Anti-racisme combien de divisions ? 300 000 voix noires peuvent sauver la république en 2007
19/12/2006
La coupe déborde et le racisme anti-noir qui explose en se démocratisant en Europe et en France en particulier atteint un degré d’exaspération, d’insoutenabilité irréversibles. Les classes politiques européennes dans leur ensemble, baignées dans un inconscient collectif historique de dévalorisation de la race noire depuis des siècles d’hégémonie occidentale, depuis l’illusion des Lumières, non seulement ne reconnaissent pas la radicalité brutale de la négrophobie, mais probablement ne sauront la reconnaître que si une menace réelle et crédible les interpellait directement. C'est-à-dire dans leurs positions de pouvoirs, leurs strapontins, mandats électifs, assise économique. En France, les 300 000 voix environ qui sélectionneront vraisemblablement les candidats au second tour de l’élection présidentielle pourraient constituer une arme républicaine et anti-raciste de poids. Car l’énarchie n’a point de valeurs républicaines, point d’éthique sinon «Anti-racisme combien de division ?». Des actions économiques ciblées, de type boycott pourront, avec le temps et beaucoup de travail d’organisation enfoncer la semonce de l’incrément d’égalité dont souffre cruellement la France.
Les récents propos de l’insipide et infecte Pascal Sevran sevré de l’essentiel ont un paquet d’avantages, pour les racistes «ordinaires», et pour la remobilisation préélectorale. Ils ont presque fait oublier Finkielkraut le bêtisier du nouvel antisémitisme, Georges Frêche l’étourdi, l’Immortelle Carrère d’Encausse et sa fiction haineuse sur la polygamie des Africains, les pornographies racistes qui se sont abattues sur la France en 2005, tentant de justifier les émeutes de banlieues, symboles d’un refus de la stigmatisation et de l’exclusion. Novembre 2005 c’était quand même le ministre délégué à l’emploi Gérard Larcher, qui bavait sur la «pauvreté culturelle» africaine et simplifiait le malaise des jeunes par l’invasion de polygames, confirmé dans sa science par le chef du groupe parlementaire français le plus important, celui de la majorité UMP, Bernard Accoyer …
Tout ce monde avait déjà eu l’heur de bénéficier des trouvailles du rapport d’un député, Bénisti sur la prévention de la délinquance, et qui faisait de l’usage des langues africaines un facteur de criminalité ! Difficile de faire plus raciste, criminaliser la culture africaine, lorsque les linguistes du monde s’accordent sur bien des vertus du bilinguisme, qui plus est dans des sociétés ouvertes contemporaines. Et pourquoi les coûteux seconds couteaux de la république se gêneraient-ils puisque le chef du parti au pouvoir, M. Paul Stéphane Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa ne s’était pas posé de question éthique lorsqu’il avait affirmé - source Gri-Gri international N°44, 1er décembre 2005- que les Noirs étaient violents, davantage que les Arabes, surtout les Ivoiriens et les Congolais. Ou lorsqu’il évoquait les «géants noirs de banlieue» qui «font peur à tout le monde» …
Sur de telles bases collectivement admises, les Jean Benguigui pouvaient comparer Mandela à un excrément sur Europe 1 [On va s’gêner, 26.12.05], Roger Hanin ex-beau-frère consort de Mitterrand s’en allait plus tard [février 2006] de son couplet chez Morandini, répondant à l’animateur sur l’absence de visibilité des minorités à la télévision : «Pourquoi pas aussi les bègues, les homos et les nains», énervé que l’on osa aborder la question de la discrimination frappant les Noirs.
Chacun à sa place visible, est désormais comme investi d’une mission d’injure raciale cathartique, du moment que les crachats ne touchent que les Noirs, faibles, sans défense ni poids politiques, ne disposant pas non plus du recours auprès des institutions hexagonales, européennes, africaines, internationales. Une telle accumulation de stigmatisation, une telle impunité systématique, systémique ne pourrait échapper à un pouvoir organisé, sauf à devoir comprendre qu’il en est l’organisateur, le régulateur. D’autant que sur le papier des lois et institutions antiracistes existent …
Les discriminations, depuis celles de 1918 avec les soldats noirs de l’armée française jusqu’à celles protéiformes d’aujourd’hui, touchant l’emploi, les carrières, les salaires, le logement, le crédit, la reconnaissance, les distorsions médiatiques, la dignité des citoyens, les places dans l’encadrement politique, social -syndicats-, économique, passent par les fourches caudines des institutions de l’antiracisme officiel, qui tamisent et lissent les aspérités des litiges afin de rendre une république présentable à ses yeux, et à ceux de l’opinion internationale qui importent aux donneurs d’ordre.
Si des velléités se font jour d’un mouvement associatif républicain et anti-raciste encore dans des soucis d’enfance, il est fort probable que en amont ou à son appui, la démonstration d’existence que les Noirs opposeront à la politique nationale structurelle de leur invisibilité et relégation, sera un contrepoids de taille au racisme français. Car même le quotidien Libération qui le 18 décembre titre sur le Racisme antinoir n’a pas de façon décisive, plus qu’un autre, un traitement professionnel de la question noire en France. Plusieurs procès en cours pour discrimination [Affaire ADP-Badjeck, Affaire Renault-Gabaroum, par exemple] et affaires d’agressions racistes restées sans écho médiatique le prouvent à suffisance.
Il reste que les résultats des précédentes élections présidentielles ont montré un resserrement des voix autour des candidats principaux, de telle sorte qu’une poignée de 300 000 voix suffise à arbitrer le résultat du premier tour. Pour mémoire, Lionel Jospin, dont la campagne avait été catastrophique en 2002 fut devancé par Jean-Marie Lepen par un écart de moins de 200 000 voix, ce qui permet de pouvoir exister politiquement avec relativement peu de voix. Comparaison n’est pas raison et on ne saurait prédire une configuration de même rapport quantitatif en 2007. Mais 2002 a montré que l’élection présidentielle pourrait permettre de faire entendre de nouvelles voix. Aucun parti politique ne s’étant intéressé à la question du racisme antinoir et de sa démocratisation, malgré moult mises en scène sur les débats internes aux familles politiques, il ne s’agira pas de faire des voix captives. Mais de montrer une capacité de nuisance en sanctionnant alternativement, selon les élections -présidentielles, parlementaires, locales- les principaux partis de gouvernements, en fonction d’un consensus minimal autour de l’Affirmative action, le développement de l’Outre-Mer et de la politique africaine de la France sur lequel les candidat devront s’engager. En soignant le potentiel égalitaire de la société, la citoyenneté gagnera en ceci qu’elle sera plus concrète et offrira une nouvelle démocratie, moderne, capable d’affronter les défis des économies post-industrielles, de l’écologie, de la diversité culturelle et humaine pour en sortir par le haut. Mais il faudra mener bataille pour y arriver et faire trébucher les appareils politiques hégémoniques en usant astucieusement d’un réservoir de voix stratégique.
Afrikara
http://www.afrikara.com/index.php?page=contenu&art=1536&PHPSESSID=7ab02af7fe8f63f47b7f9dc5a7770d8d