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 La feuille de route de Nicolas Sarkozy

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Tite Prout
Maître de Cérémonie du forum
Tite Prout


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Date d'inscription : 01/06/2005

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24052007
MessageLa feuille de route de Nicolas Sarkozy

FRANCE





La feuille de route de Nicolas Sarkozy Square1
La feuille de route de Nicolas Sarkozy









Tout au long de la campagne électorale française, les principaux think
tanks états-uniens ont analysé les résistances de la société à la
globalisation impériale et les possibilités dont disposerait le
prochain président pour passer outre. Au vu du résutat du scrutin, la
Fondation Heritage énonce les objectifs que le département d'État peut
exiger de Nicolas Sarkozy pour faire avancer l'agenda néo-conservateur.















La feuille de route de Nicolas Sarkozy 642225-784093

Nicolas Sarkozy et la secrétaire d'État états-unienne Condolezza Rice à Washington, le 12 septembre 2006.






Après avoir vivement critiqué le programme de Ségolène Royal en qualifiant notamment son volet européen de « menace stratégique pour les États-Unis » dans une analyse publiée au mois de février [1], la Fondation Heritage [2]
se réjouit aujourd’hui de la victoire de Nicolas Sarkozy, qualifiant
toutefois d’herculéen l’effort à fournir s’il compte vraiment réformer
la France.

Ancien conseiller de Margaret Thatcher
et grand pourfendeur de l’ONU, c’est tout naturellement que le
directeur du Centre Maraget Thatcher pour la liberte, Nile Gardiner, a pris sa plume pour formuler des conseils au nouveau chef d’État français. Il les développe dans un argumentaire intitulé « La révolution Sarkozy : cinq recommandations pour le nouveau président français » [3].


Ce document ne doit pas être considéré
comme l’énoncé des souhaits d’un think tank états-unien parmi d’autres,
mais comme l’aboutissement d’une réflexion conduite depuis des mois par
divers organismes néoconservateurs et dont la Fondation Heritage tire
les conclusions. Malgré son titre, cette étude ne s’adresse pas à M.
Sarkozy lui-même, mais au département d’État pour qu’il enjoigne au
nouveau président français d’agir dans cette direction en tenant compte
des résistances qu’il pourrait rencontrer dans son pays.


La feuille de route de Nicolas Sarkozy Puce Première recommandation : Faire progresser la liberté économique


Nile Gardiner estime que la France, à
l’instar de certains pays du tiers-monde, est gravement touchée par un
phénomène d’émigration économique. En effet, explique-t-il, « la France est le seul pays d’Europe de l’Ouest qui produit des réfugiés économiques au lieu de les attirer » ; par conséquent elle n’arrive qu’à la 45ème place au classement mondial Heritage Foundation / Wall Street Journal de la liberté économique et se hisse difficilement au 26ème rang européen sur un ensemble de 41 pays.

Pour remédier à ce fâcheux problème, Nile Gardiner propose tout simplement de «
déréguler le marché du travail français, lever les restrictions sur les
investissements, abolir la semaine de travail de 35 heures »
, avant de réduire les dépenses de l’État.


Outre le fait que la comparaison
implicite entre les jeunes Français, généralement qualifiés, qui
traversent la Manche pour travailler au Royaume-Uni et les réfugiés
économiques qui affluent aux frontières de l’Europe prête à sourire
pour qui connaît un tant soit peu la réalité sociale française, on
notera que Nicolas Sarkozy ne s’est aucunement engagé à faire table
rase de la semaine de 35 heures. Au contraire il a pratiquement admis,
lors du débat de l’entre-deux tours face à Ségolène Royale, qu’il
s’agit d’un acquis social dont il veut simplement éviter la
généralisation.

Les attentes de la Fondation Heritage sur le plan économique
risquent donc d’être déçues. Mais ce n’est pas tout : Nile Gardiner
préconise également la fin de la politique agricole commune européenne.
Se refusant à évoquer les subventions accordées à la production
agricole états-unienne pour ne fustiger que celles de l’Europe, dont la
France il est vrai accapare une grande partie, il ne formule de fait
aucune proposition susceptible de créer une brèche dans le front commun
des pays industrialisés contre l’agriculture des pays pauvres. Aucune
surprise donc sur ce plan.


