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 La guerre au Proche-Orient n'a fait que des perdants

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mihou
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mihou


Nombre de messages : 8092
Localisation : Washington D.C.
Date d'inscription : 28/05/2005

La guerre au Proche-Orient n'a fait que des perdants Empty
22082006
MessageLa guerre au Proche-Orient n'a fait que des perdants

La guerre au Proche-Orient n'a fait que des perdants

Même l'optimiste le plus incorrigible ne prétendra pas aujourd'hui que cette nouvelle guerre au Proche-Orient se soit enfin

achevée. Pire, il serait de toute évidence plus juste de reconnaître que la guerre au Proche-Orient ne fait que changer de

masques, tout en se poursuivant depuis très longtemps et pour encore longtemps. Ni l'Etat hébreu ni les Arabes ne sont prêts

à la paix. En témoignent les dernières déclarations du leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et du premier ministre

israélien, Ehud Olmert. Le premier a notamment déclaré qu'il n'était pas question de désarmer son organisation, alors que le

second a assuré que la chasse aux leaders du Hezbollah allait se poursuivre jusqu'au bout. Il ne s'agit par conséquent

aujourd'hui que d'une accalmie relative sur le front proche-oriental.

Il n'y a pas là non plus, à mon avis, de grand mérite de l'Organisation des Nations unies, bien que tous les membres

permanents du Conseil de sécurité soient naturellement enclins à mettre en relief leurs mérites, surtout à la suite d'une

puissante rafale de critiques à leur endroit. Quoi qu'il en soit, dans n'importe quelle guerre et même sous un pilonnage des

plus sévères, chaque soldat a besoin de dormir, de manger, de panser ses blessures, de se ravitailler en munitions et de

réfléchir ne serait-ce qu'un tout petit peu à ses démarches ultérieures. Tant Israël que le Hezbollah sont bien fatigués, et

leurs plaies saignent. Aussi l'appel de l'ONU a-t-il trouvé un terrain favorable, bien que fragile.

Une paix solide est inconcevable sur ce terrain, mais une sorte de répit (sous des conditions bien déterminées) est par contre

tout à fait possible. Ces conditions ont déjà été désignées par bien des commentateurs et politologues. Il est donc inutile de

les énumérer toutes, mais je tiens à en rappeler les principales. Une trêve n'est possible que si cette force de maintien de la

paix qui doit servir de tampon entre les belligérants est nantie d'un mandat approprié de l'ONU. Si ce contingent de paix

s'avère effectivement être une force capable de séparer les adversaires. Si cette force a le désir et la volonté nécessaires

pour remplir comme il se doit son mandat. Si un désarmement effectif du Hezbollah commence (les chances en sont

pratiquement nulles). Si le Liban acquiert une indépendance durable par rapport à l'Iran et à la Syrie (la perspective en est

pratiquement inexistante). Si Israël fait preuve de patience et de retenue, etc. Cette énumération en découragerait plus d'un.

Ainsi, la trêve même est en question, sans parler encore de paix solide et durable.

Pourtant, puisqu'une pause a surgi sur le front, c'est le moment d'essayer de dresser un bilan, même provisoire, et d'en tirer

certaines conclusions.

Tout d'abord: dans la dernière phase du conflit, tous se sont avérés perdants.

Israël a perdu parce qu'il n'a pas réussi à réaliser son objectif de neutraliser le Hezbollah. Dans une certaine mesure, Israël

a payé la décontraction résultant de toutes les victoires précédentes aussi éclatantes qu'absolues de son armée. Cette

fois-ci, ni les diplomates israéliens, ni l'armée israélienne, ni les services secrets israéliens n'ont été brillants. Israël n'était

pas prêt à une version contemporaine de la vielle guérilla. Il est parti au combat avec des notions d'autrefois sur la guerre,

sans avoir dans son arsenal les armements adéquats et comprenant mal ce qu'il aurait comme adversaire pour cette fois-là.

Tout indique que le renseignement israélien n'avait pas d'idée précise de l'arsenal du Hezbollah, de la tactique probable de

l'ennemi ni de ses bases d'entraînement. D'où le résultat actuel.

La conclusion s'impose d'elle-même. Si Israël veut survivre, il doit profiter de ce répit pour combler toutes ces insuffisances.

