Par Laurie Duguay

Tout le monde en convient : il y a depuis bien longtemps un clivage Nord-Sud souvent représenté par les pays dits développés et ceux en développement. Cette séparation est bien visible au niveau économique. Plusieurs auteurs avancent diverses théories sur le sous-développement des pays du sud. Le commerce international est alors analysé ainsi que les conséquences de son fonctionnement. Certains auteurs prônent une théorie basée sur l’inégalité du commerce international pour expliquer l’état des pays du Tiers Monde. Cette inégalité est alors présentée par les termes de l’échange. Nous verrons, dans la première partie de ce texte, la définition de ce concept. Dans les années 50, Prebish et Singer analysent les termes de l’échange et avancent une thèse : la dégradation des termes de l’échange. Nous verrons leurs arguments dans la deuxième partie. Nous terminerons en analysant la dégradation des termes de l’échange à long terme dans le cas des matières premières.

Définissez le concept de termes de l’échange
Les termes de l’échange sont calculés par deux variables : les exportations et les importations. Pour obtenir l’indice des termes de l’échange, nous devons diviser l’indice des prix des exportations par l’indice des prix des importations. Il suffit de multiplier le tout par cent pour obtenir un résultat en pourcentage. Les indices des termes de l’échange sont exprimés selon une même année de base.

Termes de l’échange : Indice des prix des exportations X 100
Indice des prix des importations

Nous affirmons que les termes de l’échange s’améliorent si, pour une même quantité de marchandises exportées, un pays peut acheter davantage de marchandises importées. Autrement dit, le pays peut se procurer davantage de produits importés avec une quantité moindre de marchandises exportées. Ainsi, nous diront que les recettes d’exportation sont fructueuses. Dans le cas contraire, les termes de l’échange se détériorent.

Un exemple classique pour représenter cette situation est l’exportation de café et l’importation de tracteurs par le Brésil. Supposons que le Brésil exporte 10 000 tonnes de café à 1$ la tonne, alors, ses revenus sont de 10 000$. Si le prix des tracteurs s’élève à 1000$, le Brésil pourra importer 10 tracteurs.
Alors, si quelques années plus tard, le prix du café s’élève à 2$ la tonne et que le pays en exporte 15 000 tonnes, le revenu provenant de l’exportation de café monte à 30 000$. D’autre part, le prix des tracteurs augmente aussi et atteint 3 000$. Par conséquent, le Brésil pourra acheter 10 tracteurs, c’est-à-dire le même nombre qu’auparavant. L’analyse de cet exemple nous montre que le prix du café a doublé et celui des tracteurs a triplé. On doit donc vendre beaucoup plus de café pour obtenir le même nombre de tracteurs. Les termes de l’échange se sont donc détériorés ici : le coût des exportations augmente moins vite que les prix des importations.
Ce que nous indique alors ce concept est le pouvoir d’achat des exportations en importations, à un volume d’échange fixe. Il est alors possible de fixer la compétitivité-prix des pays.

Grâce à ce concept, il nous est possible de mesurer l’égalité ou l’inégalité de l’échange . Bernard Conte dénombre trois types d’échange. Le premier est celui que nous avons expliqué ci-haut : les termes de l’échange net (Tn = Px/Pm). Le deuxième modèle est celui des termes de l’échange de revenu. « Cet indice permet de mesurer le pouvoir d’achat des exportations ou encore la capacité d’importation générée par les exportations. » (Tr = Vx/ Pm où Vx est la valeur des exportations et Pm, l’indice du prix des importations). Finalement, le troisième type amené par Bernard Conte est les termes de l’échange factoriel qui comprend deux sous-types. Les termes de l’échange factoriel simple qui permet de d’évaluer « la capacité d’importation par unité de travail national ». Nous multiplions alors la formule des termes de l’échange net par la variable IIx qui représente « l’indice de productivité du travail dans le secteur de l’exportation ». L’indice des termes de l’échange factoriel doubles permet de calculer la quantité de travail produite dans les exportations et les importations. Alors, nous multiplions les termes de l’échange net par IIx/IIm où IIm représente l’indice de productivité du travail dans le secteur de l’importation.

Certains auteurs (Prebisch, Singer) considéraient qu’il y avait une dégradation des termes de l’échange entre les pays en développement et les pays développés. Quels étaient leurs arguments ?

Dans les années 50 commence un débat houleux ayant pour sujet les termes de l’échange. Combien de tonnes de café brésilien faut-il pour acheter un tracteur? En 1940, il fallait 1000 tonnes de café et en 1950, 1500 tonnes de café. Hans Singer et Raul Prebish énonce donc alors la thèse que les termes de l’échange dans le commerce international s’est détériorés.

