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Pour l’exhumation des cendres de Pierre Savorgnan de Brazza du Congo
22/11/2006
[Pétition en ligne]. Le 03 octobre 2006, un sacrilège d’Etat préparé depuis plus d’un an par deux pays africains, le Gabon, le Congo Brazzaville en collaboration avec la France, a été commis, avec le transfert sur le sol du Congo Brazzaville des cendres du pionnier de la colonisation française en Afrique centrale, Pierre Savorgnan de Brazza. Cet acte d’une gravité extrême, auréolé de plus par la construction d’un dispendieux mausolée dédié audit colonisateur, à contre courant de l’histoire, par lequel deux pays africains et un voisin invité, le Centrafrique, glorifient le défunt colonisateur, est aussi rarissime qu’humiliant pour les Africains morts pour la cause de leur patrie, et pour leurs descendants aujourd’hui.
Alors que de part le monde, en Chine comme en Bolivie ou encore en Algérie et dans les anciennes colonies d’Amériques et Caraïbes les peuples et leurs dirigeants exigent «excuses» officielles voire réparations, manifestant leur solidarité intergénérationnelle avec leurs ancêtres arrachés à la vie par les affres et les inimaginables tortures de la colonisation, des dirigeants africains, l’un parmi les plus anciens présidents en poste au monde et l’autre président de l’Union africaine, marchent à reculons de l’intelligence contemporaine des peuples. Presque aucune initiative ne pouvait être autant à contre sens et en sens interdit de la voie de l’émancipation, de la faim de liberté qui travaillent légitimement les sociétés dominées, vaincues par l’agression et la férocité européennes. Par un hommage de cette nature et de pareil enjeu, les dirigeants africains ont tout simplement jeté à la rivière de l’inessentiel les mobilisatrices luttes, indélébiles douleurs, inoubliables souffrances, engagements et militantismes anticolonialistes de patriotes africains, une partie de l’âme africaine combattante en somme.
Nonobstant les circonstances de la mission colonisatrice de Savorgnan de Brazza, au sujet desquelles l’éminent professeur Théophile Obenga a révélé qu’elle avait été menée à coups de viols dans la cour royale Téké à Mbé, ce qui suffirait largement à débaptiser tous les lieux publics et la ville portant le nom de l’«explorateur», le principe d’un mausolée en hommage à un colonisateur est frappé de non sens pour des Etats indépendants et libres. Ce n’est pas la propagande faisant de Savorgnan de Brazza un humble franc-maçon, homme supposé des Lumières qui y change quelque chose au contraire.
Par ailleurs, cet acte ubuesque et ridicule, commis dans une ancienne possession française se produit en plein pendant les convulsions de la société française autour de son histoire impérialiste et de la récente percée d’une idéologie renaissante de glorification de la colonisation, et de l’anti-repentance … Comme si ordre de mission avait été donné à des représentants légaux africains, de singer une fois jamais de trop, le discours que l’on imagine être le plus convenable au maître blanc.
L’indignation générale ressentie par les Congolais, les Africains, tous les citoyens du monde acquis à la conviction qu’un monde libre, décolonisé est en soi un idéal, pousse à l’urgence les associations, les individus, toutes institutions citoyennes de s’exonérer, s’exclure de tels hommages, sacrilèges d’Etat, rendus malheureusement au nom de tous. Après un signal si fort voué à couvrir de honte des millions d’Africains de par le monde, il est impérieux que chaque citoyen croyant un tant soit peu dans les vertus de la liberté des peuples, se désolidarise par un acte positif volontaire, de ce nième rite de soumission et cette apologie des temps coloniaux.
Une exhumation des cendres de Savorgnan de Brazza s’impose donc, symboliquement dans l’immédiat, physiquement à terme. Imposée sans concertation ni débat démocratique par des exécutifs françafricains tout puissants face à une opinion publique peu audible, il est nécessaire de condamner cette action néocoloniale de plusieurs façons par :
- Une exhumation symbolique, congolaise, panafricaine et citoyenne des cendres du colonisateur français, Pierre Savorgnan De Brazza.
- Une interpellation ferme de l’Union africaine. Un mausolée construit en l’honneur d’un colon pionnier, en l’honneur du colonialisme par conséquent, ne pourrait se faire aussi normalement, fastueusement, que dans le cadre d’une colonie. Une telle nostalgie d’Etat à l’ordre colonial en est assimilable à une prise de position contre les indépendances, contre les Etats post-coloniaux, contre l’intangibilité des frontières dont se réclame l’Union africaine. Cette dernière, touchée dans son objet par la signification de l’événement, ne saurait sous peine d’acceptation de sa nullité, garder le silence.
- Une exhumation physique ultérieure des cendres de Savorgnan de Brazza au Congo par les Congolais et les Africains, ainsi qu’une action pour débaptiser les monuments et ouvrages publics portant le nom de l’«explorateur» coupable de violences et viols coloniaux.
Il est important de marquer un désaccord citoyen clair vis-à-vis des charges et des humiliations que les générations précédentes, nos ascendants et ancêtres ne nous pardonneront pas, que les futurs citoyens africains soit nous reprocheront à raison, soit alors seront tellement abâtardis par nos complaisances et fuites qu’ils n’auront pas le moindre intérêt pour la chose publique en décomposition.
Du fait de ce qui précède, cette pétition en ligne affirme une désolidarisation totale avec l’hommage rendu à Pierre Savorgnan de Brazza, à Brazzaville le 03 octobre 2006 par le transfert de ses centres, leur ré-inhumation en terre africaine, la construction d’un mausolée en sa mémoire. A travers Savorgnan de Brazza, elle atteint toute action nostalgique, connivence de quelque forme que ce soit avec la colonisation française, les colonisations dans le monde, en tant que mode d’oppression des peuples, projets liberticides généralement accompagnés de crimes contre l’humanité.
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