Le 5 juin 1947, dans un discours prononcé à l'Université de Harvard,
le général George C. Marshall annonce un programme d'aide au
développement comme le monde n'en avait encore jamais connu. Ce
«programme de reconstruction européenne» (
European Recovery Program ou
ERP) gardera dans l'Histoire le nom de son auteur.
Générosité intéressée
Secrétaire
d'État (ou ministre des Affaires étrangères) dans le gouvernement du
président Harry Truman, George C. Marshall veut aider l'Europe (y
compris l'URSS) à se remettre sur pied au sortir de la Seconde Guerre
mondiale... En lui donnant les moyens de lutter
«contre la famine, le désespoir et le chaos», il veut aussi lui éviter qu'elle ne redevienne la proie des dictatures.Seize
pays acceptent en définitive l'aide américaine : Autriche, Belgique,
Danemark, Irlande, France, Grande-Bretagne, Grèce, Islande, Italie,
Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Suède, Suisse et Turquie (en
fait, tous les pays qui ont échappé en 1945 à l'occupation soviétique).
En 1949, ils sont rejoints par la République fédérale allemande (RFA). Pour la répartition de l'aide américaine et la promotion des échanges au sein du
Vieux Continent,
les Européens mettent en place le 16 avril 1948 une organisation
supranationale : l'OECE (Organisation européenne de coopération
économique). En septembre 1961, cette organisation s'ouvrira
aux autres pays développés du monde occidental et prendra le nom d'OCDE
(Organisation de coopération et de développement économiques) pour
«promouvoir
des politiques visant à contribuer à une saine expansion économique
dans les pays membres, ainsi que non membres en voie de développement». Vers une scission de l'Europe
Cependant,
Molotov, commissaire du peuple aux Affaires étrangères de l'Union
soviétique, refuse l'aide américaine sous prétexte de souveraineté
nationale. C'est un premier couac dans les relations entre l'URSS et
les États-Unis, les deux anciens alliés de la guerre contre Hitler. À l'instigation de Staline, maître tout-puissant de l'Union soviétique, les États d'Europe centrale occupés par l'
Armée rouge, refusent le plan Marshall et l'adhésion à l'OECE. La Tchécoslovaquie est un moment tentée d'accepter. Mais un coup d'État communiste la remet dans le
«droit chemin».On est en pleine
«guerre froide» et
Staline ne veut en aucune façon que ces États ne lui échappent. Ils lui
paraissent indispensables à sa sécurité dans l'éventualité d'un conflit
ouvert avec les États-Unis.En guise de lot de consolation,
Staline fonde le 25 janvier 1949 une organisation économique rivale de
l'OECE : le Conseil d'aide économique mutuelle, plus connu sous son
sigle anglais, Comecon (
Council for Mutual Economic Assistance). Outre
l'URSS, il comprend la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie et
la Tchécoslovaquie. Il est bientôt rejoint par l'Albanie, la République
démocratique allemande (RDA), la Mongolie et plus tard Cuba. La
Yougoslavie en est membre associé. Le Comecon se donne pour objectif l'intégration économique de l'ensemble de ses adhérents par le biais d'une
«division socialiste du travail». Dans
les faits, par cette gestion centralisée et autoritaire des économies
est-européennes, le Comecon va pressurer de toutes les manières
possibles les pays d'Europe centrale au profit de l'URSS, au prix d'un
énorme gâchis.Efficace sous conditions
Autrement
plus efficace se révèle le plan Marshall. Étalé sur 4 ans, jusqu'en
1952, il se traduit par un total de 13 milliards de dollars de prêts ou
de dons, en argent ou en nature (tracteurs, biens d'équipement ...).Pour
les pays qui ont déjà une structure sociale solide et une population
bien formée, l'aide américaine s'avère d'un profit immédiat. Elle
relance l'investissement et la consommation et retentit même sur
l'économie américaine en favorisant les exportations de celle-ci vers
le Vieux Continent.Dans les pays méditerranéens moins avancés,
qui souffrent d'institutions opaques, l'aide se perd dans les méandres
des circuits administratifs et de la corruption, sans profit pour les
citoyens et l'économie...George C. Marshall recevra en 1953 le Prix Nobel de la Paix en reconnaissance de son action.André Larané
Commentaire : quel
plan Marshall aujourd'hui ?
Le plan Marshall est régulièrement évoqué chaque fois qu'il est question d'aide au développement.
On voit dans son succès la preuve que des crédits et des dons massifs
peuvent assurer le démarrage d'une économie. C'est oublier que le plan
Marshall de 1947 a fructifié dans des sociétés déjà dotées
d'infrastructures modernes, éduquées, respectueuses des droits
individuels et du droit commercial.On ne retrouve pas ces
préalables dans la plupart des sociétés africaines, asiatiques ou
latino-américaines qui appellent à leur rescousse un tel plan. L'argent
de l'étranger (redevances pétrolières, aide internationale, charité)
s'y perd dans les sables, du fait de la corruption à grande échelle, de
l'arbitraire, de l'absence d'infrastructures et du poids des traditions.Notons
d'ailleurs que l'Afrique subsaharienne a déjà reçu dans le premier
demi-siècle de son indépendance l'équivalent de plusieurs
«plans Marshall» sous forme d'aide au développement (non compris les redevances pétrolières) sans que cela lui ait beaucoup profité. -
André Larané