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13/06/2006

A tort on avait cru s’être défait de la nécessité d’une lutte radicale contre le phénomène colonial en lui. La question qui semblait obsolète resurgit de par le monde, en Irak, en Palestine, au Zimbabwe, dans les débats européens en France notamment, alors que la majorité de l’humanité vit plus ou moins directement des situations de néocolonialisme, d’ingérence ou des effets de paupérisation, de domination inique liées aux anciennes métropoles.



C’est ce contexte qui fait reconnaître aujourd’hui, la pensée d’un immense homme, poète exigeant, écrivain précieux et penseur visionnaire, homme politique, entré dans l’histoire la première fois dans les années 30 en créant avec d'autres le puissant courant littéraire de la négritude : Aimé Césaire.



Né en 1913, le Martiniquais qui n’a cessé d’affirmer sa négritude, simple et radicale affirmation d’être soi, d’être de cette diaspora africaine échouée dans les Caraïbes, a porté haut la voix de ces peuples des mondes extra-européens que les croyances de suprématie raciale avaient passé par les roues des chariots de l’esclavage. Des esclavages.



Césaire se trouvait depuis les années 30 et singulièrement au début des années 50, engagé dans un combat littéraire, une joute esthétique, d’idées, de mots, d’imaginaires, épreuve politique aussi, pour la liberté du genre humain. Humain approché, senti, humé, décortiqué à travers l’expérience indicible de douleurs et de négation des Antilles, de l’Afrique, prisme étendu par empathie aux voisins et même lointains d’infortune.



La pensée césairienne, étonnamment moderne, par son plaidoyer, son inconsolabilité devant l’anéantissement des peuples du monde sous le feu ouvert de la «découverte du Nouveau Monde», se situait aux avant-postes de la reconnaissance de la diversité culturelle, humaine, civilisationnelle. Au même rang le Chaman et le prélat, au même rang l’art Yoruba et le contemporain, le tout exprimé dans une langue, une écologie des lieux puisés au cœur de son pays natal.



Liberté et encore liberté, de tous, Césaire n’a eu de cesse de marteler la dimension universelle des combats des nègres, des combats de libération tout court. Et si Toussaint Louverture et la révolution haïtienne lui donnent à voir l’inauguration d’une ère possible d’une conception des doits de l’homme enfin débarrassée des conditionnalités de races, il n’en demeure pas moins lucide sur la marche effective, peu affective du Monde.



Sur la question de l’identité, si présente dans les angoisses suscitées par une mondialisation indécise et génératrice d’anomies et de désagrégations, Césaire a vite compris et ses continuateurs également la pertinence des identités rhizomes, partagées entre attachement originel à la terre d’Afrique, lieu de déportation des Nègres, et à celle d’arrivée fabriquée au fil du temps, des batailles, des amours, en sociétés en soi. Figuration des sociétés actuelles, marquées par la diasporisation des cultures qui se meuvent en quête d’espoir de bonheur, transportant un viatique identitaire minimal toujours réaménagé, confronté à l’inédit, abhorrant et craignant l’oubli des racines, [re]prenant source nouvelle ailleurs…



Le vieux poète, patriarche de la négritude, aura toute sa vie, qu’on lui souhaite la plus longue et heureuse, indiqué le chemin, cette facette masquée de la liberté telle que la modernité et l’apport de l’expérience historique des peuples dominés contribuent à illustrer.



Cette triple vision du genre humain, celle d’une liberté à conquérir, par les dominants «ensauvagés» et par les dominés qui ne savent pas faire foule, celle d’une défense tranchante et belle de la diversité culturelle, humaine, et celle de nos vies marquées dans leurs identités par les lieux de nos passages, fait de Césaire, Aimé Césaire un homme de paix.



Paix sans faiblesse ni capitulation, paix dans la liberté de tous, liberté politique, liberté d’être soi, liberté culturelle, civilisationnelle, liberté ! Cela vaut bien un Nobel, et probablement bien davantage. Oui Nous Aimons Césaire !





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Nom, Prénom, profession : Aimé Césaire Prix Nobel de la Paix 2006

Z.B.
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