12 août 2006
Les festivités officielles ont beau avoir été reportées au 2 décembre, le quatre-vingtième anniversaire de Fidel Castro, dimanche 13 août, ne pouvait se passer d'une Cantate pour la patrie, chantée par 80 artistes sur la " tribune anti-impérialiste", face à la représentation américaine à La Havane, ni de la mobilisation, sans nul doute spontanée, de quelque 100 000 coupeurs de canne à sucre. Avec un peu de chance, Raul Castro, l'homme qui gouverne Cuba " à titre provisoire" depuis le 31 juillet sans s'être montré une seule fois, allait peut-être gratifier les camarades méritants d'une apparition en chair et en os. Avec beaucoup de chance, la télévision cubaine allait peut-être diffuser un message manuscrit, un signe de convalescence heureuse de Fidel, l'homme qui gouverne Cuba depuis près d'un demi-siècle.
Qui sait ? Le silence officiel qui règne à La Havane depuis l'annonce de l'opération de Fidel Castro, il y a deux semaines, permet toutes les interprétations et montre dans quel mépris ce régime tient ses propres citoyens. Les occasions ne sont pas si fréquentes d'entendre George W. Bush avouer qu'il ne sait rien ; on pourrait en sourire si les gens les plus concernés par le sort du Lider Maximo n'étaient, eux aussi, tenus dans la plus parfaite ignorance.
Hormis un communiqué laconique affirmant que le chef de la révolution se remet bien de son opération, dont on ne connaît pas même la date exacte, seuls trois responsables cubains ont évoqué la santé de Fidel Castro en deux semaines, toujours avec optimisme, mais de la manière la plus vague. Son retour aux affaires a été promis dans quelques semaines par l'un, dans des mois par l'autre. Bavard impénitent, c'est finalement le président vénézuélien Hugo Chavez qui en a dit le plus sur le degré de gravité de sa maladie en saluant vendredi 11 août " la grande bataille pour la vie" que menait son ami cubain depuis son lit d'hôpital.
L'affaire a été décrétée " secret d'Etat" et l'île pratiquement bouclée. Le carnaval de La Havane a été annulé. Les journalistes étrangers attendent en vain des visas ; ceux qui tentent leur chance en touristes sont aussitôt expulsés. Le quotidien du Parti communiste cubain, Granma, a opportunément rappelé aux habitants, mercredi, l'interdiction formelle de pirater les signaux des télévisions satellites, dont les émissions sont " déstabilisatrices, subversives, interventionnistes, et appellent à la réalisation d'actes terroristes". Des mesures d'intimidation rappellent aux rares opposants connus à Cuba que toute velléité de mettre à profit la situation serait malvenue.
La transition a-t-elle commencé à Cuba ? C'est possible. Pour l'heure, c'est surtout le silence qui prévaut, et c'est celui de la peur : la peur d'une population trop longtemps bridée, et la peur d'un régime qui, très tôt, a perdu le courage de dire la vérité.