Tite Prout Maître de Cérémonie du forum
Nombre de messages : 1737 Localisation : Montréal Date d'inscription : 01/06/2005
| | L'ennemi aux mille visages:accommodements raisonnables | |
L'ennemi aux mille visages: débat autour des accommodements raisonnables Depuis bien longtemps, l'ennemi occupe une place démesurée dans nos sociétés politiques. L'ennemi a toujours été une entité plus ou moins bien définie mais contre laquelle nous devons combattre: l'ennemi communiste, la lutte à la drogue et, aujourd'hui, la guerre au terrorisme. Trouver un ennemi et jouer une rhétorique autour de la peur est la meilleure recette pour légitimer des actions qui, habituellement, auraient créé un tollé. À notre époque, la guerre au terrorisme s'est transformée en une hostilité aux étrangers et à ce qui les caractérise: religions, valeurs, habitudes de vie, etc. Le débat actuel autour des accommodements raisonnables fait partie intégrante de cette peur de l'étranger comme si régnait une menace d'assimilation. Étant donné notre appui presqu'aveugle à l'égard des valeurs démocratiques, je me questionne alors sur la pertinence même du débat autour des accommodements raisonnables. Pourquoi tant de remous sur ce qui est acceptable ou non, sur les limites à franchir dans plusieurs pans de notre vie en société quand le débat est d'un tout autre ordre, celui de l'intégration des immigrants à notre société. Le débat public sur les accommodements raisonnables s'est largement embrasé lors de l'allocution de Jacques Godbout qui soutient que la société québécoise, continuant sur ce chemin, sera porter à disparaître car "ces tribus qui immigrent avec leurs costumes, leurs coutumes, leur religion et leur télévision" nous imposeront leurs vues. Par conséquent, nous devrions nous lever contre cette "immigration massive" avant qu'elle ne nous assimile. Les normes fixées par la municipalité d'Hérouxville ont aussi contribué à un soulèvement du débat. Il a aussi été mentionné à ce moment que ces derniers propos n'étaient pas racistes. Les médias, toujours en manque de sensationnalisme, se sont rapidement joints à cette danse diabolique. On a créé des débats et présenté à la population ce qui normalement n'aurait point eu de place dans les médias. Encore plus flagrant, les médias ont complètement omis d'affirmer qu'existent de ce monde des extrémistes et qu'ils sont minoritaires en nombre. Les médias se sont approprié les paroles et gestes de ces groupes aux visions extrêmes de façon à présenter un spectacle au public. Ceci a rapidement mené à de grandes généralisations et qui dit "généralisations" dit aussi "préjugés"; "préjugé" allant malheureusement très souvent de pair avec 'racisme'. Mais la question est encore plus profonde. Nous qui portons fièrement les valeurs démocratiques et qui allons même les imposer à l'international, nous accusons ces mêmes valeurs d'être à la source de ce danger. C'est notre démocratie avec sa vertu "d'égalitarisme" qui serait responsable de cette menace à l'union nationale. Peut-on réellement mettre en cause cette valeur d'égalité? Est-ce vraiment là, la source de nos conflits avec les diverses cultures vivant au Québec? Nous avons polarisé la société québécoise; nous avons créé un "nous" contre "eux" ce qui n'a absolument rien à voir avec les valeurs de démocratie et d'égalité, mais mène plutôt à l'exclusion et la marginalisation des groupes. Croyez-vous sincèrement que c'est en excluant les immigrants que vous leur inculquerai nos valeurs québécoises? Vous remarquez tout aussi bien que moi que ce moyen n'en est pas un et que l'on doit passer à un débat supérieur: l'intégration des immigrants. Discutons plutôt de ce dernier point beaucoup plus constructif que sur le concept en vogue que sont les « accommodements raisonnables ». Démocratie et égalité doivent donc toujours restés des idéaux à atteindre. Il est vrai que la nation québécoise subit une menace, mais contrairement aux thèses racistes exposées ci-haut, ce danger est d'une toute autre nature. On se trompe d'ennemi. La préservation de la nation québécoise passe plutôt par une lutte contre un pouvoir central fort, contre l'ordre capitaliste qui oblige un libre-échange débridé. Nous devrions plutôt nous élever contre la mondialisation telle qu'elle nous est présentée et qui, elle, représente une menace bien réelle et considérable à l'égard de notre souveraineté politique, économique, agricole, etc. Ainsi, tous ces discours éloquents se regroupent autour de valeurs racistes et xénophobes qui sont propres à un parti de droite plutôt que d'appartenir à un mouvement d'émancipation pouvant aboutir à une société pacifique et progressiste. Nous nous trompons d'ennemi, si ennemi il y a. L'attachement d'un peuple à sa culture tient principalement à ce qui les identifie en tant que groupe sociétal et peut-être est-ce là, le talon d'Achille des Québécois ce qui expliquerait cette crainte de l'assimilation. Mais assimilation à qui, puisque cet ennemi est composé d'une multitude de visages bien différents l'un de l'autre. Dans un contexte d'ouverture d'esprit de toute part, la diversité culturelle forgera au contraire la force même du peuple québécois, si seulement celui-ci apprend à l'intégrer pour en enrichir sa propre culture. Laurie Duguay, Politologue Avec la précieuse collaboration de Christine L'Heureux | |
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