jeudi 19 octobre 2006, 20h13
Des bagagistes musulmans de Roissy saisissent la justice
PARIS (Reuters) - Quatre bagagistes de confession musulmane ont saisi le
tribunal administratif de Pontoise contre une décision de la préfecture de
Saint-Denis de leur retirer leur badge permettant d'accéder à une zone sensible
de l'aéroport de Roissy .
"Un référé en suspension de la décision du préfet de retirer leur habilitation
pour cause de confession musulmane a été déposé cet après-midi", a dit à Reuters
l'un de leurs avocats, Me Daniel Saadat.
Une autre plainte pénale contre X a été déposée dans l'après-midi pour
"discrimination" auprès du procureur de la République de Bobigny au nom de la
CFDT, a ajouté un autre avocat des bagagistes, Me Eric Moutet.
Selon les avocats, plusieurs dizaines de musulmans se sont récemment vus
retirer leur badge de travail, délivré par la préfecture et permettant l'accès à
la zone sous-douane, réputée sensible en terme de sécurité, car proche des
pistes.
Le sous-préfet chargé de la zone aéroportuaire de Roissy, Jacques Lebrot, a
confirmé que la préfecture avait soit retiré leurs badges ou son habilitation à
plusieurs dizaines de personnes qui "menaçaient la sûreté d'une zone réservée
qui s'étend sur 2.500 hectares".
Cette décision a été prise, selon lui, à l'issue d'une enquête de l'Unité
centrale de lutte antiterroriste (Uclat) qui a duré plusieurs mois et a conclu
que plusieurs personnes présentaient un risque "de vulnérabilité ou de
dangerosité" pour la zone.
Jacques Lebrot a assuré que le retrait des badges était indépendant de leur
confession musulmane et a insisté sur "la recherche terroriste" motivée par les
attentats de Madrid et de Londres.
LE SOUS-PREFET INVOQUE UN "RISQUE TERRORISTE"
"Le risque terroriste est très important en France. (...). Pour nous quelqu'un
qui va passer des vacances plusieurs fois au Pakistan, cela nous pose des
questions", a-t-il dit, assurant que plusieurs bagagistes y avaient séjourné
dans "des camps d'entraînement".
"Nous sommes en niveau de vigipirate rouge, donc il y a une recherche de gens
qui pourraient porter préjudice à la sûreté de la zone", a-t-il dit, assurant
que la préfecture de Seine-Saint-Denis s'était alignée sur le rapport de
l'enquête antiterroriste.
"Des procédures de licenciements sont en cours, car sans badge (les
bagagistes) ne peuvent pas travailler", a souligné Me Moutet.
Aucun motif n'a été, selon lui, invoqué, à l'exception que les bagagistes,
maghrébins, n'ont "pas démontré qu'ils avaient un comportement 'insusceptible'
de porter atteinte à la sûreté aéroportuaire".
La CFTC Air France a déposé un préavis de grève pour le 23 octobre pour
dénoncer la gestion de ces badges et leur attribution au niveau de l'ensemble du
personnel.
"Il suffit que vous n'ayez pas payé une contravention ou votre pension
alimentaire pour que votre badge soit retiré!", a dit à Reuters Alex Pesic,
secrétaire général de la CFTC selon lequel la grève n'a rien à voir avec cette
affaire.
En août dernier, les quatre employés musulmans avaient été convoqués par la
préfecture de Seine-Saint-Denis. Deux à trois jours plus tard, ils se sont vus
signifier par courrier le retrait de leur badge, ont expliqué les avocats. Leur
entretien avait notamment porté sur leur religion ou encore leurs prêches,
ont-ils dit.
Dans un communiqué, le collectif contre l'islamophobie en France (CCIF)
dénonce une "chasse aux employés musulmans".