D'après les récits bibliques, les Hébreux sont les descendants d'Abraham, issus du patriarche Eber ou Heber, lui-même descendant de Sem, l'aîné de Noé. Le petit-fils d'Abraham, Jacob, reçut de Dieu le nom d'Israël. Il eut lui-même douze fils qui devinrent à leur tour patriarches de douze tribus. C'est alors que les Hébreux devinrent des « israélites ». Le mot « juif », qui les désigne plus tard, date seulement de la captivité de Babylone et il prévalut parce que les habitants du royaume de Juda furent les derniers soumis. En effet, vers l'an 1000 avant J.-C., le roi David réalise l'unité des tribus d'Israël en remportant la victoire sur les Philistins. Jérusalem devient la capitale du royaume, et Salomon, le fils de David, fait construire des monuments sublimes, dont le fameux temple - qui sera détruit une première fois par le roi de Babylonie, Nabuchodonosor, en 587 avant J.-C., puis à nouveau par les Romains, en 70. Mais, à sa mort, le royaume se scinde en deux, avec le royaume d'Israël, au nord, qui refuse désormais d'obéir aux descendants de David, et le royaume de Juda, au sud, dont les habitants vont devenir les Judéens ou Juifs. Bientôt (en 721 avant J.-C.), le royaume d'Israël tombe sous la domination assyrienne, puis, en 587, c'est celui de Juda qui est vaincu par Nabuchodonosor. Commence alors la période de la captivité en Babylonie pour tous ceux, très nombreux, qui vont y être déportés. C'est à cette époque que le nom de Juifs désignera les anciens Hébreux ou Israélites. Ce dernier terme, cependant, connaîtra en France une nouvelle fortune au XIXe siècle pour désigner les juifs assimilés. Au début du XXe siècle, et jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, on évite ainsi de parler des « juifs », car le mot était souvent péjoratif. La situation s'est presque inversée aujourd'hui avec le renouveau des mouvements identitaires, le mot « israélite » étant à son tour devenu péjoratif, parce qu'il désignerait un juif honteux, ayant refoulé son identité au nom de l'assimilation. L. F.
L'émergence du sionisme
Après la répression des grandes révoltes juives en Palestine par Hadrien, en 135, commence l'ère de la diaspora : il faudra tout simplement attendre jusqu'en 1948 pour que les juifs retrouvent un Etat (si l'on excepte les deux brefs épisodes du royaume du Yémen au VIe siècle et celui de l'empire des Khazars entre le VIIIe et le Xe siècle). Ils vivent alors en communautés dispersées qui n'ont pas forcément de langue commune entre elles, même si elles sont unies par une même religion du Livre. A partir des croisades, les juifs d'Europe connaissent des persécutions de plus en plus lourdes, puis, vers la fin du Moyen Age, ils sont expulsés de nombreux pays : de France au XIIe siècle, d'Angleterre au XIVe, d'Espagne en 1492, etc.
Au XVIIIe siècle, la France des Lumières leur accorde enfin le droit de citoyenneté, mais ils sont en revanche privés de nombreux droits en Russie, puis persécutés au cours de terribles pogroms à partir de 1881. D'une façon générale, la fin du XIXe siècle connaît la résurgence d'un antijudaïsme qui se transforme en antisémitisme : on ne critique plus seulement les juifs pour leur religion, mais pour leur appartenance à une supposée « race juive ». D'où l'aspiration chez de nombreux juifs de Russie, puis de toute l'Europe, à la renaissance d'un Etat juif en Palestine. C'est cette exigence qu'on désigne alors sous le nom de « sionisme » et dont le chef de file est un journaliste viennois : Theodor Herzl (1860-1904).
L'essence de l'antisémitisme
Y a-t-il une « race juive », comme l'affirmait encore Le Pen au début des années 90 ? Evidemment, non. Pierre Vial lui-même, un des rares intellectuels occupant des fonctions importantes au Front national, se vit aussitôt contraint d'opposer un démenti aux délires de son chef : « Bien entendu, déclarait-il, il n'y a pas de race juive au sens de l'anthropologie physique », pas plus, ajoutait-il, qu'il n'y a de race française ou allemande. Dont acte. En première approximation, on pourrait même dire que c'est là tout ce qui distingue l'antisémitisme du racisme. Ce dernier ne hait jamais autant l'autre que lorsque les différences sont manifestes : couleur de la peau, forme des yeux, nature des cheveux, etc. Au contraire, l'antisémite reproche avant tout au juif d'être invisible, caché, presque irrepérable. D'où l'obsession des critères de reconnaissance qui transparaît dans la fameuse exposition « Comment reconnaître le juif ? » organisée par le régime de Vichy en 1941. L'essence de l'antisémitisme est là : penser, contre tout bon sens, que la judaïté est une race, mais affirmer par ailleurs que cette race est presque invisible afin que la haine soit animée d'une vigilance infinie.
© le point 08/10/99 - N°1412 - Page 92 - 3078 mots