Prebish et Singer développent deux hypothèses essentielles. D’une part, la non-élasticité du revenu sur la demande de matières premières dans les pays en développement a eu des impacts négatifs . En effet, bien que le revenu augmentait, la demande en biens, elle, ne croissait pas. Ainsi, la production créait une plus grande offre de produits, mais la demande n’était pas assez forte pour acheter ceux-ci. Ces auteurs avancent que cette relative inélasticité de revenu des matières premières est une cause de la détérioration des termes de l’échange. Ces auteurs avancent que les gains de productivité doivent absolument se traduire sur des marchés concurrentiels par une baisse des prix. Le marché des matières premières est parfaitement concurrentiel. Par contre, le marché des produits manufacturés agisse plutôt sur un marché monopolistique. Par conséquent, ce type de marché ne force pas les gains de productivité à se traduire en baisse de prix.

D’autre part, le marché des matières premières connaît un déséquilibre. Il existe des inégalités au niveau du fonctionnement du marché du travail dans les États centraux versus les États périphériques . Ce déséquilibre se reflète, entre autres, dans l’instauration des organisations syndicales dans les pays développés . Les pressions syndicales aboutissent souvent à une augmentation salariale qui est attribuable aux gains de productivité dans la production de biens manufacturés. Les travailleurs des pays en développement ne font pas partie d’une telle organisation. Par conséquent, les gains de productivité se traduisent par une baisse des prix plutôt que par une augmentation du salaire des travailleurs. Il y a donc une détérioration des termes de l’échange causée par cette inégalité organisationnelle qui possède des répercussions importantes sur les salaires des travailleurs. À plus grande échelle, nous pouvons constater une augmentation du revenu national dans les pays développés et le contraire dans les pays en développement.

Finalement, le dernier argument de la théorie de la détérioration des termes de l’échange est l’existence d’une offre illimitée de main-d’œuvre dans les pays en développement pendant que les pays industrialisés connaissent plutôt une situation de plein-emploi. En situation de sous-emploi massif comme que connaissaient les pays en développement, rien n’oblige les patrons à payer mieux ses employés puisque le travailleur peut facilement être remplacé.

Assiste-t-on dans les faits à une dégradation des termes de l’échange (à long terme) dans le cas des produits primaires ?

Selon le rapport 2004 de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la dégradation des termes de l’échange s’est prolongée et même détériorée davantage . En effet, de 1961 à 2001, le prix des matières agricoles a chuté de près de 70% par rapport au prix des produits manufacturés .
La plupart des chiffrent démontrent qu’il y a vraiment une tendance de détérioration des termes de l’échange à long terme. Par contre, cette tendance n’est pas stable, c’est-à-dire que parfois les termes se détériorent gravement tandis que d’autrefois, ils connaissent une stabilité relative.
Bien qu'il puisse être difficile de confirmer et de quantifier une tendance mondiale à long terme au moyen de données statistiques, il ne fait aucun doute que les termes de l'échange des exportations agricoles de nombreux pays en développement se sont nettement dégradés .
Les tendances fluctuent aussi dépendamment des pays. En 1990, il y a une stabilité des termes de l’échange pour les pays en développement. Par contre, les pays les moins avancés (PMA) connaissent plutôt une détérioration des termes de l’échange. Ce sont surtout les pays d’Afrique subsaharienne qui a souffert davantage d’une dégradation des termes de l’échange.

L’accroissement des inégalités entre les pauvres et les riches, le Nord et le Sud, la « périphérie » et le « centre » est encore plus d’actualité aujourd’hui que jamais. Que ce soit à petite échelle, soit dans nos villes, ou à grande échelle, dans le système mondial, nous constatons tous que les inégalités économiques sont criantes. La théorie de la dégradation des termes de l’échange est un indicateur qui nous démontre concrètement, par des chiffres, l’augmentation des inégalités dans le monde. Dans le même ordre d’idées, peut-on affirmer qu’en haussant les termes de l’échange en faveur des pays développés, l’on assisterait à des gains économiques dans ces pays? La limite que pose cette théorie est la stabilité des quantités demandées lors de la réévaluation des termes de l’échange. Cette stabilité est fausse puisque certains pays ont augmenté énormément leur quantité exportée et ont connu certains gains économiques de ces exportations qui ne sont pas attribuables à de meilleurs termes de l’échange, bien au contraire. La théorie des termes de l’échange est intéressante, certes, mais doit être complétée avec d’autres indicateurs reflétant ainsi mieux la situation du commerce international contemporain.


BIBLIOGRAPHIE

Conte, Bernard (2002). Les termes de l’échange. [En ligne] Adresse URL : http://conte.ubordeaux4.fr/Enseig/Lic-ecod/docs_pdf/La_DTE.pdf

Nezeyz, Bertrand (1989). Les termes de l’échange, Paris, Economica, 104 pages.

Ocampo, José Antonio et Para, Maria Angela. (2003). “The terms of trade for commodities in the twentieth century” , CEPAL Review, n° 79, avril. [En ligne]. Adresse URL: http://www.eclac.cl/publicaciones/xml/6/20196/lcg2200i-Ocampo.pdf

Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (2004), La situation du marché des produits agricoles, [En ligne]. Adresse URL : http://www.fao.org/docrep/007/y5419f/y5419f02.htm (page consultée le 1er novembre 2006)


Par Laurie Duguay