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— Septembre
2007
Israël, l’antisémitisme et l’ex-président James Carter « Comment est-il possible que cet homme ait pu devenir président des Etats-Unis ? », s’interroge le
New York Postdans un éditorial du 15 janvier dernier. Tout lecteur peu informé pense
à ce moment-là que le quotidien du groupe de M. Rupert Murdoch règle
son compte à M. George W. Bush. Il n’en est rien.
« De président
raté, il est devenu un ami des tyrans de gauche, détracteur global de
tout ce qui peut représenter les intérêts légitimes de l’Amérique. » Mais alors, qui est ce président,
« conseiller en relations publiques de feu Yasser Arafat, “diabolisateur d’Israël” », et qui, en outre,
« excuse les exécutions massives » ? La réponse : M. James Carter.
« Il a dépassé la limite », s’emporte le
New York Post, demandant au Parti démocrate de réagir à tout ce que l’ex-locataire de la Maison Blanche peut déclarer.
Qu’a donc fait l’ancien président (1977-1981) pour mériter pareil traitement ? Il a écrit un livre –
Palestine : Peace not Apartheid. Et,
dans celui-ci, il affirme : si la répression se poursuit à Gaza et en
Cisjordanie, si Israël ne consent pas à négocier l’existence d’un Etat
palestinien, on pourrait arriver à une situation similaire à celle de
l’apartheid sud-africain,
« deux peuples occupant la même terre,
mais complètement séparés l’un de l’autre, avec les Israéliens en
position dominante et privant, de manière répressive et violente, les
Palestiniens de leurs droits les plus fondamentaux ». En réponse, l’Anti-Defamation League fait publier des annonces dans divers journaux accusant l’auteur d’être antisémite.
— Jimmy Carter, Palestine : la paix, pas l’apartheid, L’Archipel, Paris, 240 pages, 21,95 euros. Sortie en librairie le 17 octobre.
— Ilan Pappe, The Ethnic Cleansing of Palestine, Oneworld Publications, Oxford, 2007, 320 pages, 14,95 dollars.
— Yossi Goldstein, Yitzhak Rabin, biographie (en hébreu), Schoken, Tel-Aviv, 2006, 590 pages, 9 shekels.
— Rashid Khalidi, The Iron Cage : The Story of the Palestinian Struggle for Statehood, Beacon Press, Boston, 2006, 281 pages, 24,95 dollars.
— John Mearsheimer et Stephen Walt, Le Lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine, La Découverte, Paris, 224 pages, 15 euros. Sortie en librairie le 29 septembre.
M. Carter a bien répondu qu’il faisait référence à l’impact de la
situation sur la Palestine et non à la démocratie israélienne. La
comparaison n’en a pas moins provoqué des réactions acérées d’une
partie de la communauté juive américaine qui, à l’instar de
l’Anti-Defamation League, assimile toute critique des politiques
israéliennes à de l’antisémitisme. L’effet fut immédiat : le Parti
démocrate écouta les conseils du
New York Post. M. Howard Dean,
président du parti, et Mme Nancy Pelosi, présidente démocrate de la
Chambre des représentants, prirent leurs distances avec M. Carter.
L’affaire est gênante pour eux puisque, en période électorale, elle les
oblige à prendre position sur le conflit israélo-palestinien.
Les lecteurs ne pensent pas la même chose : plusieurs mois après sa
publication, le livre continuait à enregistrer un beau succès. Analyste
politique américain et directeur du Middle East Project, Henry Siegman
estime qu’il s’agit d’une œuvre honnête et sans grandes nouveautés, et
que la panique qu’elle a provoquée
« révèle l’ignorance de la
classe politique américaine, aussi bien les démocrates que les
républicains, sur le conflit israélo-palestinien (1)
».M. Carter, qui rapprocha les positions israélienne et égyptienne en
vue de la signature de l’accord de Camp David (1978) concernant le
retrait des forces israéliennes de la péninsule du Sinaï, fait état
dans son ouvrage de ses souvenirs de voyage et de ses contacts avec les
dirigeants de la région, il y a trente ans. Présentant une explication
didactique du conflit, il réalise une compilation équilibrée des
propositions de paix existantes, tenant compte de la nécessité d’un
Etat pour chacune des deux communautés et de garanties de sécurité
suffisantes pour Israël. Pour qui le lit sans préjugés, le livre
critique les politiques du gouvernement de Tel-Aviv, mais n’est pas
hostile à ce pays, contrairement à ce que les détracteurs prétendent.
Tant que la répression israélienne continuera, prétend M. Carter, il
y aura du terrorisme – affirmation scandaleuse à l’époque de la
« guerre contre le terrorisme » ? Il souligne aussi que
« la
colonisation et le contrôle continus des terres palestiniennes par
Israël ont été les principaux obstacles à l’obtention d’un vaste accord
de paix en Terre sainte ». Sans oublier de condamner le terrorisme palestinien – mais insuffisamment selon Ethan Bronner, un critique du
New York Times (2) —,
M. Carter ajoute que, depuis l’accord de Camp David, ce sont les
gouvernements israéliens qui ont surtout bloqué le processus de paix.
