Anciens combattants africains
Anciens combattants africains
http://www.journal-la-mee.info/SPIP-v1-6/article.php3?id_article=1290
Ecrit le 3 juin 2004 :
Des Anciens Combattants "décristallisés"
Depuis 1961 les pensions des anciens combattants africains avaient été gelées (« cristallisées » disait-on ). Il s’agissait des pensions civiles ou militaires de retraite, de pensions militaires d’invalidité, de retraites de combattant, et de traitements de la Légion d’Honneur ou de la Médaille militaire. Les anciens combattants de ces pays (qui étaient alors des colonies françaises) n’avaient plus droit aux augmentations périodiques pour préserver leur pouvoir d’achat. En outre, les pensions de réversion allouées aux veuves étaient bloquées, tout comme la retraite du combattant attribuée aux militaires qui avaient été au front pendant au moins 90 jours.
La “décristallisation”
En ce mois de mai 2004, les pensions sont enfin revalorisées d’environ 20 %. Cette “décristallisation” touche l’ensemble du continent (Maghreb et Afrique subsaharienne), dans les pays qui ont envoyé des soldats défendre la France.
A Ouagadougou on se sent parmi les premiers concernés par la nouvelle mesure. En effet, “en dehors du Maghreb, c’est le Burkina Faso qui dispose le plus de bénéficiaires”, écrit le journal Sidwaya qui cite le chiffre de 7 078 pensionnés.
Nombreux sont ceux qui, en Afrique, voient en cette mesure un acte symbolique. Les anciens combattants, très âgés - “les plus jeunes ont 70 ans”, indique Sidwaya - ont en effet autant besoin de la reconnaissance de leur cause que de l’augmentation financière en elle-même, et, à ce titre, avec la revalorisation apparaît “le sentiment qu’une injustice est en train d’être réparée”, dit Le Pays. C’est donc, de ce point de vue, une victoire, et la presse burkinabé est unanime dans l’hommage rendu au combat d’Amadou Diop, ce Sénégalais qui a défendu les droits des anciens combattants jusque devant le Conseil d’Etat en France, et que beaucoup considèrent comme l’élément déclencheur de la revalorisation.
Une mobilisation collective
D’autres journaux africains préfèrent saluer une mobilisation collective, rappelant que la victoire d’Amadou Diop “a été le fruit de luttes âpres et obstinées de plusieurs acteurs : les associations des anciens combattants disséminées à travers les différents pays comme le puissant lobby d’anciens combattants français qui ne pouvaient accepter la disparité criante entre leur pension et celle de leurs frères d’arme”. Citant l’ambassadeur de France au Burkina, Sidwaya voit dans la décristallisation une façon pour la France de “témoigner, même tardivement, son respect et sa reconnaissance à des hommes qui ont aidé à défendre son intégrité”, et de tourner ainsi “une page très importante” de son histoire.
Des frustrations toujours présentes
Cette revalorisation financière, présentée comme la réparation d’une injustice historique, n’a cependant pas dissipé les frustrations des "Anciens". “Ils continuent toujours de ressentir l’humiliation et l’injustice dont ils ont été l’objet” dit le journal Sidwaya.
Il faut rappeler en effet que, au cours des deux guerres mondiales, 300 000 Africains ont perdu la vie dans les combats ou ont été portés disparus. Les soldats Africains, après avoir été traités comme des combattants de seconde zone en période de guerre, ont été ensuite “méprisés et sujets à un traitement discriminatoire en ce qui concerne leurs pensions”. Pourtant ....“sur les champs de bataille, les balles n’étaient pas discriminatoires”.
Nombreux sont aussi les journaux africains à citer les témoignages d’anciens combattants, desquels ressort une profonde amertume. Un sentiment partagé par l’opinion entière, qui a ressenti dans son ensemble le traitement infligé aux retraités de guerre comme une humiliation. Le journal Sanfinna aimerait par exemple que soit reconnue la mémoire de ces “tirailleurs” qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, furent massacrés dans le camp de Thiaroye, au Sénégal, parce qu’ils réclamaient les “mêmes droits que leurs frères d’armes français”.
