Objet : Kassovitz a répondu au message de Sarkozy laissé sur son blog
Tuesday, November 29, 2005
Vous n'etes pas responsable...
Un commentaire signé Nicolas Sarkozy, daté du 22 Novembre, répond à
la note postée sur mon site internet quelques jours plus tôt.
Voici recopier ici à l'identique, la lettre, dont l'originale
(digital) doit être perdu au milieu des commentaires d'anonymes. Je
me suis permis de lui repondre en bas de page :
nicolas sarkozy a dit…
Monsieur,J'ai pris connaissance de vos propos développés sur votre
blog relatifs à la crise qui a traversé plusieurs de nos banlieues.
Au-delà de vos flèches caricaturales et provocantes dont je suis la
cible, j'ai tenu à vous répondre personnellement car je crois aux
vertus du débat et de l'échange, notamment avec celles et ceux qui
ne souscrivent pas à mes idées ou mes actes.
Le premier
point qui m'a frappé à la lecture de votre blog, c'est qu'il laisse
fortement entendre que la crise actuelle a surgi soudainement, comme
par un malheureux hasard. Vous l'attachez de façon réductrice et
manichéenne à ma personne et à quelques mots prononcés par moi-même…
Ces mots, j'assume leur tonalité directe et franche car ils sont
fondés sur la réalité d'un quotidien vécu par une majorité de nos
concitoyens dans les cités. Au surplus, j'estime que
le "politiquement correct" et la langue de bois qui prévaut depuis
des décennies ne sont pas indifférents à la montée du vote
extrémiste dont je combats depuis toujours les idées et les leaders.
Vous connaissez, semble-t-il, suffisamment "les quartiers" pour
savoir, au fond de vous-même, que la situation est tendue depuis de
longues années et que le malaise est profond. Votre film, "La
haine", qui date de 1995, évoquait déjà ce malaise que des
gouvernements, de droite comme de gauche, ont dû gérer avec plus ou
moins de réussites. Limiter cette crise aux faits et gestes du
Ministre de l'Intérieur, c'est, d'une certaine façon et une fois
encore, passer à côté des vrais problèmes. Je mets cela sur le
compte d'un coup de cœur mal placé.
Le second point qui m'a heurté, c'est que vous paraissez vous faire,
sans nuance, le porte-parole d'une minorité de casseurs plutôt que
l'interprète d'une majorité de familles et de jeunes qui vit, elle
aussi, dans les cités et qui en a assez de constater que la culture
de la violence et des rapports de forces s'est imposée sur celle de
l'Etat de droit. Pourquoi n'avoir aucun mot pour ceux dont la
voiture a brûlé, les privant ainsi d'un outil de liberté et de
travail durement acquis ? Pourquoi ne pas évoquer ces jeunes dont
les gymnases ont été réduits en cendres et ces enfants dont l'école
est détruite ? Pourquoi, par ailleurs, n'avoir aucune pensée pour
les 110 policiers blessés, les pompiers caillassés et les médecins
injuriés ? Votre proximité affective à l'égard des jeunes des
cités est compréhensible et estimable, mais j'ai le sentiment
qu'elle vous conduit à accepter ce qui n'est pas acceptable. Ce
n'est pas rendre service aux banlieues que de prendre fait et cause
pour une minorité dont les actes sont répréhensibles et parfois même
meurtriers. Je crois même le contraire. Vivre dans un quartier
populaire ou être le fils de parents ou grands-parents immigrés
n'autorise nullement à lancer des cocktails molotov sur la police et
des pierres sur les pompiers. Laisser entendre le contraire, c'est,
selon moi, insulter toutes celles et tous ceux qui, dans des
conditions d'existences identiques, se comportent en citoyen
responsable. Je n'ignore nullement le fait que derrière cette crise
il y a des facteurs économiques, sociaux et culturels. J'en ai
mesuré l'ampleur et c'est pourquoi je défends, notamment, le
principe de la discrimination positive ou encore le vote des
étrangers aux élections municipales. Il est temps de briser
l'égalité de façade dont notre pays est coutumier depuis trop
longtemps ! Il est temps de donner toutes ses chances à la France
plurielle dont j'estime qu'elle est un atout et non un handicap ! A
cet égard, je veux vous dire que la Police est sans doute le service
public le plus représentatif de cette France plurielle que j'appelle
de mes voeux. Cette nouvelle impulsion dont les quartiers ont tant
besoin, ne peut être engagée en l'absence d'un rétablissement des
règles républicaines. Le développement des trafics, des violences,
des "tournantes", de l'immigration clandestine, minent tous les
efforts que nous pouvons entreprendre. En ces zones de non-droit,
l'ordre républicain n'est pas l'adversaire du progrès, mais bien son
allié. Nous sommes en présence d'une des crises urbaines les plus
complexes et les plus aiguës que nous ayons eu à affronter. Elle
exige de la fermeté et beaucoup de sang froid. Ces sont ces
instructions précises que j'ai donné aux forces de police et de
gendarmerie. Elles agissent avec une maîtrise et un
professionnalisme qui font honneur à notre démocratie. Au cours des
quatre dernières semaines, certaines de nos unités ont fait face,
dans le calme et la discipline, à une violence dont je vous demande
de ne pas sous-estimer la brutalité. Voilà les quelques réflexions
que m'inspire la lecture de votre blog. Je sais que vous êtes, avec
votre style et vos convictions, à la recherche d'une prise de
conscience des pouvoirs publics vis à vis des banlieues. Depuis tant
d'années, beaucoup d'argent a été engagé, beaucoup d'efforts ont été
entrepris par les services de l'Etat comme par les acteurs de
terrain. Les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes. Nous y
avons tous notre part de responsabilité. Comment faire mieux et
autrement ? Cette question, il faut maintenant la résoudre.
