De la Francafrique criminelle à l’Immigration clandestine
17/01/2006
La poussive antienne de l’immigration ne cesse de revenir en boucle électoraliste au secours des politiques français et françafricains, avec le même succès sur un électorat pour partie mené à la xénophobie par tradition historique, et un autre, tourné en bourrique par les impressions de réalité manipulées par les médias et les politiques.
Il ne s’en vient pas qui fasse le lien évident entre, non pas seulement la situation économique alarmante des pays africains, mais leur paupérisation dans des politiques volontaristes de prédation, et la ruée d’une jeunesse sans avenir vers les points d’arrivée des richesses qui leur sont pillées.
La Francafrique, que feu le président de l’association Survie François Xavier Vershave nommait Le plus long scandale de la république n’est pas moins qu’une gigantesque fabrique de l’immigration clandestine. Son objectif a consisté au maintien informel des privilèges coloniaux malgré les indépendances formelles, en organisant une architecture humaine et méta institutionnelle [invisible, au dessus des administrations légales] prenant en otage la classe dirigeante africaine, avant ou après son accession au pouvoir.
Préserver un système de privilèges, de passe-droits, des tentacules coloniales en vampirisant les ressources les plus lucratives des pays, élites importées, matières premières, pétrole en tête, aide au développement détournée au profit des entreprises et des campagnes des hommes politiques français du réseau, s’est avéré une activité nécessairement occulte et criminelle. Et depuis De Gaulle tous les présidents français s’y sont conformés en en tirant parti au maximum possible.
Les remplacements et impositions autoritaires des chefs d’Etats amis -récemment le Togo faisait l’amère expérience entamée depuis 1967 d’une présidence francafricaine de père en fils-, les prédations de ressources énergétiques, la mise au pas des intellectuels, élites, présidents patriotes antifrancafricains comme Sankara, Olympio, Um Nyobe, etc.. impliquent une infrastructure criminelle et pérenne extrêmement aguerrie, professionnalisée. Déstabiliser un Etat comme le Nigeria, sans que l’opinion française n’en soit tenue au minimum informée, en plein Mai 68, sommet des revendications libertaires, requiert une mobilisation militaire des médias et politiques pour étouffer l’information. Indice de la puissance et du rayon d’action du réseau francafricain, doté de la même efficacité au sein des démocraties comme au cœur des dangereux entrelacs des démocratures. Une faculté d’embrigadement politique incompatible avec la démocratie.
Toujours est-il que la guerre du Congo et ses milliers de morts, celle du Biafra, le génocide rwandais, la main basse faite sur les privatisations, le financement et le recrutement des mercenaires pour des opérations externalisées [RDC, Bénin, Comores, ...] sont des opérations criminelles. Criminelles au sens de crime humain allant jusqu’à la complicité de génocide, de crimes économiques paupérisant des populations entières jetées dans la corruption, la prostitution, le Sida en prime.
Toutes ces guerres ivoiriennes, tchadiennes, sur fond de francafrique-gate, avec les opérateurs classiques, les Bolloré, Bouygues, Licorne, Epervier, services secrets [DGSE, DST, ...], les loges maçonniques aux aguets, constituent de véritables expulsions de la jeunesse africaine de ses frontières. Fuyant les balles du clan Eyadema, les bombardements de civils ivoiriens, la peine capitale par exténuation, par raréfaction des opportunités économiques monopolisées par les classes rentières, ces jeunes et moins jeunes, ces femmes avec leurs nouveaux nés sont vomis hors de l’Afrique et atterrissent aux portes de l’Europe. L’Europe, le lieu de convergence des richesses africaines, bois, cacao, café, coton, diamant, or, uranium, pétrole, cuivre, sucre, etc.
Ce processus est bien connu, et l’exemple congolais ne pourrait être ignoré par les services de sécurité, d’immigration, tant la corrélation entre le déclenchement de la guerre du pétrole congolais, manigancée par le grossiste en corruption et en captation Elf de sinistre réputation, est patente. La profusion de mariages mixtes douteux en France est également liée à ces attentats sur les conditions de vie des Africains, ils ressortissent au terrorisme économique aggravé que les pays africains subissent dans leur chair depuis 1994, année de la dévaluation du franc CFA qui a achevé d’exploser les sécurités matérielles des populations des ex-colonies françaises.
Ainsi les admonestations du ministre français de l’intérieur, monsieur Nicolas Paul Stéphane Sarkozy de Nagy-Bosca, d’origine aristocratique hongroise, qui avait annoncé 23 000 expulsions en 2005 et se fixe comme objectif chiffré 26 000 en 2006*, demeurent dramatiquement hors sujet. Non seulement la machine à chasser l’étranger, africain de préférence, ne peut atteindre ces objectifs fantaisistes en l’état, aux dires des préfets qui constatent des centres de rétention bondés, un manque d’effectifs, mais elle serait fatalement stérile.
Ce ne sont pas des dispositions sur le regroupement familial, les mariages blancs, la délivrance des visas ou le toc du co-développement qui, structurellement, maîtriseront les flux d’immigration clandestine. Les Africains n’assiègent pas l’Europe, la France parce qu’ils le souhaitent d’abord, mais parce que les crimes de la Francafrique les y contraignent. Il n’y aura pas de politique de l’immigration autre que xénophobie instrumentalisée et piètre communication politique, qui ne s’attaque en premier aux massacres aveugles de la Francafrique, à l’asymétrie voulue des rapports entre la France comme Etat et l’Afrique comme somme de possessions néocoloniales.
La fin de la Francafrique est donc une urgence, une condition sine qua non à l'arrêt des dérives de l’immigration dans les deux sens, car le nombre de Français en Afrique qui ne résisteraient pas à une politique de quotas qualitatifs est considérable. Ce démantèlement est le préalable pour des relations libres, mutuellement édifiantes entre la France et chaque pays africain qui y trouvera intérêt, il exige probablement une nouvelle classe politique française ou des conditions politiques ou géopolitiques extraordinaires et imprévues (la pression des pays émergents, une révolte en Afrique, ...).
* Lire l’hebdomadaire Le Canard enchaîné du 07.12.05, P.3, «Pourquoi les expulsions d’immigrés ne suivent pas les moulinets de Sarko».
Lire La françafrique. Le plus long scandale de la république, François Xavier Vershave, Stock, 1998, Paris
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Afrikara