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 Le Venezuela dans la ligne de mire de Washington,

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mihou
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mihou


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Le Venezuela dans la ligne de mire de Washington, Empty
23042006
MessageLe Venezuela dans la ligne de mire de Washington,

Le Venezuela dans la ligne de mire de Washington, par Salim Lamrani.
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1er mars 2006


Le Venezuela dans la ligne de mire de Washington, Chavez_manif


24 février 2006.


L’hostilité des Etats-Unis envers le gouvernement du président Chávez prend une tournure de plus en plus inquiétante. Dans un document récent, le Pentagone a qualifié la « résurgence des mouvements autoritaires et populistes dans certains pays, comme le Venezuela [de] source d’instabilité politique et économique ». Cette déclaration est d’autant plus préoccupante que le Département de la Défense ne cite quasiment jamais de pays dans son étude stratégique (Quarterly Defense Review), publiée tous les quatre ans et qui se limite à des tendances générales [1].

Quelques jours auparavant, le ministre de la Défense étasunien, M. Donald Rumsfeld, avait comparé M. Hugo Chávez à Hitler devant le National Press Club de Washington. « Au Venezuela, on a Chávez qui a beaucoup d’argent du pétrole. Il a été élu légalement tout comme Adolf Hitler. Puis il a consolidé son pouvoir et maintenant, il travaille avec Fidel Castro, M. Morales et d’autres », a-t-il souligné [2]. « Nous avons vu certains leaders populistes attirer les masses populaires dans ces pays. Et des élections ont lieu comme celle d’Evo Morales en Bolivie, qui sont clairement préoccupantes », a-t-il conlu [3].

La réponse vénézuelienne ne s’est pas faite attendre. Le vice-président de la République, M. José Vicente Rangel, a fermement condamné les propos agressifs de M. Rumsfeld : « Nous ne sommes pas disposés à accepter passivement que le gouvernement national [.] soit agressé impunément par des personnes totalement disqualifiées du point de vue politique, moral et éthique, comme la bande qui accompagne le ’Hitler nord-américain’ George Bush » [4].

De son côté, le directeur des services de renseignements, M. John Negroponte, a accusé le Venezuela de « lancer une politique étrangère militante en Amérique latine qui inclut la livraison de pétrole brut à prix bas pour gagner des alliés ». Dans le même temps, il a stigmatisé la chaîne internationale de télévision Telesur, dont le but est de rompre l’hégémonie de CNN sur le continent. Il a affirmé, devant une commission du Sénat, que « le Venezuela est le principal défi à la sécurité hémisphérique », et que la priorité de Washington est d’empêcher à tout prix la réélection de M. Chávez en décembre 2006. Enfin, il a menacé la Bolivie qui « continue à envoyer des signaux ambivalents sur ses intentions » [5].

« La politique étrangère militante » évoquée par M. Negroponte fait référence à la coopération solidaire mise en place par le Venezuela, qui permet à de nombreuses nations pauvres de la région d’acquérir du combustible à des tarifs préférentiels. M. Keith Mitchell, Premier ministre de la Grenade, a signé un accord de coopération énergétique avec le président Chávez qui prévoit la livraison de 1 000 barils de pétrole par jour à 50% du prix du marché. Le Venezuela a également envoyé un groupe de militaires et d’ingénieurs civils à La Grenade pour réparer les écoles endommagées par les divers ouragans. Le modèle d’intégration préconisé par l’Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA), complètement opposé à l’ultralibéralisme ravageur de la Zone de libre-échange pour les Amériques (ZLEA), a fortement irrité la Maison-Blanche [6].

Face aux menaces explicites lancées par l’administration Bush, le Venezuela a décidé de renforcer sa défense en acquérrant des avions de chasse à l’Espagne. Cependant, Washington a interdit au gouvernement de M. José Luis Rodríguez Zapatero de fournir des avions militaires dotés de technologie étasunienne à la République bolivarienne, car la vente, d’un montant total de 2 milliards de dollars, pourrait « contribuer à la déstabilisation de l’Amérique latine », selon M. Sean McCormack, porte parole du Département d’Etat [7]. Egalement sollicité à ce sujet, le Brésil a rejeté la demande étasunienne, affirmant qu’il procèderait à la vente de 20 avions au Venezuela [8] .

Selon Washington, la vente d’armes au Venezuela risquerait de déstabiliser la région. M. McCormack explique que les « inquiétudes se centrent sur ce que nous considérons être une militarisation exagérée au Venezuela » [9]. Or, l’entreprise étasunienne Lockheed Martin vient de livrer plusieurs avions de chasse F16 au Chili, et prévoit d’en fournir huit autres dans le courant de l’année 2006. Le Chili dispose désormais de la flotte aérienne la plus moderne d’Amérique latine, sans que cela pose un quelconque problème à l’administration Bush, uniquement obsédée par les réformes progressistes entreprises par Caracas [10] .

