LE RÉSEAU ÉCHELON
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- Nous sommes tous sur écoute ! -
Les États-Unis et quatre de leurs alliés privilégiés ont déployé un gigantesque réseau d'écoute électronique capable d'intercepter les télécommunications du monde entier. Depuis la fin de la guerre froide, ce dispositif ultra secret connu sous le nom d'Échelon est de plus en plus utilisé pour des opérations d'espionnage économique.
Toutes nos conversations téléphoniques sont écoutées par des oreilles indiscrètes et automatiquement triées par des ordinateurs ultra-puissants. La fiction de George Orwell, et son Big Brother omniprésent, est largement dépassée par la réalité. Les services secrets américains et leurs associés britanniques, canadiens, australiens et néo-zélandais disposent avec le réseau Échelon des plus grandes oreilles du monde.
Une étude commandée par le Parlement européen le confirme : "Toutes les communications électroniques, téléphoniques et par fax en Europe et au Canada sont quotidiennement interceptées par la NSA des États-Unis". La NSA (National Security Agency), la branche la plus secrète et la plus puissante des services de renseignement américains dispose de satellites espions et de stations terrestres qui lui permettent d'écouter toutes les télécommunications en Europe mais aussi sur l'ensemble de la planète. Ce réseau espion est connu sous le nom d'Échelon, même s'il a sans doute été rebaptisé depuis les premières révélations sur son existence.
Le réseau Échelon reste l'un des secrets les mieux protégés par l'espionnage américain. Sa date de naissance précise, par exemple, est inconnue. Une certitude cependant : ce réseau mondial d'espionnage vise principalement aujourd'hui des cibles non-militaires : gouvernements, organisations, entreprises, associations ou particuliers.
Les sujets dignes d'intérêt pour ce réseau espion sont définis par les cinq pays qui participent à son fonctionnement sur la base du pacte UKUSA. Cet accord organise la répartition des taches entre les pays signataires : États-Unis, Grande-Bretagne, Canada, Australie et Nouvelle-Zélande.
Orientés à l'origine vers l'écoute des communications radios des armées des pays communistes, les moyens techniques mis en œuvre dans le cadre du pacte UKUSA n'ont cessé de s'accroître et de se sophistiquer. Lorsque le mur de Berlin est tombé, les objectifs stratégiques des États-Unis ont été redéfinis. L'ennemi communiste ayant disparu, "La conquête des marchés mondiaux est désormais la nouvelle frontière pour les Américains", constate l'Amiral Pierre Lacoste (ancien patron des services secrets français.
Ainsi le réseau Échelon a été mis à contribution lors des négociations du GATT sur le commerce mondial, mais les centres d'intérêt concernent également des organisations comme Amnesty International ou Greenpeace. Où commencent et où s'arrêtent les opérations d'espionnage du réseau Échelon? Qui contrôle réellement les activités du plus vaste système de renseignement jamais créé à ce jour? Deux questions qui préoccupent quotidiennement les gouvernements et les grandes entreprises.
- L'histoire du réseau -
1947/48 - Le pacte UKUSA est prorogé. Ce pacte secret conclu, pendant la Seconde Guerre mondiale, entre la Grande-Bretagne et les États-Unis, organise la collaboration des services de renseignement des deux pays dans le domaine de l'espionnage des télécommunications. Le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande se joignent à ce pacte de coopération et d'échange des informations recueillies. Cibles principales : l'URSS et les pays communistes.
1952 - Aux États-Unis, création de la NSA (National Security Agency) par une directive du président Truman. La NSA est chargée, au sein des services de renseignement, des opérations SIGINT (signal intelligence), c'est à dire de l'espionnage électromagnétique (surveillance des liaisons radios, des émissions radar, des télécommunications, etc.) et de la conception des systèmes de codage et de cryptage destinés à assurer la confidentialité des communications du gouvernement, des diplomates et des militaires américains.
1966 - La NSA prend le contrôle de la base de Menwith Hill (Nord de l'Angleterre) qui était jusque là dirigée par l'armée américaine. Elle en fera la plus grande station d'interception du monde.
1985/87 - Projet de création d'un réseau mondial de surveillance des télécommunications révélé par le journaliste britannique Duncan Campbell. Le principe du projet F 415 est de relier entre elles, grâce à de puissants ordinateurs, les différentes bases d'interception des pays du pacte UKUSA qui sont disséminées à travers le monde.
1989 - La chute du mur de Berlin entraîne la redéfinition des priorités stratégiques des États-Unis. La conquête des marchés mondiaux est désormais l'objectif majeur.
1996 - Le néo-zélandais Nicky Hager met en évidence l'existence et le fonctionnement du plus grand réseau d'espionnage des communications jamais conçu. Il dévoile ce réseau baptisé "Échelon" dans un livre intitulé "Secret power".
1998 - Une étude commandée par le Parlement européen souligne les dangers que fait peser l'activité de ce réseau sur les pays de l'Union européenne et sur leurs entreprises.
- Les grandes affaires -
Malgré le culte du secret que cultive la NSA, son nom apparaît parfois au cours d'affaires d'espionnage, mais la majeure partie des activités de l'agence reste dans l'ombre.
1990 - La NSA intercepte les communications entre le fabricant japonais de satellites NEC et l'Indonésie pour la fourniture d'un contrat de 200 millions de dollars. Le président Bush intervient auprès de Djakarta. Le contrat sera partagé entre NEC et l'Américain ATT.
1990 - Inauguration des nouveaux locaux de l'ambassade de Chine en Australie. Lors de la construction du bâtiment, des agents américains ont installé de multiples micros et des systèmes de surveillance des communications dans tous les murs. Les informations recueillies sont transmises directement par satellite au quartier général de la NSA dans le Maryland aux États-Unis.
1991 - Plus de 12 tonnes de cocaïne sont saisies grâce aux informations fournies par la NSA qui intercepte, à partir du Venezuela, toutes les communications des membres du cartel de Cali.
1992-93 - La NSA espionne les communications des officiels mexicains qui négocient l'ALENA (Accord de Libre-Échange Nord-Américain) avec les États-Unis et le Canada.
1993 - Au cours du sommet de l'APEC (forum de coopération Asie-Pacifique), la NSA et le FBI installent des équipements capables d'écouter les communications des 15 dirigeants des pays de la zone Asie-Pacifique conviés à Seattle aux États-Unis par Bill Clinton. Certaines informations collectées sembles avoir été transmises à des chefs d'entreprises qui ont financé la campagne électorale du président américain.
1994 - Lors du bras de fer entre les États-Unis et l'Union européenne dans les négociations du GATT, le réseau Échelon est utilisé par Washington pour connaître la position de chacun des 15 pays de l'UE et la stratégie de la Commission européenne. Des consignes seront données aux fonctionnaires de Bruxelles leur demandant de ne pas utiliser le courrier électronique, dont l'usage commence à se généraliser, pour transmettre des informations sensibles.
1994 - Interception des négociations entre le fabricant français de radars Thomson-CSF et les autorités brésiliennes. C'est finalement la firme américaine Raytheon qui décrochera le contrat pour assurer la couverture radar de l'Amazonie.
1994 - La NSA intercepte les coups de téléphone et les fax entre Airbus et les autorités saoudiennes. Le contrat de 6 milliards de dollars sera décroché par Boeing.
1998 - La NSA aurait infiltré des agents au sein de la mission de désarmement de l'ONU en Irak. Leur mission : installer de petits systèmes d'interception pour capter les communications de Saddam Hussein et de l'état-major irakien