Les bombes à sous-munitions utilisées par Israël paralysent le Liban sud (Le Monde 5-9-06)
Les bombes à sous-munitions utilisées par Israël paralysent le Liban sud
Cette bombe a la forme d'un cylindre pas plus gros qu'une main, avec un
ruban accroché à son " goulot ". Trois pierres marquées de taches rouges
l'entourent, peu visibles au milieu des gravats d'une maison éventrée, à
quelques kilomètres à peine au nord d'Israël.
" Nous en avions fait exploser trois autres dans ces ruines, mais
quelqu'un a dû trouver ensuite celle-ci et l'a marquée. De toutes façons, il
doit y en avoir encore plein autour ", dit Ahmad Saad. Ce jeune policier montre
les impacts laissés par les trois explosions qu'il a provoquées, assisté de "
jeunes du Hezbollah " - des trous dans le sol et dans les bouts de murs
avoisinants, avec une multitude d'écailles métalliques éparpillées sur le sol.
Elles blessent à coup sûr, mais peuvent aussi tuer.
Le fil électrique de 100 mètres ayant servi aux jeunes gens, à l'abri d'un
pilier, à faire détoner une des bombes traîne au sol. " Chez nous, nous avons de
la chance, dit Ahmad. Personne n'a encore été touché par ces engins qui
explosent sous les pieds, mais plus loin, il y a eu des blessés. "
" Plus loin ", c'est toutes les terres libanaises qui bordent la
frontière, de Khiam à Naqoura, sur la côte. " Les gens qui sont revenus n'osent
pas sortir de chez eux, les travaux agricoles sont arrêtés, alors que tout le
bétail est mort durant la guerre... Nos pertes sont énormes ", dit un moukhtar
(chef de quartier) du village de Meiss Al-Jebel, situé à mi-chemin. " C'est
l'armée libanaise ou la Finul - Force intérimaire des Nations unies au Liban -
renforcée qui doivent s'en occuper, mais ni l'une ni l'autre ne sont encore
venues ", précise Mohammed Hamdane.
Même son de cloche à Blida, un village plus au Sud, où quatre enfants ont
été blessés au cours des trois semaines de trêve. Dans tout le Liban sud, quinze
morts et une cinquantaine de blessés sont à mettre au compte de ces " souvenirs
" laissés par Israël. " L'un des blessés de Blida, un garçon de 10 ans, est
toujours hospitalisé, il a été atteint exactement comme moi ", dit un homme qui
montre, en souffrant encore de toute évidence, son bras à moitié sectionné, son
flanc criblé de cicatrices et une jambe qui ne le soutient plus.
ENGINS NON EXPLOSÉS
Souleiman Ali Marji, 34 ans, un des trois moukhtars de Blida, a été blessé
le 19 juillet, une semaine après le début de la guerre, par une des bombes à
sous-munitions que l'artillerie israélienne a commencé ce jour-là à lâcher sur
Blida - plus ou moins vidée alors de ses civils. " Ces projectiles sont faciles
à reconnaître, ce sont les seuls qui font trois bruits successifs : celui du
départ, celui de l'explosion à quelques mètres du sol et puis le long roulement
des sous-munitions qui explosent à terre ", dit-il. Dix-sept blessés par ces
mêmes tirs furent évacués le même jour par la Croix-Rouge libanaise vers
Beyrouth.
Le moukhtar, intransportable sur cette distance, fut d'abord soigné à
Marjayoun. " A partir du 20 juillet, il n'y a plus eu d'évacuation, Blida était
coupée du monde ; sur la centaine d'hommes qui y restaient, vingt sont morts car
la Croix-Rouge n'était plus autorisée à venir, dit-il. Elle devait demander un
passage au Comité international de la Croix-Rouge - CICR - , qui devait demander
un feu vert d'Israël, lequel n'en a plus donné. Il y a eu des morts dans les
ambulances qui ont bravé l'interdiction et furent visées. "
Il ajoute que les ingénieurs de l'armée libanaise lui ont promis de venir
s'occuper des engins non explosés de Blida " dans deux jours ". " C'est leur
travail, pas celui du Hezbollah, qui n'a plus de responsabilités militaires ici
", dit-il.
Sophie Shihab