L'impossible Monsieur Islam
Jérôme Cordelier
La communauté musulmane s'apprête à voter le 19 juin pour le renouvellement du Conseil français du culte musulman (Cfcm). La communauté ? Le terme fait bondir Dounia Bouzar. « Des personnes se ressemblent d'abord parce qu'elles partagent une éducation et une histoire communes, non parce qu'elles ont la même religion », dit celle qui a démissionné avec éclat en janvier du Cfcm. Ce travers, l'anthropologue le reproche aux responsables politiques, et d'abord à Nicolas Sarkozy - qui l'avait nommée au Cfcm en 2003. « Il a trop enfermé les individus dans leur facette musulmane, lance Dounia Bouzar. On a tout confessionnalisé. On a islamisé la politique, et politisé l'islam. Ce qui fait l'économie des remises en question sociales. »
« Ça suffit ! » s'exclame Dounia Bouzar dans un plaidoyer vif qui paraît chez Denoël, reprenant une argumentation développée dans son précédent ouvrage, « Monsieur Islam n'existe pas : pour une désislamisation des débats » (Hachette Littératures). « Le problème des pays musulmans n'est pas l'islam mais le mélange entre religion et politique, explique-t-elle. Or nous "flirtons" ici avec cette confusion. Le Cfcm remplira vraiment son office quand y siégeront des élus nés en France et scolarisés à l'école de la République. Certains de ses membres ont encore des cartes de séjour : de quelle liberté disposent-ils face au ministre de l'Intérieur ? »
Le cadre républicain, pourtant, est propice à une évolution. « La laïcité permet de désacraliser l'histoire musulmane, en favorisant une nouvelle compréhension du Coran », relève la jeune femme, née de mère française et de père algérien. Pour qui la nomination d'Azouz Begag comme ministre est un signe positif. « Personne ne peut dire qu'il a été choisi parce qu'il est arabe, souligne Dounia Bouzar. Ce poste, il le doit uniquement à ses compétences et à ses travaux. »
© le point 09/06/05 - N°1708 - Page 54 - 296 mots