Much Mo' Miles Davis : Le génie et original du Jazz qui s’aimait beaucoup…
26/09/2006
Miles Davis a marqué l’histoire du Jazz par sa longévité et sa sensibilité de compositeur de toutes les époques, de trompettiste doué et tendre dans son attaque des notes. Ce fondamentaliste du son et des belles notes plutôt que de leur profusion surprenait par son silence comme par ses excès verbaux, ses polémiques célèbres à l’instar de celle avec Coltrane à qui il reprochait, outre son manque de concision, ses dépendances extramusicales.
Miles Davis fut un véritable phénomène, une des premières stars noires américaines du jazz acceptées comme telle y compris par la majorité blanche à qui il ne cachait guère ses convictions antiracistes, à l’opposé d’un Armstrong de la génération virtuose et «bon nègre».
D’un tempérament réputé difficile, abrasif contrastant avec un jeu teinté d’une touchante fragilité, cet innovateur est probablement à la base de la fusion jazz. A l’écoute de toutes les tendances musicales, il avait réussi à faire de ses formations des laboratoires d’où sortirent les pionniers de la fusion, les Weather report, les McLaughlin, ou Chick Korea, tous passés par son écurie, sans compter les plus non moins talentueux Sonny Rollins, Bill Evans, Keith Jarrett, Tony Williams, Herbie Hancock, etc.
On raconte qu’une fois il s’est fait tabassé par un policier à l’entrée du club où il devait jouer en tête d’affiche, le policier ne l’ayant tout simplement pas cru… Cela n’explique vraisemblablement pas son caractère que des conditions familiales, la séparation de ses parents a pu modeler. En tous ces ses humeurs ont toujours garanti des propos saignants et déroutants. Croustillants au demeurant !
Quelques extraits de salves orales du maître, tirés du magazine Jazz magazine
Miles et les Blancs …
"Je ne jouerai nulle part où l'on trouve ces Blancs pleins aux as pour qui la musique est un moyen de s'exciter et d'exciter les bonnes femmes qu'ils amènent. Ils ne viennent pas pour entendre de la bonne musique. Ils boivent trop, ils font du bruit. Ils viennent pour être vus et entendus. Ils sautent, gesticulent et dansent. Ils n'ont aucun savoir-vivre et ne respectent pas leurs femmes. Ce qu'ils veulent exactement c'est une sorte de spectacle "Oncle Tom" si c'est un groupe noir qui est sur l'estrade. Il y a aussi cette sorte de gars qui hurle : "Hé ! mec, joue-nous Sweet Georgia Brown." Là, il vous faut faire une grimace et jouer le morceau en question. Je déteste jouer dans un endroit rempli de cette espèce de "squares". Si d'autres publics n'existaient pas, je spéculerais sur mes biens acquis, resterais chez moi et vivrais de mes rentes. " (1963)
Egocentrisme, frime classique de Black, ou conception particulière de la création artistique ?
"Je joue avant tout pour moi. Si les gens viennent m'entendre tant mieux. " (1971)
"Le public, habituellement, vous dit ce qu'il veut entendre. Si, écrivant de la musique, vous anticipez sur ce qu'ils veulent entendre et s'ils l'aiment, c'est parfait. Tout le problème est d'assortir votre musique à leurs sentiments. (1983)
"Je ne comprends pas qu'on puisse écouter de vieux enregistrements, "Birth of the Cool", "Miles Ahead". Il m'est absolument impossible d'écouter ces disques. Demain je ne pourrai sans doute plus écouter l'enregistrement qui est sur mon tourne-disques aujourd'hui. C'est valable pour tous les disques. J'écoute un disque pendant une ou deux semaines, et c'est fini. Il y a quelques semaines, j'ai écouté Rachmaninov, et je ne le remettrai probablement pas sur le plateau avant longtemps. Jamais peut-être. " (1971)
"En studio, on est toujours soumis à des limitations. En direct, il se passe quelque chose. Une séance d'enregistrement c'est comme du pain rassis : ce n'est rien. Vraiment, je m'estime heureux si je peux supporter l'audition d'un disque que je viens de faire. Quand on joue en direct, on n'a pas à penser au temps, au moment où il faudra terminer. "(1971). Nous n'avons pas de temps pour Body and Soul, I Got Rhythm, So what ou Kind of Blue. Ils sont là. Ils ont été faits à une époque, au bon moment, au bon jour, et voilà. C'est fini, c'est enregistré. Les gens me demandent pourquoi je ne joue pas ceci ou cela. Allez donc vous acheter le disque. Il est toujours disponible. Ce que vous aimez est sur le disque. Ce n'est pas moi que vous aimez, et je ne veux pas que vous m'aimiez à cause de "Kind of Blue". Aimez-moi pour ce que nous faisons maintenant. " (1987)
Miles parle de quelques éminents Jazzmen, ça peut faire mal !
"Art Blakey joue les mêmes choses qu'il y a quarante ans, mais il les joue comme si quelqu'un venait de les lui montrer et que ça lui avait plu. Comme si Jésus en personne était venu le trouver et lui avait dit : "Allez, c'est pour toi, joue-le" " (1985)
"Wynton Marsalis (...), c'est un type bien, et un fantastique musicien; il a beaucoup étudié. Mais je n'ai pas compris son discours (aux Grammy Awards). Parfois les gens parlent comme si on leur avait posé une question. Or personne ne lui en avait posé. Comme Marvin Hagler, à qui on demande : "Que pensez-vous du combat?" et qui répond : "Je vais montrer aux gens que je suis le champion." Personne ne lui a demandé ce qu'il allait montrer ! De même, Wynton m'a semblé se prendre pour le sauveur du jazz. Mais je ne veux rien dire contre lui. Beaucoup de gens ne m'aiment pas parce que je ne dis rien. Eh bien il y en a d'autres qui parlent trop. " (1984)
"Prenons Wynton (Marsalis). Il n'a pas un son distinct. Freddie Hubbard en a presque un. Woody Shaw est un vrai trompettiste créatif. Comme Dizzy. Ils peuvent tout faire, je veux dire que Dizzy peut encore faire un bon solo. " (1987) "Dizzy (Gillespie) a toujours autant de talent, mais il ne l'exploite pas vraiment. Il a encore devant lui quinze ou vingt ans, il devrait en profiter pour jouer ce qu'il a envie de jouer, au lieu de faire ce qu'il pense être le souhait des gens. Il était indépendant à douze ans, pourquoi se soucier des autres aujourd'hui." (1975)
"J'aime Stan (Getz) parce qu'il a beaucoup de patience. Là où les autres ne peuvent plus rien tirer d'une chanson, lui il peut encore. Cela exige beaucoup d'imagination, et ceux qui en ont sont rares." (1975)
"Ornette Coleman est ridicule quand il joue de la trompette. Mais il joue chaque note avec un tel sérieux que les gens sont impressionnés, surtout les Blancs - on les a à tous les coups, ils veulent être plus à l'avant-garde que tout le monde. " (1975)
"Herbie Hancock cherche trop à être intellectuel. Il faudrait des retouches... Mais c'est le meilleur. " (1975)
Une citation qui pourrait résumer l’art musical de l’énorme trompettiste ? " Pourquoi jouer tant de notes alors qu'il suffit de jouer les meilleures ? "
Much Mo'
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