Ecrit le 3 juin 2004 :
Sénégal : Massacre de Thiaroye
1944 : des Tirailleurs Sénégalais sont libérés des camps de prisonniers de guerre allemands et démobilisés. Débarqués le 21 novembre à Dakar, ils sont rassemblés au camp de Thiaroye à quelques kilomètres de la capitale. Ils attendent de recevoir les arriérés de leur solde et de pouvoir échanger leurs marks. En France, malgré leurs réclamations, on le leur a refusé sous divers prétextes, et on leur a promis que tout se ferait au Sénégal. Mais rien ne se fait, on leur propose seulement l’échange de leur argent à la moitié de sa valeur, et on leur donne un nouvel ordre de départ...
C’en est trop. Les Tirailleurs protestent, manifestent sans doute. Ils séquestrent un général qui leur donne satisfaction pour être relâché... _
La nuit suivante, le 1er décembre 1944, l’armée française intervient en bombardant et mitraillant le camp. Les tirailleurs sont sans armes. Combien de morts ? 25, 38, 60 ou plus ?
Quelques uns de ceux qui n’ont pas été tués passent en jugement : ils sont emprisonnés jusqu’à ce qu’une grâce présidentielle leur soit accordée en avril 47, lors du voyage de Vincent Auriol en AOF. (Afrique Occidentale Française)
En France on ignore tout. Léopold Sedar Senghor en parle dans un numéro d’Esprit de juillet 45 et Lamine Gueye rapporte ces faits en mars 46 à la première Constituante. Soixante ans plus tard les Sénégalais n’ont pas oublié.
Sources :
Yves Benot, Massacres coloniaux, La Découverte, 1994 ;
Sembène Ousmane, Le camp de Thiaroye, film, 1988.
Ndlr : cette histoire, peu connue, rappelle ce qui s’est passé à Sétif le 8 mai 1945. Dix mois plus tôt, le 7 mars 1944, le gouvernement provisoire d’Alger a publié une ordonnance qui octroie la citoyenneté française à 70.000 musulmans (l’Algérie compte à cette date près de 8 millions de musulmans). Les Algériens de confession musulmane dont beaucoup se sont battus dans les troupes françaises qui ont libéré l’Italie du fascisme, souhaitent avoir leur part dans le retour de la paix et la victoire des forces démocratiques.
Le 8 mai 1945, le jour même de la victoire alliée sur le nazisme, de violentes émeutes éclatent à en Algérie, notamment à Sétif où un drapeau algérien est déployé. La police se précipite. Le maire socialiste de la ville, un Européen, la supplie de ne pas tirer. Il est abattu. La foule, évaluée à 8.000 personnes se déchaîne et 27 Européens sont assassinés dans d’atroces conditions. Dès le lendemain le sous-préfet prend la décision imprudente de créer une milice avec les Européens et de l’associer à la répression menée par les forces régulières. Cette répression est d’une extrême brutalité. Officiellement, elle fait 1.500 morts parmi les musulmans, en réalité de 8.000 à 10.000. L’aviation elle-même est requise pour bombarder les zones insurgées. Après la bataille les tribunaux ordonneront 28 exécutions et une soixantaine de longues incarcérations.
Note du 23 août 2004 : la première "Journée des tirailleurs sénégalais" instituée par le président du Sénégal, M. Abdoulaye Wade, a été l’occasion pour le représentant français de reconnaître "l’événement tragique et choquant" qu’a été la répression du 1er décembre 1944 à Thiaroye. "Il existe des pages sombres et douloureuses qui ne doivent pas être oubliées" a déclaré Pierre-André Wiltzer, ancien ministre de la Coopération, représentant Jacques Chirac. "ceux qui portent la responsabilité [de cet événement] ont sali l’image de la France."
Cette déclaration est la première prise de position officielle au sujet d’un épisode jusqu’ici couvert par le silence.
Le 18 novembre 2004 :
Lu dans : http://africamaat.com/article.php3 ?id_article=66
La dette de la France :
Si la France a pu avoir un vaste empire colonial, c’est grâce en grande partie aux « tirailleurs sénégalais ». La participation des « tirailleurs sénégalais » a été déterminante aussi dans l’issue des deux guerres mondiales. L’Afrique fut le cœur de l’armée de libération de la France. C’est en effet sur le sol africain que l’on trouve la plus grande partie de l’Armée française de libération. C’est en Afrique que s’est joué l’essentiel du destin de la France.
Lun 22 Mai - 14:45 par mihou