Les activités d’espionnage des USA en Amérique latine ont atteint un niveau similaire à celui de la guerre froide, Sergio Gómez Maseri.
12 mai 2006
El Tiempo , 26 avril 2006.
John Negroponte, directeur des renseignements dans ce pays, l’a admis dans une interview accordée au magazine Time. À l’aide d’un sous-marin nucléaire interceptant les communications.
Washington, alarmé par la montée des gouvernements de gauche ou par la présence solide de groupes terroristes dans la région, a décidé d’accroître ses effectifs en espions et informateurs au large et tout autour de l’Amérique latine.
« Nous nous sommes renforcés dans des lieux où nous n’avons pas mis les pieds (récemment, du moins), où nous avons estimé que les choses s’étaient atrophiées depuis la fin de la guerre froide- en Amérique latine et en Afrique », a déclaré Negroponte, coordinateur des activités de renseignements des diverses agences américaines, entre autres, la CIA eu le Pentagone.
Cette expansion aurait été ordonnée par le président George W. Bush et se concentre en particulier sur les « renseignements humains » (Humint), lesquels consistent en le recrutement d’espions parmi les citoyens d’autres pays et l’envoi d’un nouveau personnel américain.
De même, a pu établir El Tiempo, en une expansion des opérations d’interception des communications via des avions et des sous-marins. Récemment, le journal The New London Day a fait état de l’envoi d’un sous-marin nucléaire, l’USS Virginia, dans une mission d’espionnage en « appui de la guerre contre le terrorisme » dans la région.
Le sous-marin, qui peut lancer des missiles Tomahawk et même des opérations d’unités de commandos dépendant du haut commandement de la marine de guerre, a navigué durant trois mois dans la région des Caraïbes.
« Cette histoire est incroyable. Nous construisons un sous-marin de 2,4 milliards de dollars avec des capacités qui rappellent l’époque de la guerre froide et la première mission qu’il se voit assigner, c’est d’aller en Amérique du Sud et d’intercepter des conversations via téléphones cellulaires », ont critiqué peu de temps après William Arkins et le Washington Post.
L’objectif
Le plan de Bush, qui émane des échecs des renseignements avant le 11 septembre et ma collecte d’informations fausses sur les ADM en Irak, cherche à renforcer l’appareil des renseignements américains à l’étranger durant les cinq années à venir. Et c’est assez compréhensible. Mais la question que beaucoup se posent, c’est d’où vient cet intérêt renouvelé des États-Unis pour « s’infiltrer » précisément en Amérique latine ?
La réponse, selon des spécialistes, est bien plus simple qu’il n’y paraît. Du point de vue des États-Unis, il y a dans la région des facteurs qui s’additionnent au point qu’ils s’en inquiètent : le pétrole, la présence de groupes terroristes islamistes sur la triple frontière (Paraguay, Argentine et Brésil), le virage vers la gauche qu’ont amorcé presque une dizaine de pays, l’influence croissante de nations comme l’Iran et la Chine et la rôle du président Hugo Chávez.
( N.d.l.r. Face à la vague croissante de versions, le Département d’Etat a dû préciser à plusieurs reprises qu’on n’a pas détecté d’activités terroristes à la Triple Frontière, mais il a fait pression sur le gouvernement paraguayen pour qu’il accepte la présence militaire dans le pays. )
Les États-Unis, déclare Adam Isacson, du Centre de Politique internationale, avaient perdu l’appétit pour la région dès que leur communauté des renseignements s’est vue mêlée à une série de scandales dans les années 90. Les relations avec Manuel Antonio Noriega, l’ancien homme fort du Panama et les liens avec Vladimiro Montesinos durant la présidence d’Alberto Fujimori au Pérou, ont privé des agences comme la CIA d’une grande partie de leur crédibilité.
Mais il y a plus particulièrement l’affaire de l’avocate américaine Jennifer Harberry au Guatemala. Son mari, un guérillero, avait été torturé et assassiné par des agents au service de la CIA.
« Ce cas génère une grande confusion depuis qu’il a impliqué un citoyen américain. Personne ne comprenait qu’une fois terminée la guerre froide, on ait encore pu charger d’un aussi « infâme contrat » ce genre d’individus. Suite à plusieurs mois de protestations et après l’intervention du Congrès, l’administration Clinton allait opter pour un changement de politique et couper les liens avec les réseaux d’informateurs qu’entretenait la CIA », déclare Isacson.
Mais, au cours de ces six dernières années, comme l’affirme Negroponte, le scénario a changé radicalement.
Une autre preuve de la préoccupation des États-Unis et/ou de leur intérêt à s’assurer le contrôle de l’Amérique latine au profit de l’Occident réside dans une initiative à travers laquelle elle entend unir les pays de la région, et entre autres la Colombie, à l’Otan.
Pour l’instant, diverses initiatives se préparent, comme la promotion d’un traité permanent pour ce groupe de pays, avec pouvoir de vote ou l’une ou l’autre possibilité de s’exprimer au sein de l’organisation atlantique.
Sergio Gómez Maseri, correspondant de El Tiempo à Washington.
- Traduit de l’espagnol par Jean-Marie Flémal pour StopUSA
- Source : www.stopusa.be