Le vote des Français immigrés attise les appétits politiques : Faible participation, Rejet de la droite, Quotas d’emploi et vote des Etrangers
01/09/2005
La performance de la députée de Guyane Christiane Taubira à l’élection présidentielle de 2002 a changé la donne politique française en faisant entrer dans les stratégies électorales la prise en considération de l’électorat noir. Preuve en est cette étude sur le vote des Français issus de l’immigration africaine et turque [immigration fortement musulmane donc], intitulée "Rapport au politique des Français issus de l'immigration" dont le quotidien Le Monde a publié quelques résultas commentés [LE MONDE | 30.08.05 | 12h48 • Mis à jour le 30.08.05 | 13h49]
La méthodologie choisie a consisté en la comparaison de deux panels, l'un spécifique sur les Français issus de l'immigration, l'autre [panel miroir] portant sur l'ensemble des Français, qui a fait apparaître quelques traits distinctifs des populations africaines et turques issues de l’immigration. Ce document, idéalement complété par d’autres approches initiées du point de vue des communautés concernées devrait permettre aux Français d’origine africaine notamment d’affiner leurs stratégies en vue des élections présidentielles de 2007.
Il apparaît d’abord que ces Français participent relativement peu aux processus électoraux, ce qui les prive d’un levier essentiel d’action et de pression politique. 23% de Français issus de l'immigration ne sont pas inscrits sur les listes électorales, contre 7 % pour les Français du panel miroir, selon Le Monde.
Il est fort probable que ceci soit dû à l’absence d’offre politique nationale s’adressant aux problématiques spécifiques des dites communautés, et au défaut de structuration des initiatives communautaires. Un déficit qui devra rapidement être comblé comme le montrent la situation des mal-logés d’origine africaine.
Pour autant ces Français n’en sont pas indifférents à la vie politique. 76% se déclarent proches d’un parti de gauche et principalement du parti socialiste contre 54% pour l’autre panel. L’adhésion à la gauche traverse les clivages socioprofessionnels, se vérifiant chez les commerçants, les agriculteurs, chefs d’entreprise comme chez les ouvriers.
Mais paradoxalement aucun leader de gauche ne s’impose pour devancer Jacques Chirac qui reste le préféré de ces Français. Un dividende du rempart que Chirac aurait constitué contre le Front national en 2002, ou le fruit de sa position contre la guerre en Irak conjecture t-on ?
Contrairement à la tendance lourde de la population française globale, la bipolarité politique est toujours très marquée au sein des populations noires d’origine africaine et arabo-musulmanes, avec seulement 25% qui s’affirment n’être ni de droite ni de gauche contre 38% dans le reste de la population.
Qu’il s’agisse de la préférence pour le chef de l’Etat, de la perception d’une différence gauche-droite, ou de la surestimation de la démocratie hexagonale, le travail politique de déconstruction devra aussi et singulièrement être fait par les acteurs des communautés concernées. Le traitement politique des questions touchant ces communautés le démontre à suffisance. La mise à plat des résultas concrets des différentes ou apparentes différentes politiques devra être faite, sur les questions de chômage, de droits sociaux, de logement, d’accès au crédit, à la propriété d’une part. D’autre part, le rapport à la politique africaine devra émerger dans les agendas politiques des acteurs communautaires ou de ceux qui ciblent l’électorat communautaire de telle sorte que la diaspora prenne progressivement son rôle historique. Il n’en va pas autrement des communautés arméniennes, juives, asiatiques…
En suivant ce rapport, il est satisfaisant que le sentiment d’injustice entretenu par les discriminations institutionnelles, le chômage [première préoccupation], rendent l’électorat noir et arabo-musulman sensible aux quotas d’emploi des immigrés dans les administrations et les grandes entreprises. Il est également favorable au vote des Etrangers non européens pour les élections locales.
La balle est dans le camp des politiques et aspirants leaders nationaux et communautaires qui disposent de plus en plus d’éléments pour cerner la demande politique des Français issus de l’immigration. Ils devront convaincre ou s’effacer, pour le meilleur et pour le pire de beaucoup.
Centre d'étude de la vie politique française (Cevipof), Sylvain Brouard et Vincent Tiberj, "Rapport au politique des Français issus de l'immigration", Juin 2005.
Z.B.