Demeurant disponible pour poursuivre, si vous le jugez utile, notre
échange de vive voix, je vous prie de croire, Monsieur, à
l'assurance de mes sentiments les meilleurs.
Nicolas Sarkozy
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Mr le Ministre de l'intérieur.
Cette lettre qui ne vous était pas directement adressée mais à
laquelle vous avez promptement répondu, n'est pas comme vous le
laissez entendre, un pamphlet en l'honneur des casseurs, ni une
insulte aux pompiers caillassés et aux policiers blessés. Le simple
fait que vous détourniez mes propos pour éviter de répondre aux
vraies questions, confirme votre aveuglement face à votre
responsabilité dans ces événements.
Quoi que vous puissiez dire, les quartiers de France ont bel et bien
explosés quelques heures après vos mots dur et blessant,
malencontreusement stigmatisés par un accident qui a vu la mort de
deux adolescents dans des conditions atroces. Accident tragique, et
tellement symbolique des conditions de vie des quartiers de France.
Ces gymnases, ces voitures et ces écoles qui brûlent, dont vous
m'accusez de n'avoir que faire, j'en parlait déjà il y a 10 ans
dans « La HAINE » , que vous évoquez sans même, je pense, l'avoir
vu.
Je n'ai pas besoin de vivre dans une cité, ni d'avoir fait de hautes
études pour comprendre que ces institutions sont les représentants
d'un Etat qui renonce à regarder le problème en face et qui continu,
gouvernement après gouvernement à se rejeter les responsabilités
comme vous le faites si brillamment.
Vous n'êtes pas responsable dites vous.
Les policiers et les pompiers qui ont courageusement défendu vos
bavures , sont les malheureuses victimes de votre politique
agressive, tout comme les habitants des quartiers qui y ont perdu
leurs véhicules et pour certains leur moyen de subsister.
Ne rejetez pas la responsabilité de vos propos sur une situation
dont nous connaissons tous l'histoire, si vous n'êtes pas le seul
responsable des problèmes des banlieues, vous en êtes le symbole
politique, et vos propos ont allumé la mèche d'une révolte qui vous
a dépassé. Que vous vous offusquiez qu'on vous prenne pour cible me
surprend et me fait douter de votre capacité à vous remettre en
cause.
Vous avez raison quand vous dites que « l'ordre républicain n'est
pas l'adversaire du progrès, mais bien son allié. », mais pour
rétablir l'ordre républicain dans les quartiers il faut que les
représentants de cette république soient au dessus de tout soupçons.
Vous avez magnifiquement géré, comme à votre habitude, l'impact de
ces émeutes et des images auprès des medias et vous avez bien
heureusement donné des instructions de retenue aux forces de
l'ordre, mais ne résumez pas le comportement de la police à ce qu'il
s'est passé sur ces quatre dernières semaines face aux medias du
monde entier. Vous le savez, le problème de respect entre la police
et les jeunes ne date pas d'aujourd'hui. Les gouvernements de gauche
ou de droite, vont et viennent mais ce problème persiste au
quotidien. Depuis des générations maintenant.
La mort brutale de Malik OUSEKINE, suivie par les remarques
inhumaine de Charles Pasqua (un de vos prédécesseurs), datent de
bientôt 20 ans. La mort de Makomé, abattu de sang froid dans un
commissariat du 18eme, et de nombreux autres, victimes de la perte
des valeurs républicaines que vous défendez, parsèment l'histoire de
la France d'aujourd'hui. C'est ce passé, lourd en injustices qui
alimente notre présent. Je vous demande juste de ne pas l'oublier,
même si vous n'en êtes pas directement responsable.
Mar 24 Oct - 23:28 par mihou