Que penser du CRAN après l’annulation du "Carnaval" ?
INTERVIEW POUR AFRICAMAAT RÉALISÉE PAR SYLVIA M’BOCKÉ.
S. M’Bocké : Tout le monde ne parle que de cela. La révélation du projet du CRAN par les militants terrains, MNH, Alert2Neg, Africamaat et autres, pour commémorer le 10 mai a fait l’effet d’une bombe. Etes-vous satisfait du retrait de ce projet par le CRAN ?
JP Omotunde : Je n’arrive toujours pas à m’expliquer, comment un tel projet à fait pour germer dans la tête des dirigeants du CRAN. C’est très grave ! Cela prouve qu’ils n’ont qu’une maigre expérience du militantisme donc qu’une lecture partielle des aspirations de la communauté noire. C’est à se demander qui tire les ficelles du CRAN ? Pour le moment, nous n’avons toujours aucune assurance de l’indépendance politique et idéologique du CRAN, qui semble avoir été crée, à ce qu’en dit la presse nationale, pour des objectifs qui vont bien au-delà des simples intérêts de la communauté noire. Un exemple significatif : Les Assises de la communauté noire organisées par le CRAN où les vrais militants noirs étaient absents et Dieudonné même pas invité. Lorsque l’on veut être crédible, on doit absolument remplir certaines obligations et pour le moment, le CRAN n’en a rempli aucune.
S.M. Depuis, Mr Lozès s’est exprimé sur Afrik.com et a annoncé que le CRAN a décidé d’annuler son opération face à l’indignation quasi-générale de la communauté noire. Comment appréciez-vous ses explications ?
JPO : Mr Lozès joue la victime en disant que l’objectif de l’action de contestation est de nuire au CRAN pour mieux masquer l’irresponsabilité de ses dirigeants. Organiser un projet festif pour commémorer le 10 mai, mais franchement ! En fait, nous lui avons sauvé la mise. Il ne se rend pas compte de la colère de la communauté qui ne lui aurait pas pardonné si la manifestation avait eu lieu. Le CRAN veut prendre des initiatives sans prendre conseil auprès des structures expérimentées dans la communauté. Mais avez-vous déjà vu Sylvia, les Arméniens commémorer leurs martyrs en dansant ? Avez-vous déjà vu les français commémorer les victimes des guerres occidentales en dansant ? Et ce sont les Noirs que le CRAN veut faire danser ? Mais vous vous imaginez le journal TV de 20 h du 10 mai : Les Nègres chantent et dansent pour célébrer leur histoire avec gros plan sur les artistes (Patrick Bruel et autres), paillettes et cotillons dans une ambiance « Carnaval de Rio ». Je vous assure, le 11 mai les dirigeant du CRAN se verraient dans l’obligation de s’expatrier à l’étranger.
S.M. Pourtant Mr Lozès clame qu’il y a méprise sur les intentions du CRAN.
JPO. Ces gens pensent que vu que l’esclavage n’est selon eux qu’un Crime et non pas un Génocide, on peut faire la fête. Voilà ce qui a été dit devant témoin. Qu’ils fassent la fête du CRAN comme ils l’entendent, mais s’il s’agit de toute la communauté, les choses sont différentes. D’ailleurs à partir de maintenant, je considère que ces gens sont fous et ce n’est pas en annulant leur projet qu’ils doivent croire qu’ils vont retrouver une crédibilité.
S.M. Etes vous un détracteur du CRAN ?
JPO. Sylvia, l’idée du CRAN est bonne, c’est la seule direction vers laquelle il faut tendre. Mais les conditions de la création du CRAN sont encore trop mystérieuses. Maintenant, ils doivent prendre la mesure des choses et ne pas croire qu’ils vont nous manipuler comme ils le souhaitent. Il n’y a pas dans cette structure la moitié d’un seul vrai militant noir et tous les dirigeants étaient aux abonnés absents lors des graves événements de 2005 (incendies à Paris, crash de l’avion en Martinique, Katrina, etc...).
S.M. Le CRAN avance pourtant l’idée que cette fête était un excellent moyen de faire connaître notre histoire.
JPO : Nous n’en voulons pas de leur idée à la noix ! Des idées comme celle-là qu’ils se les gardent. A un moment, il faut être sérieux !
S.M. Comment voyez-vous la Célébration ?
JPO : C’est un formidable moment de recueillement, d’introspection, de souvenir, de communion entre nous tous. Il s’agit de rendre un hommage vibrant à nos ancêtres martyrs de l’appétit financier de l’Europe esclavagiste. La seule musique est celle des Ka et des Djembés qui viennent ponctuer les discours et les dépôts de gerbes. Je voyais même une retraite au flambeau silencieuse le soir. Au lieu de cela, le CRAN nous propose un concert façon Johnny Haliday, « noir c’est noir » ! Le CRAN veut rassembler la communauté mais avec un bistouri dans la main, du jamais vu ! Après ils disent ne pas vouloir donner le spectacle de la division des Noirs. Mais qui œuvre pour qu’il y ait division ? Nous nous voyons simplement une bande d’irresponsables et nous leur mettrons la pression jusqu’à ce qu’ils deviennent enfin responsables !
S.M. Au-delà, les CRAN souhaite sensibiliser le public sur cette page d’histoire, c’est pertinent non ?
JPO : Mais avec quel ouvrage, celui d’Olivier Pétré Grenouilleau ? Soyons sérieux encore une fois ! Raconter notre histoire avec les ouvrages des autres est encore un signe d’irresponsabilité notoire. Je tiens à rappeler que l’on a jamais vu un bourreau et une victime avoir le même point de vu sur un crime, d’où la nécessité de nous construire un point de vue autonome reposant sur des faits concrêts.
S.M. On a l’impression que vous dites ici ce que beaucoup pensent tout bas ?
JPO : Dans le fond, nous voulons tous construire et non détruire mais pour cela, il nous faut de bonnes bases communes. Le CRAN est aujourd’hui une coquille vide et il ne tient qu’aux dirigeants d’en faire quelque chose de valable.
SM. Je vous remercie...
JPO. De rien. En partant je vous invite à suivre de près le programme des chaînes TV pour le 10 mai 2006 :
- TF1 :
- France 2 prévoit à 10 heure du mat une spéciale "esclavage" pour les enfants sur KD2A :
- France 3 :
- Canal + :
- Arte à 20h50 dossier sur le Congo :
- France 5 prévoie une émission en prime time, "Noir" :
- M6, soirée foot :
Donc au lieu de penser à faire la fête, que le CRAN se mette au travail !