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 Islam : Une menace pour l'Occident ?

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mihou
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mihou


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08052006
MessageIslam : Une menace pour l'Occident ?

Une menace pour l'Occident ?

« L'Islam en crise » est le nouvel essai de Bernard Lewis, l'un des plus grands spécialistes de l'histoire du monde musulman. Le Point publie des extraits - en exclusivité - de ce livre édité par Gallimard/Le Débat.

L'islam comme religion est, sur tous les plans, infiniment plus proche de la tradition judéo-chrétienne que de l'une ou l'autre des grandes religions d'Asie, l'hindouisme, le bouddhisme ou le confucianisme. Le judaïsme et l'islam croient en une loi divine qui régit tous les aspects de l'existence de l'homme, jusque dans ses pratiques alimentaires. Les chrétiens et les musulmans partagent un même triomphalisme. Contrairement aux adeptes des autres religions, y compris le judaïsme, ils sont convaincus d'être les seuls heureux récipiendaires du message ultime et définitif de Dieu et qu'il est de leur devoir de le faire connaître au reste de l'humanité. Comparées à celles, plus lointaines, d'Extrême-Orient, les trois religions moyen-orientales - le judaïsme, le christianisme et l'islam - sont étroitement apparentées, au point de donner l'impression d'être des variantes d'une seule et même tradition religieuse. [...]

[...] A bien des égards, la chrétienté et l'Islam sont des civilisations soeurs.

Cependant, par-delà leurs similitudes, elles présentent aussi de grandes différences [...] Nulle part ces différences ne sont aussi profondes, et aussi frappantes, que dans l'attitude de ces deux religions - et de leurs représentants autorisés - à l'égard des rapports entre la politique, la religion et la société. Le fondateur du christianisme recommandait à ses disciples de « rendre à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Matthieu, XXII, 21) et, pendant plusieurs siècles, le christianisme se répandit comme une religion des opprimés, jusqu'au moment où, avec la conversion de l'empereur Constantin, César lui-même devint chrétien et entama un processus au terme duquel la nouvelle foi submergea l'Empire romain et transforma sa civilisation. Le fondateur de l'islam fut, si l'on peut dire, son propre Constantin dans la mesure où il créa son propre Etat et son propre empire. En conséquence, il n'eut pas à créer une Eglise. La dichotomie du regnum et du sacerdotium, qui joua un rôle si déterminant dans l'histoire de la chrétienté occidentale, n'eut jamais d'équivalent en terre d'Islam. Du vivant de Mahomet, les musulmans formèrent, d'un même mouvement, une communauté à la fois religieuse et politique, avec le Prophète pour chef suprême. [...]

La religion, facteur politique majeur

[...] Pendant plus d'un millier d'années, l'islam a fourni le seul corpus universellement acceptable de règles et de principes devant régir la sphère publique et la vie sociale. Même au moment où l'expansion européenne était à son apogée, les catégories et les conceptions islamiques du politique continuèrent d'exercer une influence profonde et omniprésente aussi bien dans les pays dominés par une puissance coloniale que dans ceux qui avaient conservé leur indépendance. Ces dernières années, de nombreux signes semblent indiquer que ces catégories et ces conceptions sont en train de retrouver, quoique sous des formes parfois différentes, leur prédominance d'antan.

C'est dans le domaine du politique - aussi bien sur le plan intérieur que régional ou international - que l'Islam se distingue le plus des autres civilisations. Les chefs d'Etat ou les ministres des Affaires étrangères des pays scandinaves et du Royaume-Uni n'ont pas pour habitude de se retrouver, à intervalles plus ou moins réguliers, dans des conférences au sommet protestantes ; de même, les dirigeants de la Grèce, de la Yougoslavie, de la Bulgarie et de la Russie, oubliant un moment leurs divergences politiques et idéologiques, n'éprouvent pas la nécessité de se rencontrer du fait de leur affiliation, passée ou présente, à l'Eglise orthodoxe. De même encore, les pays bouddhistes d'Asie ne forment pas un bloc bouddhiste aux Nations unies, ni d'ailleurs dans aucune autre instance. L'idée même d'un tel regroupement, sur une base religieuse, peut sembler anachronique, voire absurde, dans le monde moderne. S'agissant de l'Islam, elle n'est ni anachronique ni absurde. Pendant toute la période de tension générée par la guerre froide et encore après, plus de cinquante pays musulmans [...] ont édifié un système complexe de consultation et, dans bien des domaines, de coopération internationale. [...]

Dans beaucoup de pays qui se sont dotés d'une démocratie pluraliste, il existe des partis à dénomination religieuse - chrétienne en Occident, hindoue en Inde, bouddhiste en Extrême-Orient. Toutefois, ces partis sont relativement peu nombreux et encore moins nombreux sont ceux qui jouent un rôle de premier plan. En outre, les questions religieuses occupent en général une place secondaire dans leur programme et dans l'attrait qu'ils exercent auprès de leur électorat. En revanche, dans beaucoup de pays musulmans, à vrai dire dans la plupart, la religion demeure un facteur politique majeur - beaucoup plus important sur le plan intérieur que sur le plan régional ou international. Comment expliquer ces différences ?

