Liban : Israël vs Hezbollah, par Rana El-Khatib - Peacepalestine.
17 juillet 2006
Le présent témoignage a été écrit il y a quelque jours par Rana El-Khatib, dans Beyrouth bombardé.
La nuit dernière elle a compté 30 bombes qui firent trembler les murs de sa maison. Les mots ne suffisent pas à décrire
l’horreur vécue présentement par des populations civiles innocentes qui ne sont pas des victimes “collatérales” mais les
victimes principales des bombardements de l’armée israélienne. Jusqu’où ira la barbarie ? Israël vs Hezbollah : le côté
ironique de ce titre ne saurait échapper - 16 juillet 2006. G.J.
Peacepalestine, 15 juillet 2006
Israël est déterminé à alimenter les braises de la tension qui règne dans la région. Les Israéliens ont pris pour cibles trois
pistes d’atterrissage de l’Aéroport International du Liban - par deux fois, la seconde pour rebombarder une des pistes que
les Libanais avaient remis en état. Ils ont bombardé plusieurs ponts et plusieurs quartiers d’habitation chiites, les qualifiant
de “bastions du Hezbollah”. Ils ont bombardé plusieurs points principaux d’entrée et de sortie du Liban, y inclus la principale
artère menant en Syrie. Leurs avions et leurs navires de guerre ont ravagé certains quartiers d’habitation. Les grondements et
les nuages de fumée qui s’en suivent, qui rappellent les jours sombres de la guerre, portent avec eux la promesse d’une
escalade. Ce sont plus de 50 civils qui ont été tués, sans compter les nombreux blessés, et semble t-il, le pire est à venir.
Il était difficile de prévoir exactement il y a encore quelques jours ce qu’il adviendrait sur ou autour de la “Ligne Bleue” [1].
Ceux qui veulent croire Israël veulent ceci, et ceux qui veulent croire le Hezbollah, veulent cela. Mais le résultat reste le
même - des deux pays, c’est le Liban qui risque fort de souffrir des plus graves conséquences - à la fois par la perte
d’innocentes vies humaines et en subissant une charge financière qui ne cessera de croître tant que cette situation durera.
Israël a supporté une situation et l’a rendue bien pire qu’elle ne devrait être. Pour deux soldats, Israël est en train de
frapper le coeur du Liban, le ramenant aux pires moments de sa guerre civile barbare.
Nous savons bien qu’Israël n’a pas besoin d’envoyer le moindre soldat sur le sol libanais pour faire du Liban un enfer sur la
terre. Il a suffisamment de puissance de feu, par air et par mer, pour étouffer et en partie ensevelir le Liban sous son poids.
Nos centrales électriques et notre aéroport ne sont qu’un début. Israël peut les détruire et le fera - comme il l’a fait dans le
passé et comme il a fait pour deux de nos principales pistes d’atterrissage de notre nouvel aéroport construit dans une
pathétique tentative de ressusciter notre industrie touristique. Cette fois, ce sont les conteneurs de carburant qui ont été
détruits. Même si nous avons de l’électricité, il est possible que nous n’ayons plus de carburant pour longtemps.
La situation d’ensemble soulève la question suivante : l’action militaire du Hezbollah, la garde de deux soldats israéliens dans
l’espoir d’un échange avec six combattants libanais, avec en plus les près de 10.000 Palestiniens injustement détenus en
Israël, vaut-elle la peine si nous sommes sur le point de perdre les vies, au bout du compte, de plusieurs centaines de civils
innocents ?
Il y a longtemps que le Hezbollah a cessé d’avoir peur de la puissance et de la brutalité, à l’échelle régionale, d’Israël. C’est
nous les simples mortels - ceux d’entre nous qui préféreraient laisser tomber Israël et espérer qu’il en fera de même - qui
sommes ébranlés à la pensée d’Israël canonnant impitoyablement notre espace et larguant des bombes là où nous sommes
recroquevillés. C’est nous dont les gorges sont sèches et qui cherchons notre respiration au moindre rugissement au-dessus de
nous. C’est nous simples mortels qui implorons pour la paix - même si ce que nous avons, en temps de “paix” n’est pas la paix
idéale. Peut-être bien que nous nous contenterions de juste l’absence de guerre, parce que même dans une soi-disante “paix”,
nous vivons dans un état d’intranquillité.
