Du bon usage de l’huile de palme
Jeudi dernier, le cours de l’huile de palme a bondi sur le marché à terme de Kuala Lumpur sous l’effet de l’annonce faite
conjointement par les gouvernements de la Malaisie et de l’Indonésie. Les deux plus gros producteurs de palme sont tombés
d’accord pour limiter la part dévolue à la filière des biocarburants à 12 millions de tonnes par an, ce qui représente environ
40 % de leur production.
Dans la foulée, la tonne d’huile a renoué avec le cours le plus haut d'il y a deux ans. La vague s’est propagée en Europe où la
tonne a grimpé jusqu’à 480 dollars pour une livraison immédiate, un cours là aussi qu’on n’avait pas vu depuis plus de deux
ans. L’annonce gouvernementale, présentée comme « un coup de tonnerre dans un ciel clair » par un analyste basé en Asie, est
plutôt ressentie cette semaine comme un coup d’épée dans l’eau par les traders européens, ou plus prosaïquement un coup de
publicité. Car le marché de l’huile de palme est un marché libre où les Etats n’interviennent pas, font-ils remarquer.
En regardant de plus près, cette annonce pèche surtout par son inadéquation à la réalité de la demande énergétique. Pour le
moment les capacités des deux pays en carburant vert sont très limitées : si les projets en cours sont menés à terme, les deux
pays auraient besoin d'environ 3 millions de tonnes d’huile de palme pour alimenter leurs usines à partir de 2007. On est loin
du plafond de 12 millions de tonnes fixé pour éviter une surchauffe néfaste au débouché alimentaire de l’huile de palme,
surtout consommée dans les pays du Sud en développement ou émergents.
Si la démarche de la Malaisie et de l’Indonésie a peu impressionné le négoce, elle a le mérite de relancer le débat sur l’usage
des huiles alimentaires dans le moteur de nos voitures. Une trop forte demande, et donc une hausse des prix, bouleverserait
l’économie de l'huile de palme : trop chère, elle décourage les achats des gros consommateurs pour sa vocation alimentaire,
mais elle met aussi en péril les projets industriels en biocarburant viables avec une tonne d’huile à 1 600 ringgits (la monnaie
de Malaisie) au maximum, soit le niveau atteint jeudi dernier.
Dans sa dernière publication, l’institut indépendant Oilworld estime que le plafond fixé pour le moment à titre indicatif par
les deux pays était bien trop haut pour préserver un juste prix. Thomas Mielke, de Oilworld, rappelle qu’on est tous sur le
même bateau et qu’il serait bon que l’Union européenne à son tour reconsidère sa politique en la matière à l’aune de la
demande globale d’huile et non de la simple offre européenne qui de toute façon ne suffira bientôt plus à satisfaire les
besoins.
par Dominique Baillard
http://www.rfi.fr/actufr/articles/079/article_45234.asp
[25/07/2006]