Une première réponse relève de l'évidence : dans leur écrasante majorité, les pays musulmans demeurent profondément religieux, en un sens et sur un mode qui ont quasiment disparu dans la plupart des pays chrétiens. Certes, la doctrine chrétienne et le clergé qui la représente restent souvent une force puissante, et même si leur rôle n'est plus ce qu'il était autrefois, il n'est nullement insignifiant. Mais dans aucun pays chrétien, les chefs religieux ne peuvent, à l'heure actuelle, compter sur l'intensité de la foi et le degré d'engagement qui restent la norme dans les pays musulmans. Il n'existe que peu, voire pas, de pays chrétiens où l'héritage le plus sacré du christianisme soit à l'abri de la critique ou de la contestation, alors que l'héritage de l'islam reste quasi intouchable, même dans les sociétés musulmanes qui se présentent comme laïques et démocratiques. D'ailleurs, ce privilège s'est étendu, de facto, aux pays occidentaux qui abritent aujourd'hui des communautés musulmanes : les croyances et les rites musulmans y jouissent d'une immunité que les croyances et les rites chrétiens ont perdue et que les croyances et les rites juifs n'ont jamais eue. Surtout, à de rares exceptions près, le clergé chrétien n'exerce ni ne revendique sur ses fidèles le genre d'autorité publique encore courante et acceptée dans la plupart des pays musulmans.

La force de la croyance et de la pratique religieuses chez les musulmans explique en partie la singularité de leur attitude vis-à-vis du politique ; mais en partie seulement, puisqu'on retrouve cette attitude chez des individus ou même des groupes entiers, dont l'engagement religieux et la pratique sont souvent de pure forme. L'islam n'est pas seulement une affaire de croyance et d'observance ; c'est aussi une identité et une allégeance - qui, souvent, transcendent toutes les autres.

Les ombres d'une grande religion

[...] L'islam est l'une des grandes religions de l'humanité. Il a su donner un sens et de la dignité à des existences mornes et démunies. Il a enseigné à des hommes de races différentes à s'accepter comme frères et à des hommes de croyances différentes à vivre côte à côte dans une relative tolérance mutuelle. Il a été à l'origine d'une grande civilisation qui a permis à des musulmans et à des non-musulmans de faire oeuvre utile et créatrice et qui, grâce à ses réalisations, a enrichi le patrimoine de l'humanité. Cependant, l'islam, comme d'autres religions, a aussi eu des périodes sombres où il a instillé chez certains de ses adeptes des sentiments de haine et de violence. Pour notre malheur, nous sommes confrontés à l'une de ces périodes : elle touche une partie du monde musulman et sa haine est pour l'essentiel dirigée contre nous.

Pourquoi ? Gardons-nous de surestimer les dimensions du problème. D'une part, le monde musulman est loin d'être unanime dans son rejet de l'Occident, et il n'y a pas que les pays musulmans du tiers-monde qui nous soient hostiles. D'autre part, il existe encore un nombre important, et dans certains milieux peut-être une majorité, de musulmans qui partagent les mêmes valeurs fondamentales, les mêmes aspirations morales, culturelles, sociales et politiques que nous ; il existe encore une présence occidentale, culturelle, économique et diplomatique importante dans les pays musulmans, et certains de ceux-ci sont même des alliés de l'Occident. Toutefois, on assiste aussi, c'est indéniable, à une montée de la haine qui afflige les Américains, les inquiète et, plus encore, les plonge dans la perplexité.

Bien souvent, cette haine va au-delà de l'hostilité qui accompagne la lutte contre certains intérêts, certaines initiatives, certaines politiques ou même certains pays, et se transforme en un rejet systématique de la civilisation occidentale, qui dénonce non pas tant ce qu'elle fait mais ce qu'elle est, les principes et les valeurs qu'elle professe et met en pratique. Ces principes et ces valeurs sont, en effet, perçus comme foncièrement pernicieux, et ceux qui les prônent ou les acceptent sont tenus pour des « ennemis de Dieu ».

Cette expression, si fréquente dans les déclarations des dirigeants iraniens, que ce soit au cours de leurs délibérations juridiques ou dans leurs discours politiques, doit sembler très étrange à l'observateur extérieur, qu'il pratique ou non une religion. L'idée que Dieu puisse avoir des ennemis et ait besoin de faire appel à l'aide des hommes pour les identifier et s'en débarrasser est un peu difficile à comprendre. Elle n'est cependant pas si étrange que cela. La notion d'ennemis de Dieu remonte à l'Antiquité classique et même au-delà ; on la trouve aussi bien dans l'Ancien et le Nouveau Testament que dans le Coran.