En plus de l’importante acquisition d’armements indispensables à la défense de la nation (100 000 fusils et 15 hélicoptères achetés à la Russie), le président Chávez a décidé de créer une armée d’un million de volontaires pour faire face à une éventuelle invasion militaire du pays par les troupes étasuniennes. Le gouvernement bolivarien a choisi de suivre l’exemple cubain en matière de préparation à la défense. « Pourquoi les Américains ont envahi la moitié du monde et n’ont jamais envahi Cuba ? A Cuba, c’est tout le peuple qui est entraîné à défendre minutieusement le territoire et la Révolution cubaine », a noté M. Chávez [11].

Les Etats-Unis ont également entrepris un travail d’espionnage et de subversion interne par le biais de leur ambassade à Caracas, afin de déstabiliser le pays de plus en plus conquis par les avancées sociales mises en place par le gouvernement. « Certains officiers de bas rang fournissaient des informations au Pentagone », a informé le vice-président vénézuelien. Un attaché militaire étasunien, M. John Correa, qui avait pris contact avec lesdits officiers, dans le but de conspirer contre les autorités, a été expulsé du pays [12]. Quant aux militaires vénézueliens, ils ont été mis en examen pour collaboration avec une puissance étrangère [13] .

En guise de représailles, Washington a déclaré Mme Jenny Figueredo Frías, chef du cabinet de l’ambassadeur vénézuelien Bernardo Alvarez à Washington, persona non grata, tout en admettant qu’il s’agissait d’une mesure arbitraire. « Cette décision est une réponse à la décision [.] du gouvernement vénézuelien d’expulser le commandant John Correa, l’attaché naval de l’ambassade des Etats-Unis à Caracas », a affirmé le porte-parole du Département d’Etat [14] .

M. Anthony Blair, fidèle et inconditionnel serviteur de l’administration Bush, a fait montre de toute sa subordination envers Washington, lors d’une session hebdomadaire du Parlement britannique. Le député travailliste Colin Burgon interpella le Premier ministre : « Je suis sûr que vous partagez la satisfaction de nombreux députés travaillistes face au virage à gauche enregistré en Amérique latine [avec l’arrivée au pouvoir de] gouvernements qui luttent pour les intérêts de la majorité, et non pas pour ceux d’une minorité ». Puis, l’interrogeant, il continua : « Mais vous seriez d’accord qu’il serait très mauvais pour tous si nous permettions que nos politiques envers ces pays, particulièrement des nations comme le Venezuela, soient définies par l’agenda réactionnaire républicain du gouvernement étasunien » [15].

De manière surprenante, M. Anthony Blair répondit : « Jusqu’à un certain point », tentant de justifier son propos en affirmant qu’il était « important que le gouvernement du Venezuela comprenne que s’il veut être respecté par la communauté internationale, il doit respecter les règles de la communauté internationale ». Evidemment, par « communauté internationale », il faut entendre ici « les Etats-Unis », dont les « règles » sont à appliquer sans discussion. Pour le Premier ministre britannique, la souveraineté de l’Angleterre s’arrête là où commencent les intérêts étasuniens [16] .

Les inquiétudes de Washington se centrent actuellement sur M. Hugo Chávez, car il symbolise le renouveau politique en Amérique latine, en destinant les ressources nationales aux couches populaires les plus défavorisées. Le gouvernement vénézuelien vient d’approuver une impressionnante hausse des salaires des fonctionnaires qui va de +34% à +61,8% selon les secteurs, ce qui équivaut à une augmentation moyenne de 47%. Il a également revu à la hausse de 15% le salaire minimum des employés du secteur privé. Depuis 2000, le salaire minimum au Venezuela a été augmenté chaque année de 20% à 30%. Les revenus tirés de la croissance économique, qui s’est élevée à 9,4% en 2005, ont ainsi largement profité à l’ensemble de la population [17].

En guise de comparaison, en France, cinquième puissance mondiale, dont le modèle social est tant vanté, le salaire des fonctionnaires a seulement été valorisé à hauteur de 1% en 2005. Quant aux salaires dans le secteur privé, ils ont enregistré une hausse de à 0,6% en termes réels (hausse de 2,8% moins 2,2% d’inflation). Le « socialisme du XXI° siècle », prôné par le président Chávez, n’est pas prêt d’être appliqué en France, où le gouvernement mène une politique antisociale impitoyable depuis 2002 [18].

De même, un milliard de bolivars a été alloué à la mission « Barrio Adentro III », système de couverture médicale universelle et gratuite créé par le gouvernement. Cette somme permettra d’acquérir 30 932 équipements de santé (ambulances, appareils à bronchoscopie, etc..). Les fonds en provenance des excédents pétroliers sont ainsi directement investis dans le secteur social [19].