Israël est au-dessus de la loi, et à ce jour n’a jamais été tenu responsable de sa longue liste d’atrocités. Israël est aussi le
maître des dérapages contrôlés. Il peut envahir, bombarder un pays, le ramenant à l’âge de pierre, tuer des milliers de
personnes et encore paraître être la victime. Nous, dans le monde arabe, avons encore à maîtriser l’art d’être suffisamment
unis pour raconter notre histoire, avant même de pouvoir dire qu’elle tourne en notre faveur. Nous sommes comme l’éléphant
dans la porcelaine chinoise.
Nous voyons ce qu’Israël est en train de faire à Gaza. Après la capture par des combattants palestiniens d’un soldat
israélien, le caporal Gilad Shalit, Israël est allé de sa diatribe. Avec un complet mépris pour le Droit International, plusieurs
avions israéliens ont profané l’espace aérien syrien, pas seulement au-dessus de la frontière, mais au-dessus de la tête du
président Bachar El Assad. Il a ensuite procédé à l’arrestation de 60 dirigeants du Hamas dont beaucoup sont des ministres
de l’Autorité Palestinienne et des membres élus du Parlement palestinien. Il a par ailleurs détruit la seule centrale
hydraulique, qui alimente en eau et en électricité la moitié des 1,4 millions d’habitants de Gaza. Il a ravagé des quartiers
entiers de Gaza, bombardé des ponts essentiels, endommagé les canalisations et les réservoirs d’eau et forcé un millier de
personnes à fuir leur domicile. Et dépassant les bornes, il a multiplié les vols aériens de ses F16 made in USA qui percent les
tympans, sèment la panique, provoquent des booms supersoniques, empêchant les gens de dormir
En somme, les Palestiniens détiennent un soldat israélien pendant qu’Israël détient dans ses prisons presque 10.000
Palestiniens dont beaucoup sont des civils détenus illégalement, beaucoup torturés, Israël ayant carte blanche pour faire ce
qu’il a fait et continue de faire aux Palestiniens. Cette parodie de justice n’est comprise ni par les Palestiniens, ni par le
Hezbollah.
Maintenant, c’est le tour du Liban. Alors que le tourisme repartait, après l’arrêt provoqué par l’assassinat de l’ex Premier
Ministre libanais Rafik Hariri en 2005, Israël met fin à nos espoirs - une fois de plus.
Au Liban, soit nous continuons à agir comme une épine dans la botte oppressive d’Israël, et souffrirons toujours autant des
conséquences de ces actions, soit nous essayons de nous centrer sur notre Liban ressuscitant et sur notre place sur la scène
internationale. Cette dernière option semble pouvoir épargner plus de vies innocentes mais alors nous existons dans un
inquiétant état de calme. La précédente met fin à l’impasse, mais à quel prix ? Nous ne sommes pas de taille face à Israël, la
Vache Sacrée du monde. Elle est au-dessus des lois ; ses actions échappent au radar de la moralité. Et quand le radar de la
moralité la détecte, il y a toujours le grand frère d’Israël, les Etats-Unis, pour venir lui apporter une immorale défense
devant les Nations Unies.
La question du Liban doit être résolue avant qu’elle ne nous emporte tous, y compris les observateurs en costume-cravate qui
“pontifient” sur le “droit d’Israël d’assurer sa propre défense”, alors qu’ils alimentent l’arrogance et la puissance d’Israël,
fournissant la clé qui perpétue la violence et l’injustice dans la région.
Dans l’intérim, il semble que le Liban et la Palestine sont destinés à exister perpétuellement dans les limbes du purgatoire et
de l’oubli tandis qu’Israël continue à se faire les muscles et à les tester sur notre sol.
Rana El-Khatib, auteur palestinienne-libanaise, vit à Beyrouth.
Contact : brandedpoetry@yahoo.fr...
- Source : Peacepalestine http://peacepalestine.blogspot.com
- Traduction :Gérard Jugant
Diffusion autorisée et même encouragée.
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