En Islam, la lutte entre le Bien et le Mal a revêtu, dès les origines, une dimension politique, et même militaire. Mahomet, on s'en souvient, n'était pas seulement un prophète et un maître spirituel, comme les fondateurs des autres religions ; il était aussi le chef d'un Etat et un soldat. Son combat était donc politique et militaire. Si ceux qui se battent pour l'islam et participent à la guerre sainte « dans la voie de Dieu » se battent pour Dieu, il s'ensuit que leurs adversaires se battent contre Dieu. Et puisque Dieu est, par définition, le souverain, le chef suprême de l'Etat musulman, avec, à ses côtés, le Prophète et, après lui, les califes, alors Dieu en tant que souverain commande l'armée. Cette armée est l'armée de Dieu et l'ennemi est l'ennemi de Dieu. Le devoir des soldats de Dieu est d'expédier les ennemis de Dieu aussi promptement que possible en ce lieu où Dieu les châtiera, à savoir dans l'au-delà.

La question fondamentale qui hante actuellement les responsables politiques occidentaux peut être formulée en termes simples : l'islam, fondamentaliste ou autre, constitue-t-il une menace pour l'Occident ? A cette question trop simple, diverses réponses ont été apportées, et, comme il en va souvent des réponses, elles aussi trop simples, elles risquent de nous induire en erreur. Selon une école de pensée, l'islam et le fondamentalisme musulman auraient remplacé, depuis leur effondrement, l'Union soviétique et le mouvement communiste, et représenteraient désormais un péril majeur pour l'Occident et ses valeurs. Selon une autre école de pensée, les musulmans, y compris les intégristes les plus fanatiques, seraient au fond des gens bien, respectueux de la religion et épris de paix, qui, pour certains, auraient été poussés à bout par toutes les horreurs que nous, Occidentaux, leur aurions infligées. Nous voyons en eux des ennemis, parce que psychologiquement nous aurions besoin d'un ennemi pour remplacer la défunte Union soviétique.

Ces deux points de vue renferment une part de vérité ; mais ils sont aussi dangereusement erronés. L'Islam en tant que tel n'est pas un ennemi de l'Occident et il existe, aussi bien là-bas qu'ici, des musulmans, chaque jour plus nombreux, qui ne désirent rien tant qu'un approfondissement des relations entre l'Islam et l'Occident, et le développement d'institutions démocratiques dans leur propre pays. Toutefois, un nombre non négligeable d'autres musulmans - en particulier, mais pas seulement, ceux que nous appelons les fondamentalistes - sont des gens hostiles et dangereux, pas parce que nous avons besoin d'un ennemi, mais parce qu'ils le sont vraiment.

Ces dernières années, on a pu constater un renversement de perspective et par conséquent de tactique dans les milieux musulmans. Certains continuent de voir dans l'Occident et dans son chef de file actuel, les Etats-Unis, l'ennemi irréductible de l'Islam, l'obstacle le plus grand à la restauration de la religion et de la loi divine dans le monde musulman et à leur intime triomphe universel. Pour eux, il n'y a pas d'autre voie qu'une guerre à mort, afin d'accomplir les commandements divins tels qu'ils les comprennent. D'autres, tout en restant de sincères musulmans et tout en étant conscients des défauts de la société occidentale moderne, en perçoivent aussi les mérites - son insatiable curiosité et sa soif de connaissances, qui ont donné naissance à la science moderne et aux techniques ; son attachement à la liberté, qui a permis l'épanouissement des démocraties modernes. Tout en demeurant attachés à leurs croyances et à leur culture, ils aimeraient nous rejoindre, afin de participer à l'édification d'un monde meilleur et plus libre. D'autres enfin, tout en voyant dans l'Occident leur ennemi juré et la source de tous les maux, se rendent compte de sa puissance et sont à la recherche d'un modus vivendi pour mieux se préparer au combat final. Nous serions bien avisés de ne pas confondre les deuxièmes et les troisièmes -
Bernard Lewis

Né à Londres en 1916 dans une famille juive, il consacre sa thèse à l'histoire de l'islam. Il enseignera jusqu'en 1986, d'abord à l'université de Londres, puis, à partir de 1974, aux Etats-Unis, à Princeton, où il reste chercheur. Parmi ses ouvrages, on retiendra : « Race et esclavage au Proche-Orient » (Gallimard), « Les assassins. Terrorisme et politique dans l'islam médiéval » (Complexe), « Le retour de l'islam » (Gallimard), « Les Arabes dans l'Histoire » (Aubier), « Histoire du Moyen-Orient » (Albin Michel) et, bien sûr, « Que s'est-il passé ? L'islam, l'Occident et la modernité » (Gallimard/Le Débat).

© le point 21/11/03 - N°1627 - Page 72 - 3713 mots
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