Menace Nucléaire sur l’Afrique !
30/04/2006
«Menace nucléaire sur l’Afrique», c’est en ces termes en 1971 que le savant africain Cheikh Anta Diop posait le problème des risques de bombardement nucléaire pesant sur un continent qui en la matière n’avait ni perspective ni stratégie, à l’exception de l’Afrique du Sud et les pays occidentaux qui vidaient l’Afrique de ses ressources vitales. En fait l’historien et penseur, très en avance sur son temps avait entamé de bonne heure une réflexion sur le nucléaire -cf. Les fondements économiques et culturels d’un Etat fédéral d’Afrique noire, 1960, Présence africaine-, l’envisageant comme source d’énergie pour l’équipement industriel des Etats africains et comme arme de dissuasion indispensable face à l’oppression implacable des Leucodermes d’Afrique du Sud sur les Noirs natifs.
En effet après la réflexion contenue dans les Fondements*, l’investissement nucléaire de l’Afrique du Sud raciste, aidée en cela par les Occidentaux, la firme ouest-allemande Steag et l’Etat d’Israël notamment, dans des programmes incluant la fabrication d’armes chimiques, bactériologiques et atomiques, avait poussé l’homme de science et de conscience à alerter l’opinion africaine dans différents magazines et supports médiatiques à l’époque méticuleusement étouffés. Jeune Afrique, Africasia, Radio-Sénégal etc.
En prévention de toute attaque de l’Afrique subsaharienne visant à la libération des Noirs croupissant sous le joug de l’apartheid sur leur propre territoire ancestral, le régime de Pretoria développait dans les années 60 une activité fébrile pour se doter de l’arme nucléaire. Cheikh Anta Diop recommandait déjà la plus grande prudence dans l’exportation irraisonnée de matières premières comme l’uranium dont le seul effet serait d’anéantir le continent d’une dissuasion potentielle tout en armant le bloc occidental coalisé avec l’Afrique du Sud. Une gestion suicidaire du sous-sol continental et de la survie collective qui résulterait dans le renforcement de blocs géopolitiques adversaires voire ennemis.
Quarante après le Gabon n’a plus d’uranium, le Niger n’en aura bientôt plus grâce aux accords françafricains liant des firmes comme Areva [ex-Cogema] et les réseaux prédateurs afro-occidentaux implantés en Afrique. Pour ce qui est du Congo [belge] qui jusqu’en 1952 représentait plus de la moitié de la production mondiale d’uranium, la pègre des prévaricateurs africains et des captateurs occidentaux s’est emparée de ce continent et bien malin est celui qui pourra donner un état net de ses ressources en la matière aujourd’hui.
Le bilan à l’arrivée est catastrophique. Tous les continents et forces vives de l’humanité s’efforcent de conquérir le nucléaire, civil et militaire avec des visées économiques et de souveraineté, tactique ou dissuasive. Le «club nucléaire» s’est élargi de pays comme la Chine, l’Inde, Israël, le Pakistan, la Corée du Sud, et des soupçons de velléités atomiques pèsent sur le Brésil, l’Algérie, la Libye aurait abandonné son programme … officiellement.
Le continent africain et ses roitelets, commis fidèles d’un ordre mondial occidentalo-centré, destructeur et déshumanisant, se trouve à la merci de tout Etat hégémonique, tout Etat voyou qui déciderait de l’instrumentaliser sous la menace atomique. Cette menace, jamais affirmée –c’est le propre d’une menace crédible- pèse d’autant plus sur le continent que les découvertes de réserves pétrolières s’enchaîne au fil des jours, et que la captation capitaliste sur ces ressources n’a pas de limites.
L’hégémonique logique raciale planétaire a encore fonctionné lorsque l’Afrique du Sud devant passer à un régime démocratique dont il était prévisible qu’il aboutirait à l’élection d’un noir à la tête du pays a démantelé son arsenal avec l’aide des mêmes Occidentaux qui avaient surarmé le régime blanc d’apartheid. Des programmes civils renaissent et des applications pacifiques existent au Sénégal, Ghana etc. On parle aussi de velléités nigérianes. Mais la disposition d’armes stratégiques défensives, dissuasives -non destinées à l’usage- ou tactiques -susceptibles d’être utilisées- est un chemin interdit par les «accords» de défense, l’étau financier occidental -FMI, BM, …-, les nombreuses possibilités d’éjection des dirigeants africains généralement imposés à leur base.
Les données de la géopolitique mondiale du nucléaire nécessitent une vraie stratégie non pas nécessairement nucléariste, mais de protection et de défense des intérêts africains, qui elle entraînerait -ou pas- le recours au nucléaire. Si les problèmes de traitement des déchets radioactifs se posent à l’échelle mondiale, les Africains ne sauraient s’en dérober. La mission qui incombe à tous de préservation et de défense panafricaines ne sera adressée que par l’imagination de formes actives de dissuasion qui anticipent une sortie globale du nucléaire, et un âge technologique et géopolitique particulier.
Pendant que les comptes en banque se remplissent, et que dorment sagement les élites supposées réfléchir au devenir de leurs peuples -Théophile Obenga est un des rares chercheurs africains à aborder la question de front-, roucoulant et altermondialisant dans les gammes européennes et latino-américaines autorisées et encore orientées -même de bonne foi- par le Nord, tous les autres continents, pays, regroupements humains, s’activent pour utiliser dans leur intérêt une technologie et une énergie stratégique. A l’argument du gap technologique séparant le continent de l’âge nucléaire Cheik Anta Diop pertinent et presque prophétique ne disait-il pas : «La bombe atomique est un secret de polichinelle et l’Occident n’est pas la seule source d’information et d’approvisionnement en matières fissiles dans le monde. Tout le monde peut fabriquer des armes chimiques et bactériologiques, même sous un hangar, seule la volonté politique a manqué jusqu’ici ». [Cf. Taxaw, N°5, Avril-Septembre 1977, publication sénégalaise].
* Cf. ancien bimensuel Africasia, N°49, 20.09. 1971