Sentiment d'échec en Israël
Philippe Leymarie
L'échec, c'est un sentiment qui touche actuellement au plus profond Tsahal, l'armée israélienne, et qui a contraint, on le sait, le Premier ministre Olmert à créer sous la pression de l'opinion publique, une commission pour enquêter sur les ratés de cette campagne militaire au Liban. Echec, parce que Tsahal a perdu des hommes: 121 militaires auxquels il faudrait ajouter une quarantaine de civils israéliens. Et que ses bombardements ont été meurtriers au Liban -1 200 victimes- et qu'ils ont touché pour l'essentiel des civils, tout en ne venant pas à bout de la résistance d'un Hezbollah dont le combat ne relevait pas d'une simple intifada, une colère populaire, de pierres et de rues, mais un combat organisé de manière quasi professionnelle.
Le mouvement chiite, au contraire, a pu tirer jusqu'à 4 000 roquettes sur Israël en 34 jours de conflit, malgré le pilonnage dont il faisait l'objet. Il a pu, une fois le cessez-le-feu effectif, parader, et se vanter -comme l'a fait son chef Nasrallah- de posséder «encore 20 000 roquettes». Parmi les reproches les plus entendus, notamment dans la bouche de généraux de réserve, il y a le fait d'avoir agi de manière disproportionnée, parfois sans discernement, avec «bavures» à la clé. D'avoir lancé une dernière offensive, peu avant l'entrée en vigueur de la cessation des hostilités, coûteuse en vies humaines et en matériel. D'avoir tiré, au total, 237 000 missiles et obus en direction du territoire libanais, sans obtenir l'effet escompté, sans être capable de profiter du «parapluie» maintenu durant plusieurs semaines par le parrain américain. Mais avec un coût élevé: 2,5 milliards de dollars -et il en faudra encore 1,5 pour regagner les capacités de Tsahal, en hommes et en matériel.
Plus grave, à terme: le fait que Tsahal n'ait pu récupérer ses combattants enlevés et «nettoyer» le Hezbollah ait été perçu -par et dans le monde arabe- comme une vraie défaite d'Israël, la première depuis longtemps. Comment, dans cette ambiance, le défi iranien, par exemple, pourra-t-il être relevé? En plus positif pour Tsahal, il y a le fait qu'Israël a tout de même réussi à affaiblir notablement le Hezbollah, au point qu'il hésitera sans doute à reprendre de sitôt ses attaques! C'est ce que le Premier ministre Olmert, qui récuse bien sûr l'idée de «défaite», appelle une «victoire aux points».
Autre point positif: le fait aussi que l'armée, pour ce qui la concerne, a procédé à un audit interne à propos de son comportement dans cette crise, et sera donc mieux en situation de corriger ses erreurs. Le chef d'état-major, le général Dan Haloutz, qui a admis avoir envisagé de démissionner après la bataille, a donné à son armée la note «passable»; mais lui aussi récuse, en dépit de la vague de critiques, toute défaite irrémédiable.
par Philippe Leymarie
[08/10/2006]
http://www.rfi.fr/actufr/articles/082/article_46646.asp