Chère et abondante : le paradoxe de la pistache
En Iran, des gangs armés dévalisent les dépôts de pistaches. Une centaine de personnes ont été arrêtées et deux personnes
tuées dans la lutte contre cette nouvelle forme de délinquance qui a prospéré sur la flambée des cours. La tonne déchargée
dans le port de Hambourg atteint aujourd'hui jusqu’à 6 000 dollars. Il n’y a plus beaucoup de pistaches iraniennes à vendre
en ce moment en Europe. Lorsque le fruit était meilleur marché il est parti en Chine ou au Mexique, d’où une offre tendue qui
va durer jusqu’à l’automne, quand démarre la prochaine campagne. Et puis les exportations iraniennes vers l'Europe souffrent
toujours de la réglementation bruxelloise en matière d’aflatoxine. Depuis 1997, la présence de ce champignon toxique est
tolérée à un très faible niveau pour les produits importés.
L’année dernière 70 à 80 % des pistaches iraniennes étaient encore refusées à leur arrivée en raison d’une trop forte
présence du champignon. Cette rigueur bruxelloise alimente la hausse des cours, surtout quand la récolte est moyenne, ce qui
a été le cas en 2005. Déjà sérieusement agacés par les inspections nucléaires menées par l’Agence internationale à l’énergie
atomique, les Iraniens sont aujourd’hui carrément outrés par le dernier rapport de l’Union européenne sur les procédures de
contrôle sanitaire de la pistache. Rapport qui vient d’être publié suite à une visite effectuée en novembre dernier. Les
experts sont catégoriques : des efforts ont été faits pour éliminer les noix porteuses d’aflatoxine mais c’est encore
insuffisant.
La pistache va t’elle manquer pour les apéros des vacances ? Pas du tout explique un négociant, car l’autre origine appréciée
en Europe, la pistache américaine est amplement disponible. Le concurrent américain, volontiers qualifié de Grand Satan à
Téhéran, dans le registre diplomatique, ne profite pas vraiment de la situation pour tailler des croupières à son ennemi juré.
Bien au contraire, à court terme, il soutient les prix car cette année la pistache américaine est très chère. Cela ne doit pas
grand chose à la faiblesse de la récolte californienne mais beaucoup à l’attitude de la Paramount, la principale société qui
commercialise la noix. Pour rafler la plus grande part de la récolte, elle a offert aux fermiers un prix artificiellement élevé
qui s’est répercuté pour la production vendue à l’étranger. Le marché a très vite réagi, sur le continent européen, les ventes
ont chuté d’un tiers, d’où l’énorme stock encore sur les bras des exportateurs américains. Si cette campagne promet d’être
juteuse pour tous les producteurs, la chute risque d’être brutale en 2007 avec la désaffection des consommateurs.
par Dominique Baillard
[21/07/2006]
http://www.rfi.fr/actufr/articles/079/article_45183.asp