Etat des lieux des pratiques discriminatoires
Des employés d'agence révèlent des méthodes hors la loi déjà dépistées par SOS Racisme.
Par Tonino SERAFINI
lundi 04 juillet 2005 (Liberation - 06:00)
les tribunaux ont déjà prononcé plusieurs condamnations à l'encontre de propriétaires privés ou d'agents immobiliers se livrant à des pratiques discriminatoires. Voici quelques stratégies utilisées pour écarter des candidats locataires d'origine africaine, antillaise, maghrébine ou turque.
«L'appartement est déjà loué»
C'est l'argument le plus fréquemment utilisé. Exemple : novembre 1999 : Zitouna Idir est à la recherche d'un logement à Dijon. Elle repère une annonce. Téléphone à la propriétaire. Mais lorsqu'elle décline son identité, elle s'entend répondre: «L'appartement est déjà loué». Le jour même, elle demande à une amie de rappeler en se présentant sous l'identité bidon de «Geneviève Dupont». Cette fois, la propriétaire affirme que le logement est libre et lui propose de le visiter. En décembre 2000, le tribunal correctionnel de Dijon l'a condamnée à 762 euros d'amende. Zitouna Idir a obtenu 300 euros de dommages intérêts et 230 euros pour les frais de procédure. D'autres tribunaux ont eu à connaître des affaires similaires. A Paris, Versailles, Toulouse ou encore à Compiègne (Oise) où les juges ont prononcé une condamnation assortie d'une peine de trois mois de prison avec sursis et d'une forte amende. S'étant aperçue que l'agent immobilier avait loué son appartement à un couple franco-maghrébin, la propriétaire avait fait changer les serrures du logement alors que les locataires avaient déjà signé leur bail et repeignaient le lieu. Pour confondre des agences immobilières ou des propriétaires privés, SOS Racisme utilise la technique du «testing» téléphonique enregistré. Un procédé jugé «loyal» en mars 2003 par le tribunal correctionnel de Toulouse, ce qu'a confirmé la cour d'appel. Contactée par un couple, la responsable d'une agence leur avait expliqué qu'elle ne pouvait «pas louer à des gens de couleur». 3 000 euros d'amende pour elle et le propriétaire du logement.
«Le garant doit être français»
Le dossier de Mamadou Cissé, expert comptable d'origine sénégalaise, candidat à la location d'un appartement, remplissait tous les critères de solvabilité exigés par le bailleur. Mais un responsable de l'agence immobilière Lamy, dans la région de Toulouse, avait trouvé une parade. Il avait exigé de Mamadou Cissé «un garant de nationalité française». C'est illégal. L'agent immobilier a été condamné en avril 2002 à verser 3 000 euros de dommages intérêts à la victime.
Fichage informatisé
Outre les testings, SOS Racisme reçoit régulièrement des témoignages de salariés d'agence immobilière ou de cabinet d'administrateurs de biens choqués par des méthodes de fichage ethnique des candidats. Des codes chiffrés (1, 2, 3) servent à indiquer leur origine (européenne, maghrébine, africaine ou antillaise). L'employé d'un grand cabinet d'administration de biens de la région parisienne a fourni à l'association un listing d'appartements à louer : sur certaines fiches apparaît la mention «[le propriétaire] ne souhaite pas avoir de locataires de couleur ou immigrés». De nombreuses procédures judiciaires sont engagées à l'encontre de ces cabinets.
Le secteur du logement social n'est pas exempt de reproches. Ainsi la société anonyme de HLM Le Foyer de la Charente-Maritime avait mis en place la méthodologie du scoring : pour chaque demandeur de logement, elle attribuait «une note de probabilité de survenance du risque» en prenant en compte de nombreux critères, dont la nationalité.
Le droit de préemption
La discrimination touche aussi les accédants à la propriété. Plusieurs familles d'origines turque ou maghrébine suspectent ainsi le maire divers droite de Pont-de-Chéruy (Isère) d'utiliser le droit de préemption pour les empêcher d'acheter un logement dans sa commune (Libération du 5 février 2003). Sylvia Akdag, jeune Française d'origine turque, avait trouvé la maison de ses rêves par le biais d'une agence immobilière. Préemptée ! En avril 2003, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté pris par l'élu, la procédure étant entachée «d'une erreur de droit et de détournement de pouvoirs».