Si les derniers événements ne sont pas étudiés et analysés de façon critique, s'ils ne deviennent pas pour Israël une sorte de

douche froide et "dégrisante", cela finira mal pour lui. Une paix solide est naturellement préférable à la guerre. Aussi les

diplomates doivent-ils redoubler d'efforts. Cependant, la paix n'est malheureusement pas pour demain. Il est beaucoup plus

probable, en revanche, que d'ici quelque temps des roquettes encore plus modernes tomberont sur Israël, d'une toute autre

puissance, d'une autre précision et d'une autre portée.

Je ne serai pas surpris si, fort de son expérience amère, Israël s'intéressait enfin au marché russe des armements. C'est

justement là qu'il pourrait trouver les systèmes les plus efficaces de défense antiaérienne. Et il en a aujourd'hui besoin

autant qu'on a besoin d'air pour respirer. Je peux donner un tuyau tout à fait concret. Par exemple, l'Igla-S russe est

capable d'abattre les roquettes du Grad (grêle, en russe - ndlr), ce lance-roquettes multiple qui a justement infligé les

principaux dégâts à Israël, alors que les Stinger américains, dont l'armée israélienne est toujours équipée, en sont

incapables. Les systèmes de DCA russes Tor-M1 sont tout aussi capables d'abattre des roquettes de ce type, sans parler des

missiles tactiques et balistiques. Le canon antiaérien américain "Patriot-3", dont l'armée israélienne est à présent dotée, ne

sait pas le faire. Rappelons que d'ores et déjà les roquettes du Hezbollah sont tirées à 70 kilomètres, et que demain leur

portée sera encore plus longue. Je ne doute pas qu'un intérêt d'Israël pour le marché russe des armements ne serait pas du

tout apprécié par le complexe militaro-industriel des Etats-Unis, même s'il est déjà question ici de l'efficacité de la

diplomatie israélienne. Mais si Israël tient effectivement à protéger ses citoyens contre ce genre de "grêle", il sait où de tels

parapluies sont vendus.

Evidemment, le gouvernement libanais a perdu lui aussi cette guerre, en manifestant devant le monde entier sa complète

impuissance. En effet, si Beyrouth avait voulu la guerre, pourquoi alors l'armée libanaise n'a-t-elle pas tiré une seule fois, et

si Beyrouth aspirait vraiment à la paix, pourquoi donc n'a-t-il rien fait pour s'opposer au Hezbollah? Il n'a rien fait quand

les milices du Hezbollah s'armaient, se préparant à la guerre, ni quand ces mêmes milices provoquaient la mort de civils

innocents, tirant des roquettes contre les Israéliens, tout en se cachant derrière le dos de femmes et d'enfants libanais.

La réponse est évidente: les autorités libanaises ne pouvaient rien faire. Je veux parler de la complète impuissance et

l'absence de volonté des autorités libanaises. Et cette impuissance réduit à zéro tous les espoirs de longue trêve. Le

gouvernement libanais, dont le Hezbollah fait aussi partie, est tout simplement incapable de tenir tête à Hassan Nasrallah et

à plus forte raison de le désarmer.

Beaucoup estiment que le Hezbollah est sorti vainqueur des derniers affrontements. Je ne le pense pas, bien qu'il y ait à ce

jour une multitude d'arguments en faveur d'une telle affirmation. Parmi ces arguments, celui qui a le plus de poids est la

jubilation de la rue arabe qui va de pair avec un accroissement de la cote de popularité du leader du Hezbollah. Somme

toute, Hassan Nasrallah est devenu aujourd'hui une sorte de copie d'Ernesto Che Guevara. Portraits, tee-shirts et porte-clés

à son effigie se vendent aujourd'hui comme des petits pains. Qui plus est, sous une forme ou une autre, l'image "sereine" de

Nasrallah est demandée tant en Occident qu'en Russie. On a bien l'impression que les attentats terroristes aux Etats-Unis, à

Madrid, à Londres, dans la ville russe de Beslan et ailleurs n'ont rien appris à tous ces gens qui portent l'image de Nasrallah

à leurs oreilles, à leur nez, à leur poitrine et à leur ventre. D'aucuns diront que c'est de l'infantilisme politique, j'y

rétorquerai que l'infantilisme aussi peut s'avérer mortel. Tout malheur émanant de l'homme est en règle générale précédé

d'un mot et d'un symbole. Ainsi un innocent porte-clés à l'effigie de Nasrallah n'est pas aussi innocent que cela.

