C'est difficile
Antoine Garnier regarde autour de lui, et ce qu'il voit lui inspire un "c'est difficile" dans nombre de domaines...
Par Antoine Garnier
source:grioo.com
C’est difficile de continuer de regarder les gens se promener, main dans la main, sous un soleil éclatant, dans les jardins du Luxembourg, et de ne pas savoir ce qu’il va advenir des dizaines de familles africaines installées à même le sol au début de la rue Hélène Cochenec, dans ma ville d’Aubervilliers, dans des conditions d’expulsions, de justifications et d’attente que l’on sait pertinemment qu’elles seraient différentes s’il s’était agit d’une autre communauté.
C’est difficile de voir la température du baromètre chuter et trouver le sommeil quand des enfants et leurs parents dorment sous des bâches en plastiques, peu habitués à cette mortelle rigueur.
C’est difficile de compter les jours qui passent nous rapprochant de la fin de l’été, quand le froid brûlera les chairs de ces africains anonymes que l’on voudrait aider, mais que l’on ne sait pas par quel bout commencer ?
C’est difficile d’observer ces dizaines de belles jeunes femmes noires apprêtées comme des reines marcher en groupe sans compagnons dans toutes ces galeries marchandes, eux trop occupés à aller baiser les pieds de quelconques femmes laiteuses faciles qui ne recherchent en eux que l’excitation passagère du curieux et moderne black à la mode décapité.
C’est difficile de voir des artistes noir(e)s se faire ignorer par leurs propres médias ou dépasser par d’autres artistes bénéficiant de réseaux installés poussant comme des bœufs et qui nous feraient presque croire à la longue que leurs créations artificielles sont à la fois la crème et les producteurs originaux d’un R&B ou d’une soukouss arabifiée quand le dernier album de la très/vrai hip hop/rock/punk Bams brille par sa verve, sa pétulance, et sa non-médiatisation.
C’est difficile de voir tous ces sportifs noirs, notamment footballeurs, enrichir les concessionnaires automobiles quand ils feraient mieux de s’inspirer de la tontine que nous jalousons chez nos voisins. N’est-il pas trop facile et lâche d’accuser pour la ènième fois Kelman quand Des sportifs gagnent en un demi-mois ce qu’il gagne en deux ans et qu’ils continuent de se taire ou ne disent rien de consistant, terrés comme des lapins, baîllonnés comme des otages, alors qu’ils pourraient faire tant. N’est-ce pas davantage à eux de rendre des comptes ?
C’est difficile d’entendre son ami togolais ou ivoirien revenu du pays vous raconter le quotidien corrompu, les perspectives d’entre-déchirement se confirmer, ou son amie haïtienne décrire comment son pays s’enfonce inexorablement dans une guerre civile, sociale, politique et alimentaire non-médiatisée, dans l’indifférence mondiale générale, après une énième catastrophe naturelle qui ne vaudrait pas celle plus que celle esthétique et déchargeante d’une Asie du sud-est tsunami fiée ?
C’est difficile d’avoir le sentiment que l’on ne peut rien faire.
Est peut-être venu, au contraire, le moment d’agir (ou réagir). De prendre sa voiture et d’apporter un quelconque réconfort à ses familles pour que cesse cette situation. Des conserves, oui, mais surtout une mobilisation écrite et physique qui fera craindre de traiter avec un tel mépris des personnes qui n’auraient pour premier tort que de porter ma couleur de peau. Lire des mails sur des sites afro pour se tenir au courant ? Oui, mais à condition de pas les garder pour soi, égoïstement, de les partager pour qu’enfle l’information, des propositions, des possibilités, une énergie intelligente et concentrée. Manifester une nouvelle fois à République et se retrouver encore les mêmes 50 convaincus ? Au final, trop épuisant psychologiquement et frustrant, car tellement limité et déjà trop encadré et professionnalisé. C’est pourquoi une mobilisation qui demande une implication personnelle, dont l’efficacité peut être reconnue et ne demandant pas plus d’efforts surhumains que quand on choisit/trouve le temps de se précipiter pour acquérir la dernière marque à la mode, et pour laquelle la portée peut engendrer une redéfinition concrète des rapports qui nous sont imposés devient incontournable.
Parce que la pétition Banania est Un des éléments, certes limité, illustrant un degré de température et de tempérament de certains membres de la Communauté noire dans la variété des problèmes rencontrés, nous vous proposerons très prochainement un résumé des opinions que vous avez exprimées, ainsi qu'un plan d'action visant à nous faire entendre.