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 Chronique de l'antisémitisme ordinaire

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mihou
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06052006
MessageChronique de l'antisémitisme ordinaire

Antisémitisme
Chronique de l'antisémitisme ordinaire

Pour un cimetière juif profané, combien d'insultes, d'agressions et d'humiliations ? La communauté juive s'inquiète de la banalisation de ces actes. Notre enquête.

Ariane Singer et Baudouin Eschapasse

Il est resté debout, mais sonné. « La prochaine fois, je te jure que tu ne te relèveras pas », l'a menacé son agresseur. Quelques jours après la violente attaque dont il était victime, Haïm Mellul, rabbin à Créteil, ne comprend toujours pas ce qui a pu pousser ce jeune homme (« 25-30 ans, de type européen ») à le frapper alors qu'il se rendait à la synagogue. C'était samedi après-midi, peu avant la prière de clôture de shabbat. « Je passais devant une cité HLM d'un quartier très tranquille lorsque deux individus qui promenaient leur chien se sont mis à m'insulter. Comme je ne répondais rien, l'un d'eux s'est rué sur moi et m'a porté deux coups de poing : au visage et au ventre », explique le religieux, d'autant plus bouleversé que son fils de 12 ans a assisté à la scène.


Ironie de l'histoire... C'est au lendemain du jour où la France découvrait avec horreur la profanation de 127 tombes au cimetière israélite d'Herrlisheim (Haut-Rhin) que Haïm Mellul était confronté, dans sa chair, à cette « haine viscérale du juif » qu'il n'avait jusque-là jamais rencontrée. Bien que « sa » synagogue de Créteil ait été plusieurs fois vandalisée dans le courant de l'hiver, aucun de ses membres n'avait encore été blessé.

« Un vrai bourdonnement hostile autour de nous »

Un cas qui n'est malheureusement pas isolé. Comme l'a reconnu lui-même le ministère de l'Intérieur en publiant ses statistiques il y a quelques jours, les manifestations d'antisémitisme sont aujourd'hui de plus en plus nombreuses (voir interview de Pierre-André Taguieff p. 74). Si toutes ne revêtent pas un caractère aussi spectaculaire que celles de Créteil ou d'Herrlisheim, la persistance de cet « antisémitisme au quotidien » alimente le malaise au sein d'une communauté juive aujourd'hui en plein désarroi.

« On ne peut pas dire que l'on se sente vraiment en danger, mais on perçoit un vrai bourdonnement hostile autour de nous. Comme une chape de plomb qui menace à tout moment de s'abattre », résume, las, Yaacov Mahieu, administrateur de la synagogue d'Ivry-sur-Seine. Dans cette municipalité communiste où s'est tenu, fin 2003, le Forum social européen, une voiture de police suit les fidèles qui rentrent à pied chez eux pour certaines fêtes, la communauté étant régulièrement prise pour cible depuis 2000. « Impossible de passer inaperçu ! » relève non sans humour Jacques Giami, l'un des piliers de la communauté.

Hier confinés aux cités dites « sensibles », les actes antijuifs investissent les beaux quartiers. Croix gammées sur une boîte aux lettres d'un immeuble du boulevard Haussmann, à Paris. Insultes antisémites dans le très huppé 16e arrondissement de la capitale. Récusation d'une femme juge par un prévenu au tribunal correctionnel de Paris au motif qu'elle est juive et que l'accusé, tunisien, musulman, redoute sa « partialité »... L'antisémitisme se propage dans tous les milieux.

Longtemps cantonné au monde des adultes, le phénomène touche aujourd'hui les plus jeunes. « La nouveauté, c'est que l'on trouve maintenant des enfants de 12 ou 13 ans parmi les auteurs d'actes antisémites, des graffitis aux insultes, et même aux agressions plus graves », s'indigne-t-on à la Délégation interministérielle à la Ville (DIV). Mais aussi parmi les victimes. C'est cette petite Sarah (1), 7 ans, qui demande à sa mère de changer d'école parce qu'un petit camarade lui a assené en centre aéré que « tous les feujs doivent être brûlés ». C'est cette écolière de 9 ans qui, au motif qu'elle est juive, manque de se faire étrangler par une autre dans la cour de récréation... au point de ne plus pouvoir parler pendant plusieurs jours. Elle est pourtant inscrite dans un établissement « BCBG » de la capitale. Ce sont encore ces affrontements entre collégiens juifs et musulmans de Montreuil. Malgré la polémique soulevée par le documentaire du réalisateur Elie Chouraqui, ils restent une réalité quotidienne dans certaines de nos banlieues.

