Le Courrier d’Abidjan — Parution N° 756 du Mercredi 5 Juillet 2006 — http://news.abidjan.net/presse/courrierabidjan.htm — Rubrique «Le blog de Théo»
Par Théophile Kouamouo :
«Les historiens de la presse s’amuseront bien quand ils étudieront les journaux français de la période folle que nous vivons, autour du thème de la crise ivoirienne. Avec un peu de chance, ils développeront un concept : le «révisionnisme évolutif». Au départ, on engage une action moralement scandaleuse – ici, il s’agit de l’organisation d’un coup d’Etat puis d’une rébellion armée en Côte d’Ivoire. Puis, on tente de travestir les faits de la manière la plus grossière possible. Mais on se rend vite compte qu’on n’a pas le monopole de l’information, qu’il y a des journaux sur les lieux des crimes qui répercutent les vérités qui nous dérangent, et qu’on a laissé des traces sur le lieu de notre forfait. On réécrit donc l’Histoire falsifiée qu’on était en train de tenter d’imposer. Non pas en restituant ses droits à la vérité, mais en concédant ce qu’il est désormais impossible de ne pas admettre. Sauf que la vérité, dans la crise ivoirienne, vient à compte-gouttes, progressivement, comme un puzzle dont le visage final sera la face la plus hideuse de la Chiraquie. Sauf que les nouvelles versions, quand elles s’empilent les unes sur les autres avec frénésie, finissent pas discréditer à jamais celui qui les diffuse.
On l’a vu avec l’affaire du massacre de l’Hôtel Ivoire, où Paris a dit tout et son contraire avant de se taire piteusement. Désormais, c’est le prétendu «bombardement» de la base française de Bouaké par les FDS dont l’Histoire est réécrite tous les jours, au fur et à mesure de l’instruction des plaintes des parents des victimes. Les journalistes qui se font un honorable devoir de toujours se porter au secours de leur armée et de leur gouvernement sur le théâtre des guerres coloniales, rappliquent pour expliquer au bon peuple l’histoire invraisemblable de Jacques Chirac, le président qui s’était précipité pour accuser son homologue ivoirien d’être à la base du bombardement de Bouaké, et qui paradoxalement aurait pris le risque d’une affaire d’Etat pour faire disparaître les preuves du forfait de son ennemi ivoirien. Parmi ces journalistes, Thomas Hofnung de Libération qui a pondu un article rempli de contre-vérités «exclusives» pour faire semblant de dénoncer une prétendue complicité du gouvernement français avec Gbagbo au nom de la raison d’Etat, et mieux camoufler les mensonges et la mystification qui ont justifié l’entrée en guerre avec une ancienne colonie où de nombreux entrepreneurs français avaient des intérêts. Il est dommage que de nombreux journaux ivoiriens aient donné de l’ampleur à une mauvaise opération de propagande.»