire, comme vient de leur emboîter le pas, la forfaiture du prétendu Conseil de Sécurité de l’O.N.U. dont le code fondamental est le Droit de la Force de l’Occident dans le monde.
Des caricatures qui ne seraient rien sans le maître d’aujourd’hui, incarnation agissante du commandant administratif d’hier, maître de céans toujours, comme en attestent les privautés que la France et les Français s’autorisent dans le rythme et l’organisation de la vie politique des néocolonies d’Afrique Noire, notamment dans celles dont le sous-sol recèle du pétrole : le Gabon, le Cameroun notamment, dont le pillage de ressources par la France, n’a jamais été dénoncé par les médias français, qui en auraient fait une croisade, si les victimes avaient été des Blancs, ou alors le spoliateur, un pays autre que la France. En effet :
Sur le Gabon, Pierre PEAN signale que la mission parlementaire d’information sur le rôle des compagnies pétrolières en Afrique révèle que : « Le Gabon a été une excroissance de la République dirigée conjointement par Jacques Foccart, le parti gaulliste et Elf. En 1993, le président Bongo s’est maintenu au pouvoir grâce a un « coup d’Etat électoral », opéré avec la bienveillante neutralité du gouvernement français » . <2>
Et que sur le Cameroun, Loïk LEFLOCH-PRIGENT écrit pour sa part que Paul BIYA a été placé au pouvoir par la société ELF. Quant à François-Xavier VERSCHAVE, il va plus loin : « L’armée tricolore n’a pas lésiné dans le maintien de « l’ordre Biya ». En 1993, elle a fourni au régime 50 millions de francs de matériel militaire de répression. La mise en œuvre de cet accord était supervisée par le général Jean-Pierre Huchon, chef de la Mission militaire de coopération - par ailleurs très engagé au Rwanda. En février 1994, les Services français ont déjoué un projet de coup d’Etat au stade ultime de sa préparation. Le chef de la DGSE <3>, entre autres, par Paul BIYA ? In L’ordre du Temple Solaire, les secrets d’une manipulation, Ed. Flammarion, 2000, PP.344-347. , le général Jacques Dewatre, a été chargé de « déminer » l’armée camerounaise »... Fin 1999, celle-ci était encore conseillée et encadrée par plus de cent officiers et sous-officiers français » <4> . Comme l’écrit encore si judicieusement Le Canard Enchaîné dans sa livraison du 14 Avril 2004, sous le titre Les trous de mémoire de la France sur son passé rwandais : « A ce petit jeu très dangereux, la France n’a même pas l’excuse de l’inexpérience. Pour conserver son rang en Afrique, et depuis quarante ans, Paris soutient des régimes dictatoriaux, adeptes de l’épuration ethnique ou tribale. A Djibouti, 2700 soldats tricolores contribuent à la pérennité du parti unique, entièrement aux mains des Issas, en réprimant les Afars (40 % de la population). Au Cameroun, c’est le clan du président francophone Biya qui a la cote, au détriment des anglophones et des Bamilékés, souvent opprimés par le passé. En Cote d’Ivoire, dans les années 90, la France n’a pas mégoté son aide au président Konan Bédié, inventeur du concept d’« ivoirité », aux conséquences si funestes aujourd’hui. Etc... » <5>
Il n’est par conséquent pas étonnant que Monsieur Jacques GODFRAIN, alors Ministre français de la Coopération, se soit félicité, dans une livraison du Figaro, en Avril 1997, de cette politique africaine de la France : « A ceux qui nient que les liens entre la France et l’Afrique ont assurément été un succès après la décolonisation réussie, j’aimerais demander quelles autres puissances coloniales ont des rapports aussi confiants avec leurs anciennes colonies ? » .
Références bibliographiques:
<1> P. LYAUTEY est cité par P. GUILLAUME in Le Monde Colonial. Voir aussi P. LYAUTEY : L’Empire Colonial Français, Ed. de France, 1931.
<2> Michel SITBON : Un génocide sur la conscience, Ed. L’Esprit Frappeur, Paris, 1998.
<3> François-Xavier VERSCHAVE : Noir Silence. Qui arrêtera la Françafrique, Ed. Les arènes, 2000, P.373.
<4> Le Canard Enchaîné, dans sa livraison du 5 Mars 2003
<5> Le Canard Enchaîné, dans sa livraison du 5 Mars 2003
<6> Pierre PEAN in Noir silence, Qui arrêtera la Françafrique , Op. Cit., P.198.
<7> On comprend pourquoi, les journalistes signalent le financement de la D.G.S.E.
<8> François-Xavier VERSCHAVE : Noir silence. Qui arrêtera la Françafrique, Ed. Les arènes, P.178.
<9> Le Canard Enchaîné, livraison du 14 Avril 2004.
<10> In Le Canard Enchaîné n° 3989 du 9 Avril 1997.