Il évoque en effet comment le premier ministre israélien Menahem Begin
fut le premier à refuser l’application de dispositions de l’accord
telles que le respect des résolutions 242 et 338 de l’Organisation des
Nations unies interdisant l’appropriation du territoire par la force,
demandant le retrait israélien de Cisjordanie et de Gaza, et
« la reconnaissance du peuple palestinien en tant qu’entité politique différente et en droit de déterminer son avenir ».Par ailleurs, il reprend les thèses selon lesquelles, lors d’un
sommet ultérieur, également à Camp David, entre le président des
Etats-Unis William Clinton, le premier ministre israélien Ehoud Barak
et Yasser Arafat (11 au 24 juillet 2000), il n’y aurait pas eu de
proposition concrète faite à ce dernier sur la construction d’un Etat
palestinien ; il serait par conséquent faux de prétendre que le
président palestinien a bloqué les négociations, gâchant ainsi une
grande chance. Pour avoir réfuté cette idée reçue, M. Carter a été
rabroué par M. Dennis Ross, l’envoyé spécial de M. Clinton au
Proche-Orient (3). Il est pourtant soutenu par d’autres spécialistes (4).
« Il existe un sentiment généralisé dans le monde arabe et à
travers l’Europe, qui n’est pourtant pas ressenti aux Etats-Unis,
concernant l’absence de considération de notre gouvernement pour la
souffrance palestinienne, note M. Carter
. Et il n’est pas
nécessaire d’être opposé à Israël pour protéger les droits des
Palestiniens à vivre dans leur propre territoire et en paix sans être
assujettis à une puissance occupante (5).
» Si ce type d’affirmation est courant en Europe et dans le monde arabe, il est effectivement moins fréquent aux Etats-Unis.
L’ex-président et directeur du Centre Carter de recherche sur la
paix et les conflits précise encore que le gouvernement de M. George W.
Bush a abandonné les Palestiniens à leur triste sort et rappelle
qu’Israël bloque les possibilités d’un accord. Le refus des
gouvernements de MM. Bush et Olmert de négocier avec le gouvernement de
coalition palestinien – Fatah et Hamas – en mars 2007 a dramatiquement
confirmé cette réalité.
Violemment attaqué sur sa référence à l’apartheid, M. Carter a réaffirmé sa position en déclarant :
« La
solution de rechange à la paix, c’est l’apartheid, non pas à
l’intérieur d’Israël, je le répète, mais en Cisjordanie, à Gaza et à
Jérusalem-Est, le territoire palestinien. C’est dans cette zone que
l’apartheid existe sous sa forme la plus méprisante, les Palestiniens y
sont privés de leurs droits les plus fondamentaux (6).
»Face à cet état de fait, M. Carter insiste sur trois conditions pour
parvenir à la paix dans la région : des garanties pour la sécurité de
l’Etat d’Israël, la fin de la violence des Palestiniens, et la
reconnaissance par Israël du droit de ces derniers à disposer d’un Etat
dans les frontières d’avant 1967.
M. Carter a estimé que la vie en Cisjordanie pouvait être « plus
oppressante » pour les Palestiniens qu’elle ne l’était pour la
population noire sud-africaine : en matière économique, Israël dépend
de moins en moins de la force de travail palestinienne en raison des
flux migratoires venus d’autres pays ; l’occupation de Gaza et de la
Cisjordanie mobilise beaucoup plus d’effectifs de sécurité que ceux
déployés par le régime sud-africain ; enfin, les colons israéliens ont
occupé la terre palestinienne et, pour sécuriser leur vie et leurs
infrastructures, l’Etat israélien déploie un système de contrôle
sophistiqué envers les Palestiniens.
Dans un long article, Joseph Lelyveld, jusqu’à très récemment directeur exécutif du
New York Timeset ex-correspondant en Afrique du Sud, considère que Carter fait un
usage restrictif du concept d’apartheid lorsqu’il l’applique au
problème israélo-palestinien, car il le limite à la séparation entre
Israéliens et Palestiniens et à la confiscation des terres par Israël.
D’après lui, le problème serait encore plus grave et les similitudes
entre l’apartheid et le système israélien plus nombreuses.
En comparant les deux situations, Lelyveld remarque que,
proportionnellement, Israël s’est approprié autant de territoires que
le régime raciste d’Afrique du Sud. Au temps de l’apartheid, existait
un système très complexe de permissions destiné à réguler le
déplacement des individus selon leur statut légal. Israël l’impose
aujourd’hui à travers un régime similaire pour classer et limiter les
allées et venues des Palestiniens. Le correspondant à Jérusalem du
journal britannique
The Guardian, Chris McGreal, ajoute pour sa part qu’
« il
existe peu d’endroits dans le monde où les gouvernements élaborent une
série de lois sur les nationalités et les résidences conçues pour être
utilisées par une partie de la population contre l’autre. L’Afrique du
Sud de l’apartheid en fut un. Israël en est un autre (7).
»Chris McGreal a été également le correspondant du
Guardianpendant dix ans en Afrique du Sud. Les comparaisons qu’il établit entre
les aspects de la domination israélienne sur les Palestiniens et ceux
de l’apartheid confirment les similitudes non seulement dans les formes
d’oppression mais aussi dans la souffrance infligée. Les services
publics offerts par la municipalité de Jérusalem, par exemple, sont
souvent meilleurs pour les Israéliens que pour les Arabes qui vivent
dans la partie annexée de la ville. Peu après la publication dans
The Guardiandes articles sur les comparaisons et les étroites relations militaires
qui existaient entre le régime de l’apartheid et Israël, le Committee
for the Accuracy in Middle East Reporting in America (Camera) l’a
accusé de mentir et de falsifier des faits pour délégitimer Israël (8).
Mer 10 Oct - 22:02 par mihou