Garder ses titres gagnants, la clé du succès
2 mai 2005
Bernard Mooney , Journal Les Affaires
Dans une vie passée, j'ai réalisé un sondage en ligne auprès d'investisseurs. Je leur avait posé la question suivante : "En moyenne, après quel pourcentage de profits réalisez-vous vos gains en Bourse ?"
Il y avait quatre réponses possibles : de 10 à 25 %, de 25 à 50 %, de 50 % à 100 %; et plus de 100 %. Avant de continuer la lecture, prenez un instant pour répondre le plus sincèrement possible à la question.
Si une bonne partie du placement intelligent consiste à acheter des entreprises solides à des prix décents, l'autre partie est de savoir quand les vendre ! Et je dirais que c'est ce qui est le plus difficile à la Bourse.
C'est encore plus vrai lorsque les marchés sont instables, ce qui incite les investisseurs à agir de façon irrationnelle. Il est donc crucial d'adopter une politique réfléchie en ce qui concerne la vente de ses titres.
En général, les investisseurs ont tendance à être pressés de vendre leurs titres gagnants, alors qu'ils conservent leurs perdants éternellement.
J'ai appris dans ce sondage que 49,3 % des investisseurs vendaient après des gains de 10 à 25 % (l'échantillonnage n'était pas scientifique, mais plus de 1 524 personnes y avaient quand même participé). De prime abord, ce résultat m'a sidéré.
Toutefois, après réflexion, j'ai constaté que c'était normal. En fait, cela explique un peu pourquoi de nombreux investisseurs laissent beaucoup d'argent sur la table.
En passant, seulement 8 % ont dit qu'ils vendaient après des gains de plus de 100 %. Cette réponse commence à être rationnelle, parce que la bonne réponse ne dépend pas d'un pourcentage.
La bonne réponse à la question "Quand vendre" est : JAMAIS ! Un investisseur ne devrait jamais vendre un bon placement.
Conserver les titres champions
Ce principe est certes radical, mais c'est sur celui-ci que vous devez ériger votre philosophie de placement. En effet, un investisseur doit, par définition, investir, ce qui veut dire qu'il achète des actions d'entreprises qui procurent des rendements intéressants à long terme. Si les actions que vous détenez vous procurent de bons rendements, pourquoi les vendre ? Parce que le titre s'est apprécié d'un certain pourcentage depuis que vous le possédez ?
N'est-ce pas ridicule de penser qu'un entrepreneur vendra sa société privée parce qu'elle s'est appréciée de 25 % ? C'est pourtant ce que vous faites lorsque vous vous empressez de vendre un titre qui vaut 20 % de plus que son prix d'achat.
Si vous croyez que je prêche du haut de ma tour d'ivoire, détrompez-vous. J'ai appris en faisant des erreurs colossales. Un exemple sanglant suffira. Il y a plusieurs années, j'ai acheté des actions d'Alimentation Couche-Tard. J'ai payé 0,80 $ l'action, ce qui, après les trois fractionnements, revient à 0,10 $. Le titre vaut aujourd'hui 17,50 $. Un placement de 1 000 $ vaut ainsi 175 000 $ !
Mais, en néophyte, j'étais incapable d'accepter d'avoir un titre gagnant. Je l'ai donc vendu, après avoir à peu près quadruplé mon capital, ce qui n'est pas rien, me direz-vous. Peut-être, mais ce placement a tout de même été multiplié par 40 après que je l'aie liquidé...
C'est probablement l'erreur la plus coûteuse de ma vie d'investisseur. Et elle m'a enseigné à ne pas être si pressé à prendre mes profits.
Pourquoi vendre ?
Si plusieurs investisseurs ont tendance à vendre rapidement, c'est qu'ils croient que plus ils feront de transactions gagnantes, plus ils s'enrichiront. C'est une chimère, parce que la réalité boursière veut que 80 % du rendement de votre portefeuille soit attribuable à 20 % de vos titres. En d'autres mots, sur 10 titres détenus en portefeuille, un ou deux seront des coups de circuit, un ou deux seront des désastres, et les autres seront médiocres.
Si vous vendez rapidement vos grands gagnants, vous vous retrouverez seulement avec des titres moyens et désastreux. C'est loin d'être la recette du succès...
Ainsi, tant que la société continue de produire des résultats satisfaisants et en croissance et que son potentiel demeure attrayant, vous devriez le conserver précieusement, peu importe s'il quadruple ou décuple.
Une seule exception à cette stratégie : si, au fil des ans, ce grand gagnant commence à représenter une part gigantesque de votre portefeuille, vous devriez peut-être vendre une partie de vos actions. Par exemple, si la vente de Couche-Tard a été stupide, je ne suis pas certain que j'aurais été capable de supporter que ce titre représente, disons, 60 % de mon portefeuille. Ainsi, si le fait d'avoir 20 % dans un titre vous inquiète au point de vous empêcher de dormir, ce n'est pas une erreur de réduire son importance.
L'autre facette de votre politique de placement concerne votre réaction face aux titres qui ne réussissent pas. Ainsi, si la société dans laquelle vous avez investi a des résultats décevants, réexaminez en profondeur le dossier. N'hésitez pas à vendre si vous réalisez que vous avez fait une erreur. Par exemple, cela devrait être systématique pour les sociétés qui enregistrent des pertes.
Votre travail est de dénicher ces rares sociétés exceptionnelles qui seront de grandes gagnantes. Dans ce travail, il est normal de faire des erreurs. Vendez ces titres immédiatement et n'oubliez jamais que vous n'avez besoin que d'un ou deux grands gagnants pour vous enrichir.