L'esclavage n'est plus un "point fort" du programme en primaire Par Chloé Leprince (Rue89) 18H19 01/10/2007
L’Education
nationale est-elle frappée de schizophrénie en matière d’enseignement
de l’esclavage? En avril, les profs d’histoire-géographie du secondaire
recevaient une note pour préparer la journée commémorative de
l’esclavage, le 10 mai. Une nouveauté introduite par la loi Taubira, et
présentée à l’époque comme un symbole fort. Or, au mois d’avril
également, le ministère publiait un arrêté visant à la refonte des
programmes scolaires en primaire, qui rétrogradait de facto la place
que l’on accorde à l’esclavage dans les manuels.
La traite négrière n’était, initialement, pas le seul point
d’histoire concerné: dans son arrêté daté du 4 avril, la direction
générale de l’enseignement scolaire a en fait supprimé parmi la liste
des points fort estampillés comme tel dans les programmes du cycle III,
non seulement l’esclavage, mais aussi la Shoah. Tollé.
Il faut laisser passer l’été pour découvrir la suite de ce
feuilleton très discret: en septembre, la commission chargée de
remanier les programmes fait marche arrière. L’extermination des juifs
pendant la Seconde guerre mondiale fait son retour dans la liste des
points forts. Mais pas l’esclavage.
"Simplification hautement symbolique"Introduite dans les programmes par la loi de 2002, la question est
souvent enseignée en niveau CM1. La référence à la période figure
toujours dans les programmes d’histoire moderne. Mais plus dans la
liste des points forts essentiels de l’enseignement primaire. Une liste
officielle qui permet aux enseignants de vérifier le niveau des
connaissances qu’ils peuvent exiger de chaque élève. François Durpaire,
historien et président de l’Institut des Diasporas noires francophones
y voit une "simplification hautement symbolique". Enseignant l’histoire
à l’université de Cergy Pontoise, il parle de "cacophonie" et a décidé
de médiatiser le problème:
"Au moment où l’on demande aux enseignants de faire
toute sa place à l’esclavage à l’école, on l’exclue des grandes
questions à faire mémoriser aux élèves. C’est un signe qui est donné.
Or il faut veiller à ce qu’on retiendra des programmes au bout du
compte."
L’historien François Durpaire entend ne pas céder à une certaine
"paranoïa" mais souligne l’importance de ne pas édulcorer l’Histoire
telle qu’elle est racontée aux élèves:
Au ministère, on a mis plusieurs jours à s’assurer de quoi il
s’agissait, minimisant d’abord la portée de ces listes de points forts.
Puis on a fait valoir qu’il ne s’agit que d’un souci de simplification
pour abréger les textes officiels. Avant de confirmer que des
modifications étaient bien en cours dans les programmes, et notamment
cette suppression du terme "esclavage" dans la liste des points forts,
même si "le temps des découvertes, qui correspond à la période, est
bien maintenu". "Mais c’est une question essentielle, et il faut
s’interroger sur la meilleure manière de parler d’un tel sujet. Un
document complémentaire doit venir expliciter les façons les plus
opportunes d’aborder la question", fait valoir le Bureau des écoles,
qui gère les programmes du primaire.
http://www.rue89.com/2007/10/01/lesclavage-nest-plus-un-point-fort-du-programme-en-primaire