Préparatifs de coup d'État en Bolivie
HEINZ DIETERICH
Les militaires ne font jamais un coup d'État en l'air, m'a dit il y a sept ans mon ami le Général Alberto Mueller Rojas, aujourd'hui membre de l'État-major présidentiel de Hugo Chávez. C'est cette logique dont on observe actuellement le déroulement en Bolivie. Tout un bloc de conspiration, composé de différentes forces sociales et de l'État, travaille de manière accélérée pour en finir avec le Président Evo Morales.
Les préfets (gouverneurs) des États producteurs d'énergie et séparatistes de Beni, Pando, Santa Cruz de la Sierra et Tarija encouragent la formation de ce que l'on appelle les "Comités civils", qui sont le fer de lance de la subversion politique visible. Tant les préfets que les comités civiques sont entrés en rébellion franche contre le gouvernement constitutionnel de Evo Morales, en déclarant que "ils ne se soumettront pas à la Constitution politique de l'État qui sortira de l'Assemblée constituante, si cette constitution n'est pas approuvée dans tous ses articles par les deux tiers des voix" des constituants. Ils préviennent qu'ils avanceront sur la voie des "autonomies départementales" si cette condition n'est pas remplie.
Ils bénéficient évidemment de l'appui de la Cour suprême de justice de la Nation --- aussi réactionnaire et corrompue que ses autres homologues bourgeoises dans le monde --- qui fournit à l'insubordination envisagée l'apologie du délit.
Devant la récente déclaration de l'Assemblée constituante, qui se considère "originaire, plénipotentiaire et fondatrice", en d'autres termes, non limitée dans sa construction du nouvel État selon les règles existantes, les magistrats soutiennent la position des préfets factieux. Ils jugent que, selon le droit constitutionnel, le pouvoir de l'Assemblée constituante n'est pas "originaire-fondateur" mais "dérivé-réformateur" et, partant, soumis à la législation en vigueur qui exige les deux tiers des voix.
Les comités civils bénéficient du financement du patronat et de la collaboration de hauts fonctionnaires de la police, par exemple, de colonels. Leurs actes sont gonflés et diffusés par les médias privés, souvent sur le modèle de la propagande fasciste. Certains des médias les plus importants sont entre les mains de magnats capitalistes, avec de gros investissements agricoles dans les provinces séparatistes, qui craignent la réforme agraire du gouvernement.
Pour ce qui est du social, les associations de pères de famille --- généralement réactionnaires et contrôlées par l'Église --- en alliance avec les secteurs de l'enseignement primaire, des collèges et des universités privées encouragent les grèves, les barrages et les manifestations contre le gouvernement. Les secteurs de l'énergie tentent de provoquer une pénurie de diesel et d'essence, afin de susciter un malaise dans la population.
Tout comme au Chili, les entreprises de transport ont la possibilité de briser l'économie et la paix publique par une grève nationale, convoquée pour le début de la semaine prochaine, dans l'intention de faire converger tous les secteurs antigouvernementaux en un grand front déstabilisateur. Faisant explicitement référence à la grève subversive des transporteurs chiliens contre Salvador Allende (1972), financée par la CIA des États-Unis, Evo Morales a qualifié, il y a deux jours, la grève bolivienne de grève "idéologique" : "C'est la lutte pour le pouvoir", a déclaré le leader populaire, et il a bien précisé ce qui est en jeu : "ou les groupes de caciques (élite, H.D.) , ou les mouvements populaires".
La Centrale ouvrière bolivienne (COB) menace de s'unir à ce front déstabilisateur ; exploitant l'affrontement armé entre mineurs des coopératives et mineurs salariés à Huanuni, dans le département de Potosí, qui a fait une quinzaine de morts et soixante blessés, elle s'oppose au gouvernement.
Le conflit de Huanuni est d'origine économique. Il résulte de l'intention de quelque quatre mille mineurs de coopératives, proches du ministre des Mines, Walter Villarroel, de se réserver l'exploitation de la mine d'étain la plus riche de Bolivie, Possokoni, en expulsant de manière violente un millier de mineurs salariés de l'entreprise de l'État COMIBOL. L'État a été pris par surprise. Face à l'alternative de faire tuer des mineurs par les Forces armées, d'une part, ou d'être accusé de "négligence et d'absence de l'État", d'autre part, 36 heures se sont écoulées, qui se sont converties en une mine d'or pour la propagande et la politique de la droite. Celle-ci a exploité au maximum son hégémonie sur les médias et, dans des conditions très semblables à la manipulation médiatique survenue pendant le coup d'État au Venezuela, n'a pas cessé de tirer sur le gouvernement.
En Bolivie, on suit minutieusement le manuel de la subversion des États-Unis. La machine factieuse est lubrifiée avec de l'argent, des parrains propagandistes et une programmation politique par l'impérialisme des États-Unis qui, depuis le 11 septembre 2001, a mis Evo Morales sur la liste des terroristes possibles.
Les complices de l'Union européenne et les transnationales de l'énergie complètent la phalange subversive. "BP-Tony", Premier Ministre britannique et agent politique de la British Petroleum, a suggéré aux entreprises énergétiques du Royaume-Uni de ne pas investir dans le pétrole bolivien.
C'est déjà la politique que pratique Petrobrás, la transnationale brésilienne dont l'attitude prédatrice et néo-coloniale face à la Bolivie et aux autres pays latino-américains fait paraître pâle le comportement de certaines autres transnationales occidentales ; politique néo-coloniale qui requiert d'urgence l'organisation d'un boycott de tous ses produits dans l'ensemble de l'Amérique latine, pour briser sa technocratie chauviniste parasitaire, tout comme celle de PdVSA avant le gouvernement bolivarien.
Tous veulent se débarrasser de "l'indien" Evo, l'empêcheur de tourner en rond, comme du "noir" Chávez au Venezuela. Pour Chávez, après l'échec du coup militaire, le moyen retenu pour s'en débarrasser est l'empoisonnement ou l'accident. En Bolivie, les caciques et leurs parrains impérialistes sont d'accord pour dire qu'un coup militaire pourrait être le moyen adéquat. Seulement, comme le dit l'ami Mueller Rojas, un coup militaire ne peut être porté dans le "vide". En Bolivie, nous assistons aux manoeuvres de la droite mondiale pour combler ce vide.
Aujourd'hui plus que jamais, la Révolution bolivarienne a besoin de notre solidarité mondiale.
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