« Aurait-on imaginé un jour que la RATP serait obligée d'installer des caméras vidéo sur certaines lignes de bus parce que nos enfants s'y font constamment agresser en se rendant à l'école ? » s'interroge Moshe Cohen-Sabban, président du conseil des communautés du Val-d'Oise, où les incidents se multiplient depuis deux mois : plusieurs fidèles des synagogues de Garges-lès-Gonesse et de Sarcelles ont été agressés physiquement. A commencer par les rabbins de ces deux villes !

« On n'a plus honte d'être antisémite »

Aurait-on également pensé que des jeunes de Strasbourg puissent quitter leur club de football parce que « leurs coéquipiers sont juifs » ? Ou qu'un client d'une grande surface d'électroménager parisienne ose déclarer « ne pas vouloir être servi par un youpin » ?

Aujourd'hui, les langues se délient. « L'antisémitisme s'est banalisé. Et le pire, c'est qu'il s'exprime aujourd'hui dans l'indifférence », note Roger Cukierman, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), qui participait récemment aux conférences de Berlin et de Bruxelles sur ce sujet. « Après la profanation du cimetière de Carpentras, 500 000 personnes étaient descendues dans la rue, souligne-t-il. Aujourd'hui, seule la communauté juive s'émeut de la multiplication de ces actes. » De fait, ils n'étaient que quelques centaines de personnes à protester devant le cimetière d'Herrlisheim le 2 mai. Même si le ministre de l'Intérieur, Dominique de Villepin, s'est rendu sur place. Et si Jean-Pierre Raffarin a souhaité organiser une cérémonie oecuménique à Colmar le 6 mai.

« C'est comme si un tabou avait sauté », note Jean-Claude Komar, président de la communauté juive de Lille, dont le rabbin a reçu, en décembre, une étrange missive sur carton à en-tête. « L'an prochain à Jérusalem... Chiche... et vite... SVP merci. » En lisant ces mots, Elie Dahan n'a pas tout de suite saisi que son auteur l'invitait à quitter la France ! Il a fallu qu'il l'appelle pour en avoir le coeur net. « Je tenais à vous dire que, si vous n'êtes pas bien chez nous, vous pouvez partir », a insisté l'expéditeur. Avant d'ajouter, comme le rabbin lui annonçait son intention de porter plainte : « Ça ne m'étonne pas, c'est le propre des juifs de faire des procédures ». Condamné à 900 euros d'amende et 500 euros de dommages et intérêts le 26 mars, l'auteur de ces « injures raciales » n'en était pas à son coup d'essai... « On n'a plus honte d'être antisémite ou islamophobe », constate Esther Benbassa, qui organise un grand colloque sur le dialogue juifs-musulmans le 13 mai à Paris.

Encore faut-il arrêter les coupables

Si le ministère de l'Intérieur communique sur le nombre d'actes antisémites constatés, celui de la Justice ne fournit guère celui des condamnations pour ce genre de délits. Et pour cause ! Bien qu'ils constituent des délits pénaux, aggravés depuis l'adoption de l'amendement Lellouche en janvier 2003, les actes antisémites sont rarement punis. Encore faut-il arrêter les coupables : les auteurs de la précédente profanation du cimetière d'Herrlisheim, commise en août 1992 et où 193 stèles avaient été renversées ou brisées, courent toujours...

« Il est souvent difficile d'identifier leurs auteurs », tente-t-on d'expliquer au parquet de Bobigny, où l'agression de footballeurs juifs, il y a deux ans, au stade de Bondy a dû être classée sans suite faute d'avoir pu retrouver aucun des quarante jeunes qui avaient alors débarqué sur le terrain de sport avec des barres de fer, envoyant le gardien de but de l'équipe des Maccabim à l'hôpital. « C'est scandaleux, car cela installe un vrai sentiment d'impunité chez nos agresseurs ! » s'insurge Michel Benais, directeur du club. Deux ans plus tard, son équipe a tout bonnement cessé d'exister. « Les parents refusent de laisser leurs enfants jouer au foot quand ils savent que les coupables n'ont pas été sanctionnés. »

« Beaucoup de juifs ne signalent même plus les insultes dont ils font l'objet, car ils savent que leurs auteurs ne seront pas sanctionnés », complète Muriel Bernheim, qui a fondé en janvier l'Association d'aide aux victimes d'actes antisémites (Aavaa), à la suite de l'agression de son fils, et qui pousse les victimes à aller devant les tribunaux.