La feuille de route de Nicolas Sarkozy Puce Seconde recommandation : Soutenir le principe de la souveraineté nationale en Europe


Sur ce point la rhétorique devient plus subtile. En insistant sur le fait qu’«
une administration Sarkozy doit reconnaître le fait que l’Union
Européenne est un ensemble d’États-nations indépendants, plutôt qu’un
moyen pratique pour faire avancer une vision élitiste et parisienne de
l’Europe »
, Nile Gardiner semble demander à Nicolas Sarkozy de
conformer sa politique européenne au souhait des électeurs français qui
ont rejeté le projet de traité constitutionnel. Mais il poursuit
aussitôt en assimilant ce rejet à celui qui serait exprimé par des pays
comme le Royaume-Uni, la Pologne, la Hongrie et la Bulgarie, dans
l’éventualité que le projet de constitution soit de nouveau proposé. Or
ces pays ne craignent pas du tout le traité constitutionnel — si
toutefois tel est le cas — pour les mêmes raisons que les électeurs
Français !

En réalité l’électorat français a rejeté non pas le projet
politique de l’Europe (partie I du projet), mais son orientation
économique (partie III du projet) et l’élite financière qui la décide,
tandis que les nouveaux adhérents à l’Est, pressés par les ambitions de
l’OTAN, craignent de perdre leur marge de manœuvre politique et
militaire dans l’hypothèse d’une union forte dans ces domaines. En
effet, comme l’avait déjà explicité Sally McNamara dans son brûlot
anti-Royal, c’est bien le volet politique et de défense du projet de
constitution qui pose problème aux néoconservateurs : s’il avait été
effectif en 2003, aucun pays européen n’aurait engagé de troupes dans
l’invasion de l’Irak.


Spécialiste de la rhétorique en faveur
de l’OTAN, Nile Gardiner s’emploie donc à ôter le caractère
socio-économique des revendications du camp du « non » français à la
constitution pour mieux englober celles-ci dans l’argumentaire en
faveur d’une Europe politiquement et militairement faible, mais docile
vis-à-vis de l’élite financière mondiale.

On constate au passage à quel point le souverainisme débarrassé de
tout projet de régulation économique est un allié de choix pour ceux
qui, dans l’optique de la doctrine Wolfowitz [4],
veulent prévenir l’émergence de tout concurrent crédible face aux
États-Unis. De même, on comprend mieux l’attitude méfiante de M.
Sarkozy vis-à-vis d’un retour du traité constitutionnel sur la table
des négociations : son « grand frère » attend surtout de lui qu’il
fasse passer, avec ou sans traité, les réformes économiques évoquées
plus haut dans cet article.


La feuille de route de Nicolas Sarkozy Puce Troisième recommandation : Jouer un rôle plus important dans les opérations de l’OTAN en Afghanistan


Réaliste, Nile Gardiner exclut d’emblée
la possibilité que la France envoie des troupes en Irak, mais il
souhaite en revanche que « Le président Sarkozy [soutienne]à
la fois le déploiement de plus de troupes françaises en Afghanistan et
leur engagement dans les combats aux côtés de leurs partenaires alliés »
,
c’est-à-dire un retour à une solidarité totale entre membres de l’OTAN
sans quoi, explique-t-il, l’alliance n’a plus de raison d’être.


Les soutiens de M. Sarkozy
outre-Atlantique savent pertinemment, et c’est certainement l’une des
raisons pour lesquelles les questions internationales ont fait défaut
dans la campagne, que les Français ne veulent pas engager de troupes
dans les guerres de prédation anglo-saxonnes. Jacques Chirac ayant
accepté un engagement de maintien de la paix sous mandat de l’ONU mais
refusé de participer à la contre-insurrection afghane sous les ordres
de l’OTAN, Washington souhaite donc que Sarkozy revienne sur ces
positions en profitant du fait que la France est déjà sur place pour
faire avaler la pilule aux Français.
Il est intéressant de noter que Nile Gardiner demande de facto à
Nicolas Sarkozy de passer outre le processus démocratique normal
d’entrée en guerre de la France, arguant du fait qu’elle doit « prouver qu’elle veut sérieusement s’investir dans la bataille globale contre Al Qaïda et ses alliés comme les Talibans ».
Mais n’est-ce pas justement le refus des Français de s’enliser dans la
« guerre au terrorisme » qui rend cet investissement impossible
démocratiquement ?


