Etats-Unis
Municipales imprevisibles a la Nouvelle Orléans
L'actuel maire de la Nouvelle Orléans, Ray Nagin, risque de perdre son siège au profit d'un blanc.
L'actuel maire de la Nouvelle Orléans, Ray Nagin, risque de perdre son siège au profit d'un blanc.
C’est une des élections municipales les plus inhabituelles de l’histoire des Etats-Unis. Impossible d’en prédire le taux de participation. La moitié des électeurs potentiels ne vit plus dans la ville et n’a que peu d’informations sur les 24 candidats en lice.
De notre correspondante aux Etats-Unis
Des bureaux de vote ont été ouverts dans une dizaine de villes de Louisiane pour les évacués qui ont pu voter la semaine dernière. Faute d’avoir obtenu le droit d’installer des bureaux de vote hors de Lousiane, des mouvements politiques comptent aller chercher leurs électeurs à des centaines de kilomètres de leur bureau de vote. Quant aux bureaux mêmes, la plupart d’entre eux, églises, écoles ou autres, sont encore fermés à cause des inondations, remplacés par des nouveaux «super-bureaux» fédérant plusieurs districts. Pour les gérer, la ville a dû former d’urgence un millier de personnes parce que les équipes habituelles avaient été dispersées.
Nagin, maire de Katrina
Cela fait 30 ans que des Noirs démocrates se succèdent à la mairie de la Nouvelle Orléans. Aux dernières élections de 2002, face à un autre rival noir, Ray Nagin, le maire actuel, avait été élu grâce au soutien des Blancs de la Nouvelle Orléans et sans la majorité du vote noir. Ex-cadre de Comcast, grande société de télévision par câble, il promettait à une ville gangrenée par la corruption que sa connaissance des affaires lui permettrait de gérer la Nouvelle Orléans comme on gère une entreprise. Après le passage de l’ouragan Katrina, le maire Nagin a été à la fois félicité et blâmé pour sa gestion de la ville. «Vous avez noyé 1200 personnes», l’a accusé l’un de ses adversaires lors des débats télévisés de la campagne. D’autres en revanche lui reconnaissent de ne pas avoir abandonné le navire, d’avoir osé s’emporter face au gouvernement fédéral, l’ implorant de se «bouger le c..» alors que le chaos s’installait dans la ville. Nagin tente de faire de cette épreuve un atout : «plus que jamais, assure t-il, il faut des gens d’expérience» et lui a connu le plus dur de la crise.
Un nouveau maire blanc ?
Les beaux quartiers étant les moins endommagés, les classes aisées ont pu se réinstaller les premières. Mais la ville, autrefois aux deux-tiers noire, est à présent aux deux- tiers blanche ! La communauté noire est donc très ambivalente vis-à-vis du maire : il a «lâché» les Noirs de la ville en négligeant l’évacuation de Katrina, mais c’est quand même le seul candidat noir dans le trio en tête des sondages.
En effet, depuis que la structure démographique de la ville s’est inversée, deux candidats blancs font sérieusement concurrence à Ray Nagin. Il y a d’abord Mitch Landrieu, gouverneur adjoint de l’état, frère de la sénatrice de Louisiane, Mary Landrieu et surtout fils du dernier maire blanc de la ville il y a trois décénnies. Il y a ensuite Ron Forman, président du Audubon Nature Institute, un homme d’affaires qui a revigoré les deux moteurs touristiques de la Nouvelle Orléans, le zoo et l’aquarium. Nagin, Landrieu et Forman sont démocrates, mais les deux Blancs privent Nagin du réservoir de votes blancs qui lui avait assuré son élection. Il ne reste plus que 5 % des blancs de la Nouvelle Orléans qui soient disposés à voter pour lui. Le reste lui reproche d’avoir souhaité, haut et fort, que la Nouvelle Orléans «redevienne une ville chocolat».
Résultats imprévisibles
L’élection devait initialement avoir lieu le 4 févier. C’est parce qu’il doit maintenant compter sur cet électorat noir dispersé que Nagin, appuyé par le militant noir Jesse Jackson, a tenté de repousser la date des municipales autant que possible. Il souhaitait laisser aux habitants évacués le temps de revenir.
Un sondage publié cette semaine donne l’avantage à Landrieu, avec 25,9 % des voix, suivi de Nagin à 21,4 puis de Forman à 17,9 %. Mais ce classement est à prendre avec des pincettes : 17 % des candidats ne savent pas encore pour qui ils vont voter et 17 % dispersent leurs votes sur la vingtaine de candidats restant. Si aucun candidat n’obtenait la majorité, un deuxième tour aurait lieu le 20 mai.
par Guillemette Faure