« Question noire », statistiques « ethno-raciales », une manipulation raciste.
Les Nègres de la République sort en librairie le 8 mars chez Alphée, la maison d’édition de Jean-Paul Bertrand, dans une nouvelle collection, Edit Plus. La publication de cet ouvrage – dont le titre est évidemment ironique – a été difficile. Elle était initialement prévue en mai 2006 chez un autre éditeur. C’est, bien évidemment, parce que cet essai est fort dérangeant.
J'y remets en question le bien-fondé d’une prétendue « question noire » alors que cette « question noire » est considérée comme un fait acquis par une partie de la presse et des essayistes et que d’aucuns appellent à la mise en place de statistiques « ethno-raciales » pour mesurer une prétendue diversité.
En fait la « question noire » agitée par certains intellectuels est une imposture idéologique, sociologique et médiatique.
C’est une imposture idéologique dans la mesure où toute la manipulation mise en place repose sur une utilisation malhonnête du concept littéraire de négritude. De toute évidence à des fins racistes. Claude Ribbe procède à l’analyse philosophique de ce concept et s’aperçoit qu’il n’y a guère eu en France de travail analogue depuis… 1948 avec l’Orphée Noir de Jean-Paul Sartre qui servait de préface à l’Anthologie de la poésie nègre et malgache de Senghor.
L’imposture sociologique.
Il n’y a pas de « population noire » en France. Ceux qui sont vus comme « noirs » se composent en fait de 2,5 millions de ressortissants de l’Outre-mer (dont un million vivant en métropole) et de 500 000 Africains ou Afro-Français de l’hexagone. Si les Ultramarins forment des groupes distincts dans chaque DOM et à la rigueur un groupe homogène pour le « cinquième dom » qui se trouve concentré dans la périphérie parisienne et en particulier à Sarcelles où ils représentent plus de 20 % de la population (Sarcelles est la ville où je suis candidat aux législatives 2007), on ne saurait amalgamer ce ou ces groupes à celui des Français issus d’une immigration subsaharienne récente. Ce qui fédère les Ultramarins, ce n’est pas la couleur de peau, c’est un passé commun lié à l’esclavage. Tous les Antillais, Guyanais, Réunionnais, vus comme « noirs » (outre les Haïtiens) sont en effet des descendants des 1,2 millions d’esclaves déportés pas la France. Ils sont tous citoyens français en théorie depuis 1794 et en pratique depuis 1848.
Les Afro-Français (environ 250 000) et les Africains vivant en France n’ont pas grand-chose en commun entre eux et encore moins avec les Ultramarins. Amalgamer tout le monde sous le prétexte de la couleur de peau, c’est nier les discriminations spécifiques visant les personnes issues de l’immigration : langue, culture, religion.
Un sondage officiel à paraître dans les jours prochains montrera clairement qu’à couleur de peau « égale » les Africains sont deux fois plus discriminés dans l’esprit des Français que les Ultramarins. Par « noirs », les Français entendent principalement « Africains immigrés ».
L’imposture médiatique.
Toute la communication faite autour de la « question noire » en France repose principalement sur la création, fin novembre 2005, d’une association - le Cran - qui se disait représentative des « noirs » de France. L’idée d’une « communauté noire » étant ainsi accréditée par les « noirs » eux-mêmes parlant au nom des « noirs », une bonne partie de la presse n’a plus considéré utile de s’interroger sur la légitimité de la « question noire » parce qu’elle ne s’interrogeait pas sur la légitimité du Cran.
Pourtant, toutes les associations d’outre mer ont protesté contre cette manipulation. Le Cran ne rassemblait en effet qu’une poignée de personnes ou d’associations issues de l’immigration subsaharienne – mais fort peu représentatives de cette immigration - auxquelles une certaine presse a consacré, assez curieusement, une attention extraordinaire.