Confrontés à cette hostilité croissante, certains préfèrent aujourd'hui jouer la carte communautaire. Notamment en retirant leurs enfants des écoles publiques pour les inscrire dans des établissements confessionnels privés. « Nous avons des préinscriptions en 6e jusqu'en 2009-2010 », note Isaac Touitou, proviseur adjoint de l'Ecole juive de l'Alliance, aux Pavillons-sous-Bois (93), qui compte 630 élèves. D'autres familles tentent par tous les moyens de déménager dans des quartiers plus sûrs. Dans la capitale, ce que certains nomment le « triangle Astérix » de l'Ouest parisien (15e, 16e, 7e et 8e arrondissements) est ainsi particulièrement prisé... Pierre-Christian Taittinger, maire du 16e, note ainsi une augmentation sensible du nombre de familles juives dans son arrondissement depuis trois ans. « Cette communauté y trouve le respect de sa réalité confessionnelle et davantage de sécurité qu'ailleurs », indique l'édile. Les écoles juives du quartier ont connu depuis 2001 une augmentation de plus de 30 % de leurs effectifs, et plusieurs d'entre elles cherchent aujourd'hui à s'agrandir.

Le gouvernement plein de bonnes intentions

Autre tentation : celle de l'exil. Si, dans les faits, les chiffres de l'alyah (émigration en Israël) n'indiquent pas d'hémorragie vers l'Etat hébreu (2 500 départs aujourd'hui, contre 1 000 à la fin des années 90), bon nombre de juifs commencent réellement à se poser des questions sur leur avenir en France et sur la capacité de la République à assurer leur protection. Comme en témoigne le succès du dernier Salon de l'alyah, qui s'est tenu à Paris le 2 mai (5 000 visiteurs). Beaucoup envisagent également les Etats-Unis et le Canada comme des pays d'accueil plus favorables aux minorités religieuses.

Inquiet de cette dérive, le gouvernement réitère depuis un an les déclarations d'intention et les mesures pour rassurer la communauté juive. « L'antisémitisme est contraire à toutes les valeurs de la France. Je compte sur la vigilance de chacun pour s'y opposer », rappelle ainsi régulièrement le chef de l'Etat. Les initiatives gouvernementales se sont multipliées ces derniers mois, notamment depuis l'instauration, en novembre 2003, d'un comité interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, qui se réunit une fois par mois (voir encadré).

Un grand progrès, jugent les responsables communautaires. Roger Cukierman relève ainsi « l'exemplarité des mesures prises par la France, dans une Europe où quasiment rien n'est fait contre l'antisémitisme ». Et le président du CRIF de souligner que « le ministère de la Justice a ainsi entamé une procédure judiciaire contre Tariq Ramadan pour ses propos contre les intellectuels juifs, au moment même où celui-ci était nommé conseiller de Romano Prodi à la Commission européenne ».

Ces disposions suffiront-elles à faire obstacle à l'inquiétant phénomène ? Nombre de juifs en doutent aujourd'hui. A l'instar de Michaël Sebban, professeur de philosophie en Seine-Saint-Denis, lui-même victime de plusieurs agressions antisémites en trois ans. Pour l'auteur du roman « Lehaïm » (Hachette), le combat est perdu d'avance. « Le modèle républicain français qui permettait d'endiguer toute forme de discrimination est mort. On ne considère plus les juifs comme des Français, mais comme des juifs. » On aimerait lui donner tort
Racisme, xénophobie, antisémitisme

La prévention avant tout ! Depuis sa première réunion, le 17 novembre 2003, le comité interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme a pris des mesures pour lutter contre ce fléau. Au ministère de l'Education nationale, une cellule de veille a ainsi été instituée pour chaque rectorat, afin de centraliser tous les incidents. Un « livret républicain », destiné à sensibiliser les enfants aux valeurs de tolérance, de respect et de laïcité de la France, a également été distribué, tandis que les éditeurs de manuels scolaires étaient appelés à la plus grande vigilance sur le contenu de leurs ouvrages.

Dans l'ensemble des parquets de France, le ministère de la Justice a pour sa part nommé un « magistrat référent » chargé de suivre les relations avec la communauté juive et de veiller à la publicité des condamnations « afin de souligner l'exemplarité des sanctions ».

Des fonds ont par ailleurs été débloqués (15 millions d'euros) pour sécuriser les sites sensibles (écoles et lieux de culte). Enfin, des mesures ont été prises pour que le CSA puisse faire cesser la diffusion de programmes de chaînes du satellite à caractère raciste ou antisémite. La prochaine conférence de l'OSCE sur l'antisémitisme, qui se tiendra à Paris les 16 et 17 juin, s'attaquera, quant à elle, à la propagande raciste, xénophobe et antisémite sur l'Internet
1. Le prénom de la jeune fille a été modifié à la demande de sa mère.

© le point 06/05/04 - N°1651 - Page 72 - 2119 mots

Lire aussi :
Antisémitisme - Interview Pierre-André Taguieff
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