Le système unique de santé mis en place au Venezuela grâce, entre autres, à l’aide de 15 000 médecins cubains, a permis la réalisation de 163 millions de consultations, c’est-à-dire 8 consultations par habitant. La mission « Barrio Adentro I » a sauvé la vie à 31 186 personnes, grâce à la création de 1 012 centres de soins dans les zones les plus pauvres, auxquels s’ajouteront 20 359 autres centres du même type. La mission « Barrio Adentro II » a créé 100 centres de diagnostic intégral (CDI) capables de fournir une attention médicale complète, et 500 autres sont en construction à travers le pays. Enfin, avec à la « Mission Miracle » mise en place par Cuba, plus de 176 000 Vénézueliens ayant perdu la vue, suite à un problème de cataracte, ont été opérés gratuitement par les professionnels de l’Île [20].

Quant au chômage, il n’a cessé de baisser passant de 13,2% en juin 2005 à 11,4% en décembre 2005. La politique effective du gouvernement a permis à 367 119 personnes de trouver un emploi [21].

L’Unesco a tenu à souligner les spectaculaires réussites sociales de la Révolution bolivarienne en octroyant à M. Hugo Chávez le Prix international José Martí. Cette distinction récompense les efforts du président en faveur de l’unité et de l’intégration des pays d’Amérique latine et des Caraïbes, ainsi que la préservation de leurs identités, traditions et cultures [22] . En effet, le Venezuela fournit du pétrole à des tarifs préférentiels à ses voisins du continent, mais également à certaines zones nord-américaines tels que le Vermont, Maine ou Rhode Island. Les habitants de ces régions, délaissés par l’administration Bush, pourront ainsi acheter du combustible à des tarifs subventionnés à hauteur de 40% par la filiale pétrolière vénézuelienne Citgo. « Cela signifiera des économies de plusieurs millions de dollars », a remarqué Mme Erin Campbell, porte-parole du Vermont [23].

De son côté, le 6 février 2006, le gouvernement Bush a rendu public son projet de budget pour l’année 2007, qui inclut une forte hausse des enveloppes allouées à la défense, à la sécurité intérieure et aux affaires étrangères. Le budget de la défense bat tous les records avec un montant de 439,3 milliards de dollars, soit une augmentation de 6,9% par rapport à l’année précédente. Dans le même temps, les budgets de la santé, de la justice et de l’éducation, entre autres, subissent une baisse drastique. Par exemple, 141 programmes sociaux vont être réduits ou stoppés. Une réduction de 65 milliards de dollars est prévue sur le programme Medicare qui concerne l’attention médicale aux personnes âgées et handicapées. De même, les couvertures retraites sont fortement affectées. Entre Caracas et Washington, deux modèles de société, diamétralement antinomiques, s’affrontent. D’un côté, le bien-être du citoyen est placé au centre du projet national, tandis que de l’autre, la satisfaction du complexe industriel-militaire reste la priorité absolue [24].

Ainsi, pendant que le gouvernement Bush est prêt à tout pour empêcher un nouveau triomphe électoral inéluctable de M. Hugo Chávez le 3 décembre 2006, le Venezuela continue d’entreprendre des réformes destinées à améliorer le niveau de vie de sa population. Son prestige sur le reste du continent est proportionnel au déclin de l’influence étasunienne. La raison est simple : alors que le Venezuela a alloué 28 milliards de dollars d’aide extérieure à ses voisins en sept ans - une moyenne annuelle de 3,6 milliard de dollars -, les Etats-Unis ont prévu une diminution massive de leur apport pour l’année 2007, avec une baisse de 28,5% de l’aide au développent pour l’Amérique latine et les Caraïbes, une baisse de 10% pour l’aide médicale, et une réduction de 11% de son financement de l’Organisation des Etats Américains (OEA). Là encore, deux messages s’opposent : Caracas octroie 3,6 milliards de dollars d’aide annuelle à l’Amérique latine, et Washington prévoit de diminuer leur soutien économique de 1, 2 milliards de dollars [25].

Le gouvernement bolivarien défie avec succès la doctrine néolibérale, insoutenable d’un point de vue politique, économique et social, ce qui explique le courroux de la Maison-Blanche. Malgré les diverses agressions et menaces émanant du Nord, le président Chávez a fait montre de son ouverture envers Washington : « S’ils font preuve de bonne volonté, nous répondrons de la même manière. Tout peut s’améliorer [.] à condition qu’ils respectent notre souveraineté, qu’ils respectent nos décisions ». Mais, il est peu probable que la raison et le dialogue priment au sein de la belliqueuse administration Bush [26].

Salim Lamrani, chercheur français à l’université Denis-Diderot (Paris VII), spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Il vient de publier : Washington contre Cuba : un demi-siècle de terrorisme et l’affaire des Cinq, Le Temps des Cerises éditeur.
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