Ainsi Libération faisait sa une du samedi 26 novembre 2005 sur un événement inventé de toutes pièces : les « noirs » s’organiseraient et se fédéreraient. L’affaire est illustrée par une photographie représentant en fait le rassemblement des Antillais du 3 mai précédent ! Une interview du nouveau « président » des « noirs » dont l’association - le Cran - rassemblerait 60 associations noires est publiée le jour même. La prétendue information est également reprise dans Le Monde. En réalité, derrière tout cela, il n’y a que deux personnes : Patrick Lozès, président d’un groupuscule, le Capdiv, et Louis-Georges Tin, militant anti-homophobie à travers son association An Nou Allé dont l’autre adhérent est David Auerbach. Un document officiel de la préfecture de Police (dont des copies vont être mises à la disposition de la presse) montre que la Cran, dont les statuts ont été déposés le 30 novembre 2005, ne rassemblait en fait que… deux associations et deux personnes : Patrick Lozès et Louis-Georges Tin. Les deux compères avaient tenté de recruter 17 associations africaines lors d’une réunion mouvementée tenue le 25 novembre 2005, mais les présidents de ces associations ne s’étant pas laisser manipuler, ils furent contraints de former le conseil représentatif des associations noires sans aucun autre adhérent, Tin faisant office à la fois de trésorier et de secrétaire général. Cela permettait de « racialiser » le nom de l’association et de la prétendre « représentative », ce que la plupart des associations africaines convoquées refusaient. Plus de huit mois après cette manipulation, le Cran ne comptait parmi ses membres que 62 adhérents dont 18 associations : tous Afro-Français sauf Tin. Cette situation explique assez bien que des personnes de bonne foi se croyant adhérentes du Cran ne purent jamais obtenir aucun compte-rendu sur la gestion évidemment opaque d’une organisation se réduisant en fait (jusqu’en novembre 2006) à deux personnes. Au cas où on douterait de cette non-représentativité du Cran, il suffit de se reporter à une manifestation organisée le 12 décembre 2006 devant le siège de France Télévisions et qui ne rassembla que 10 personnes. Plus récemment, samedi 3 mars 2007, Patrick Lozès, président du Cran, est venu faire une démonstration de force dans la ville « noire » de Sarcelles à l’occasion de la dédicace d’un livre qu’il tente désespérément de promouvoir à travers les récentes opérations médiatiques du Cran et notamment l’annonce d’un sondage « ethno-racial » qui a fait long feu (mais dont le financement, estimé à 60 000 euros, reste fort mystérieux).
L’indifférence de la population de Sarcelles a été telle que Patrick Lozès est resté absolument seul dans une librairie et n’a signé aucun livre, les seuls « noirs » de la journée étant des dissidents du Cran venus réclamer quelques explications, ce qui a incité Lozès à s’enfuir par une porte dérobée.
Que le Cran ne soit représentatif que de deux personnes n’est pas le problème. Le scandale est que cette imposture ait donné lieu à des comptes-rendus de presse incessants (encore une page dans Le Monde de la semaine dernière). De deux choses l’une : ou bien certains journalistes se sont livrés à une manipulation indigne ou bien ils ont été manipulés. Cette dernière hypothèse étant la plus probable, il leur appartient d’en tirer les conséquences et d’informer leurs lecteurs. Il est absolument certain que les dirigeants du Cran n’ont pas agi seul. Ils ont bénéficié d’une logistique importante en matière de finances et de communication. Un avocat, Me Francis Terquem, le CRIF, le service de communication du maire de Paris ont été plusieurs fois cités. Si le CRIF et la mairie de Paris ont démenti catégoriquement. Me Terquem ne nie pas être membre d’une association des amis du Cran (qui permet de contourner l’exclusive raciale constitutive du Cran)
Les statistiques ethno-raciales
Tout ce tintamarre accompagne une tentative de trois statisticiens de l’INED : accréditer en France l’idée de comptage ethno-racial à l’anglo-saxonne. Le Cran, appuyé par des lobbies privés, a imposé à la CNIL de remettre en cause ses principes en organisant des auditions. En attendant le rapport que la CNIL doit très prochainement rendre sur la question les, articles de presse se sont multipliés pour accréditer le bien-fondé de cette initiative clairement raciste, malgré une pétition de chercheurs et les légitimes protestations de tous les syndicats de l’INSEE.
Au-delà de l’analyse d’une des plus grandes impostures du moment, où l’on peut voir la tentative de mettre en cause les principes fondamentaux de la République en dressant les Français les uns contre les autres, Les Nègres de la République revient sur le déchaînement raciste des deux dernières années : affaires Sevran, Finkielkraut, Pétré-Grenouilleau, Frêche, Halimi.
La question étant de savoir si, au-delà du racisme traditionnel, un néo-racisme ne se développe pas dans l’intelligentsia française, les médias et les institutions publiques. Cette question devrait peser lourds dans les prochains jours et dans le débat électoral engagé, sachant que ceux en qui l’on voit des "Nègres de la République", feront très certainement la différence pour les présidentielles et ne se laisseront peut-être pas manipuler aussi facilement que d’aucuns pouvaient le penser.
http://www.claude-ribbe.com/blog.htm