La feuille de route de Nicolas Sarkozy Puce Quatrième recommandation : demander l’arrêt des investissements européens en Iran


Constatant que l’Iran maintient de
bonnes relations économiques avec l’Europe, Nile Gardiner demande à
Nicolas Sarkozy de faire pression pour que faute d’opération militaire,
un embargo économique complet soit imposé sur l’Iran afin de le
contraindre à « abandonner son programme nucléaire ».


Faute de pouvoir les bombarder pour le
moment, affamons les Iraniens comme nous avons affamé les Irakiens,
suggère en somme l’auteur. Tant pis si rien ne prouve que cela conduira
le gouvernement iranien à appauvrir encore plus le pays en renonçant à
l’énergie nucléaire ; les expériences coréenne et irakienne attestent
même du contraire. L’objectif réel étant d’affaiblir un concurrent
régional d’Israël et une potentielle puissance pétrolière, tous les
moyens sont bons.
D’ailleurs Nile Gardiner ne s’étend pas sur la question : les
deux principaux partis français ayant assuré Israël de leur soutien
indéfectible, et même au-delà en remettant en cause les dispositions du
traité de non-prolifération, cette recommandation ne fait figure que de
rappel des engagements de M. Sarkozy.


La feuille de route de Nicolas Sarkozy Puce Cinquième recommandation : mettre les Droits de l’homme au centre de la politique étrangère française


À la lecture de la liste des dictatures
soutenues par la France que déroule Nile Gardiner, on a le sentiment
que Paris est la capitale de l’ « Axe du Mal » : Irak de Saddam
Hussein, junte birmane, intérêts africains, génocide rwandais, etc. En
signe de bonne volonté, propose Nile Gardiner, Nicolas Sarkozy devrait
commencer par ouvrir les dossiers de l’activité secrète de la France au
Rwanda.


C’est bien connu, seuls les ennemis de
l’Empire violent les Droits de l’homme. La France doit donc soutenir
les mêmes « bonnes dictatures » que l’Empire et se débarrasser de ses
anciens alliés au nom de cette conception très sélective des Droits de
l’homme qui n’inclut pas les Afghans, les Irakiens, les prisonniers de
Guantanamo, les citoyens européens kidnappés par la CIA [5], etc.


Et puisqu’on y est, pourquoi la Fondation Heritage ne
suggère-t-elle pas à M. Sarkozy de se débarrasser de son opposition
interne en l’accusant de faire partie d’Al Qaïda ?


Pour conclure, on notera que cette
série de recommandations a le mérite de mettre en lumière la principale
raison expliquant l’absence des questions internationales dans la
campagne pour la présidentielle 2007 en France : tout débat
démocratique à ce niveau ferait ressortir le fossé atlantiste /
anti-atlantiste, qui provoquerait la désintégration du paysage
politique français tel que nous le connaissons.
Pour mener une vraie politique de droite, qui plus est
atlantiste, M. Sarkozy doit donc, selon la fondation Heritage,
contourner la volonté des Français en leur faisant croire que la
dérégulation du travail les enrichira, en laissant l’Europe politique
moisir pendant que les milieux financiers en organisent l’économie, en
enfonçant la porte ouverte par Jacques Chirac de l’engagement militaire
en Afghanistan, en affamant le peuple iranien pour protéger les
intérêts d’Israël et enfin en soutenant les mêmes dictatures que
Washington et Londres. Est-ce vraiment pour cela que le peuple français
a voté ? En évoquant un « miracle », même l’auteur
de ces recommandations admet qu’il ne sera pas aisé pour M. Sarkozy de
les mettre en pratique, en supposant — ce qu’il croit acquis — qu’il le
veule.
















[1] « Ségolène Royal and the Future of Franco–American Relations », par Sally McNamara, Heritage Foundation, 23 février 2007.


[2] « Le prêt-à-penser de la Fondation Heritage », Réseau Voltaire, 8 juin 2004.


[3] « The Sarkozy revolution : five recommendations for the New French President », par Nile Gardiner, Heritage Foundation, 9 mai 2007.


[4] « La doctrine stratégique des Bush », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 9 juillet 2004.


[5] « L’OTAN : du Gladio aux vols secrets de la CIA », par Ossama Lotfy, Réseau Voltaire, 24 avril 2007










Jeudi 24 Mai 2007
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