Un admirateur exalté de Hassan Nasrallah a affirmé, enthousiaste, dans une interview à la chaîne Euronews: "Les pertes ne

comptent pas. Le principal est que nous avons gagné. Vive Nasrallah!". Si c'est la voix du peuple libanais, alors des malheurs

encore plus graves lui sont réservés à l'avenir. J'espère cependant que quand les passions vont enfin s'apaiser, on entendra

la voix de la raison. Et dès que cela se produira, la victoire illusoire du Hezbollah se muera en échec total. Les milices du

Hezbollah ont manifesté une excellente organisation et une capacité à mener une guérilla moderne, tout en montrant

cependant une totale indifférence envers le peuple libanais. Quand viendra le
temps de reconstruire ce qui a été détruit, de calculer les dégâts infligés par cette guerre, tout homme normal va peser,

d'une part, les soldats israéliens faits prisonniers et, de l'autre, tout ce qu'il verra autour. Et le résultat ne sera pas en

faveur du Hezbollah.

Le Hezbollah ne peut se maintenir sur la carte politique du Liban que dans le contexte d'un vide complet, sous l'actuel

gouvernement parfaitement nul, et dans le contexte de la faiblesse manifeste des autres structures politiques du pays. La

première force politique réelle et réaliste, ou même un leader qui se risquera à miser sur une souveraineté effective du Liban

détournera du Hezbollah la plupart de ses sympathisants d'aujourd'hui. Même l'argent iranien n'y fera rien. Ainsi, si l'on

jette un coup d'oeil à demain, on constatera que le Hezbollah a perdu lui aussi. C'est justement aujourd'hui, en pleine

jubilation de Nasrallah sur les tombeaux de ses compatriotes, que le grain de la future défaite du leader du Hezbollah

commence à germer, bien qu'on ne s'en aperçoive pas encore. Il se peut que cela ne se produise pas demain, mais

après-demain, car tout dépend du bon sens et du réalisme des Libanais eux-mêmes, mais Nasrallah a d'ores et déjà perdu. Et,

à la différence des autres, aucune conclusion ne pourra l'aider.

L'Organisation des Nations Unies est perdante une nouvelle fois, elle aussi. Son Conseil de sécurité a de nouveau accouché

d'une résolution qui ne renferme que des questions. Elle ne dit pas qui, comment et quand remettra de l'ordre dans la région.

Tant que l'ONU restera une organisation qui ne fait qu'exhorter, elle demeurera aussi peu efficace qu'aujourd'hui. Il existe

une notion d'imposition de la paix. Tant que l'ONU ne le comprendra pas, tant que seuls les "casques bleus" interviendront en

garants de la paix et que les membres permanents du Conseil de sécurité ne comprendront pas enfin qu'il est parfois utile de

"taper du pied", la paix au Proche-Orient et ailleurs ne restera qu'un espoir très fragile. De toute évidence, l'ONU confond

ses fonctions avec celles du Comité international de la Croix-Rouge. Mais l'humanité n'a pas besoin d'une deuxième

Croix-Rouge. En revanche, elle a grand besoin d'une ONU efficace.

Les Etats-Unis ont aussi perdu cette guerre. Le leader de la civilisation occidentale a plus que jamais aujourd'hui perdu son

prestige. La conclusion est depuis longtemps évidente, mais la Maison-Blanche persiste à l'ignorer depuis tout aussi longtemps.

Si les Etats-Unis ne veulent pas eux-mêmes se transformer en pays-paria, ils devraient réprimer leurs humeurs et commencer

enfin à prêter l'oreille à l'opinion des autres membres de la communauté internationale.

L'Europe a perdu elle aussi. Pour cette fois encore, l'unité européenne a été soumise à des surcharges excessives et n'a pas

résisté à l'épreuve, en se divisant finalement: une partie de l'Europe a suivi la France, l'autre - les Etats-Unis. Et là aussi la

conclusion s'impose d'elle-même. L'élargissement par trop rapide et plutôt irréfléchi de l'Union européenne se déroule au

détriment de l'unité européenne. On ne peut exhausser sans réfléchir une maison d'un étage, puis d'autres, tant que cette

maison n'a pas de solides fondations. Et ces fondations font pour l'instant défaut.

Naturellement, cette liste des perdants est loin d'être complète. Une chose est sûre, il n'y a pas de gagnants. Pas même un

seul.
http://www.geostrategie.com/cogit_content/analyses/LaguerreauProche-Orientnaf.shtml
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