Histoires de Nègres et d’intégration à la French Touch ! Au Sénat et Ailleurs …
26/10/2006
L’exemple dit-on vaut parfois mieux que la leçon. Et parler d’intégration, en débattre est presque indécent tellement tout le monde est d’accord pour dire que tout va mal, que personne ne s’y est bien pris, surtout le camp d’en face et qu’il est temps que ça change et vite et vite, après que les moutons aient voté en 2007 cela ira forcément du tonnerre.
Il est toujours instructif, au milieu de ces belles paroles qui s’envolent, de débusquer la façon dont au quotidien les élus et élites vivent ou conçoivent cette fameuse intégration, dans leurs rapports immédiats aux Noirs, Arabes, etc.
Le Canard enchaîné du 18 octobre 2006 [P.2] raconte dans un croustillant articulet une scène qui se passe dans une des cafétérias du Sénat le 10 octobre. «Deux attachées parlementaires de couleur (l’une du PS Yannick Bodin, l’autre du questeur socialiste Gérard Miquel) sont apostrophées à leur entrée dans la salle, par un sénateur UMP du Val-d’Oise, l’ex-rocardien Hugues Portelli : «Vous pouvez nettoyer parce que c’est sale ! On ne peut pas se servir ici c’est vraiment dégoûtant.». Les deux jeunes femmes qui souhaitaient juste consommer un café restent bouche bée. Le sénateur hausse le ton : «Vous comprenez ce que je veux dire ou pas ? (…) Nettoyez, vous comprenez, ou pas ?». «C’est vrai que nous sommes noires, réplique l’une des deux attachées parlementaires, et qu’en général les femmes noires sont au Sénat pour faire le ménage. Mais là, nous venons juste nous servir un café. Nous sommes des assistantes parlementaires.» Portelli, se rendant compte de sa bévue, se lance alors sur un terrain glissant : «Vous savez, je ne suis pas raciste, mon beau-frère est antillais, mais je pensais que vous veniez là pour travailler».
Une belle histoire qui traduit bien l’imaginaire d’intégration qui fonctionne dans l’état d’esprit de nombre d’élus français, blancs en règle générale.
Des variantes de cette histoire vraie existent par centaines plus ou moins directes et abruptes. Exemple, le 23 Août 2005, la rédaction d’Afrikara.com est invitée dans une mairie communiste en région parisienne, à l’occasion de la journée internationale de commémoration de la traite négrière, de l’esclavage et des résistances. Un pot est offert par monsieur le maire, et tout se déroule normalement. Arrive une dame noire, un peu en retard. Le maire faire assaut de courtoisie et lui lance un «Bonjour madame, vous êtes infirmière ?». Un peu interloquée, la dame, antillaise se reprend «Non, je suis puéricultrice.». Plates excuses du maire rougi qui disparut du champ de vision de la retardataire. Elégant. Il aurait pu rétorquer qu’une puéricultrice est une infirmière diplômée, spécialiste de puériculture, et dire au moins qu’il a un ami, une maîtresse, un voisin antillais …
Plus subtile cette fois mais guère moins redoutable !
Invitée à assister à une table ronde à la Mairie de Paris le 12 février 2004 à l’Hôtel de Ville, salon des Arcades sous la présidence de Mme Anne Hidalgo, première adjointe au Maire de Paris, notre rédaction avait été particulièrement surprise par le choix des intervenants, les Noirs en particulier.
Cette grand-messe à laquelle participait Raymond Forni, maire et ancien président de l’Assemblée nationale, avait pris l’option arbitraire assumée de présenter les parcours de réussite, autour du rôle intégrateur de l’école singulièrement. Soit. Part conséquent les invités avaient un profil scolaire et culturel plus ou moins relevé : Mme Nora Barsali, chef d’entreprise et auteure d’un livre «Générations beurs, Français à part entière», Mme Khuê-Linh Truong, chef d’entreprise, Mme Fatima Besnaci-Lancou, directrice de maison d’édition médicale, Madame Nadia Samir, actrice, Monsieur Mohamed Hamidi professeur agrégé d’économie, Cartouche comédien, Monsieur Massiring Sylla, animateur sportif, Antilop. Sa, rappeur.
Le casting pour les Noirs avait été particulièrement serré, pas moyen de trouver à Paris un(e) enseignant(e), un ingénieur, un(e) universitaire, un(e) chef d’entreprise, un cadre quelconque ! Un rappeur, sympathique, qui faisait la course en tête des ventes du genre en France à ce moment, fit illusion, en expliquant qu’il ne comprenait pas l’origine des problèmes d’intégration, car lui, quand il regardait son sang, il voyait qu’il était rouge pour tous, et blablabla et applaudissements hypocrites. L’autre noir, en grande difficulté orale et de communication, avoua que, animateur sportif de son état, il n’avait pas eu un bon rapport à l’école, mais qu’il s’occupait des jeunes et leur expliquait qu’ils devaient mettre leur haine, leur violence ailleurs etc.
Tout ceci tranchait avec la teneur d’ensemble des propos, les échanges et nuances qui se croisaient, convenus, tous s’accordant sur l’importance de l’école, l’existence de la discrimination contre laquelle il ne fallait pas baisser les bras.
Est-ce que vraiment, dans un tel contexte, il n’y avait qu’un rappeur et un animateur sportif, de loin les plus jeunes du plateau du reste, pour faire office de représentants des Noirs, eux qui justement sortaient du modèle intégrateur mis en avant l’école ?
La sélection réalisée correspondait en fait à l’inconscient d’intégration parfaite qui animait les organisateurs de cette table ronde, la Mairie de Paris, et plus généralement la classe dirigeante française aujourd’hui. Tout le monde trouva l’exercice de bonne qualité, les petits fours aussi. Un Noir est vraiment à sa place, sa meilleure place, une place qu’on ne questionne pas et que l’on ne lui convoite pas, lorsqu’il n’est pas trop éloigné des terrains de sport, ou micro en main, non pour l’opéra mais pour le Hip-Hop, le Rap.
La table ronde qui s’intitulait «Parents d‘ailleurs, enfants d’ici» a réussit par une translucidité mémorable à montrer, à afficher même inconsciemment, la vision qu’a une importante partie des élites, de l’intégration des Noirs en France. Sport et musique de cité. C’est si bon la vie.
Pierre Kassenti
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