Népal et Palestine
publié le vendredi 21 avril 2006
Claude Léostic
Ce soir je suis avec préoccupation sur nos ondes nationales la situation au Népal. Et avec intérêt la réaction des présentateurs des bulletins d’information.
Avec raison ils laissent passer à travers les mots que certains d’entre eux ont choisis et que tous reprennent, leur inquiétude ou indignation : « les manifestations sont réprimées dans le sang, 3 morts. Les ambulances ne peuvent porter secours aux victimes » [1].
Oui ils ont raison, cette atteinte au droit à manifester et à exprimer le refus des diktats d’un dirigeant non élu est inacceptable. Répondre à une revendication politique (ou sociale) par la mort, ou la volonté de la donner, est contraire aux droits humains élémentaires. Il faut le condamner.
Ils disent aussi le courage et la détermination du peuple népalais qui, « bravant le couvre-feu », et malgré les « balles réelles » de la répression et la soldatesque, exige sa liberté.
Il y a peu, quelques courts mois, j’entendais avec le même intérêt les mêmes présentateurs (ou d’autres, semblables) évoquer « l’insurrection » et la « résistance » en Irak, contre l’ « occupation » américaine du pays.
Je suis aussi quotidiennement, comme vous, la situation en Palestine occupée et comment elle nous est officiellement relatée.
Avec consternation j’entends fustiger à l’envie le « terrorisme » palestinien par ceux qui saluent la lutte népalaise, comme leurs aînés ont pu glorifier la lutte des Hongrois puis des Tchèques contre le stalinisme soviétique ou le soulèvement des étudiants chinois à Tien Ammen.
J’entends relayer sans cesse des exigences de fin de la violence...palestinienne.
Et je m’interroge. Sur ce que relaient nos médias, et bien d’autres.
Pourquoi dans l’ensemble des cas (même en Irak !!) prendre justement - implicitement souvent- parti pour les peuples qui se battent contre l’occupation militaire étrangère ou contre la dictature chez eux, et dans le cas de la Palestine, faire porter la charge sur la victime, l’occupé, l’agressé et exiger de lui la solution -la soumission ?
Pourquoi, dans la majorité des cas condamne-t-on les violations graves du droit international et des Conventions sur lesquels les nations modernes se sont accordées comme base de notre fonctionnement politique, économique et social collectif, et pourquoi, dans le cas du Proche-orient, laisse-t-on commettre des horreurs quotidiennes et un déni constant du droit par Israël, puissance occupante expansionniste ?
Pourquoi retire-t-on au Bélarusse Loukachenko (certes pas un démocrate) son visa pour l’Europe, et pourquoi M. Chirac a-t-il invité à Paris l’été dernier M. Sharon, criminel de guerre en Palestine aujourd’hui et complice de massacres dans les camps palestiniens du Liban hier ?
Le monde a su condamner les méfaits de Milosevic en Bosnie, comme il avait imposé à l’Afrique du Sud de l’apartheid un boycott qui avait amené son élite économique à imposer aux politiques la fin d’un système honteux et honni par le monde.
Comment l’Union européenne peut-elle suivre servilement la position de la sinistre équipe de Bush et de ses néo-conservateurs et, loin d’imposer le même boycott légitime au bourreau du droit (et des Palestiniens), affamer la victime du nouvel apartheid, en plus de la condamner ?
Pour venir à bout du « terrorisme » ? Lequel ?
Celui qui lance 300 attaques aériennes quotidiennes sur la Bande de Gaza, frappant les civils de ses missiles ? Celui qui à Naplouse répand ses chars et autres blindés dans les rues meurtries de la vieille ville et arrête les femmes et les mères de militants « recherchés » pour contraindre les résistants à se rendre ? Celui qui arrête par dizaines des civils soupçonnés sur leur simple identité palestinienne ? Celui qui torture dans ses prisons et camps de détention, celui qui détient dans des conditions indignes des dizaines de prisonniers sans jugement pendant des années ?
Mandela, icône de la lutte des peuples pour leur droit à l’autodétermination -et ami de Yasser Arafat, autre représentant exemplaire de la lutte de libération nationale- a passé plus de 27 ans dans les geôles du pouvoir raciste afrikaner d’Afrique du Sud (dont le seul allié était alors ...Israël). Les plus anciens prisonniers palestiniens croupissent dans les cachots israéliens depuis plus de 28 ans.
Donc, mettre le Hamas à genoux. Bien !!!! Vous avez suivi comme moi les élections étudiantes à l’université de Birzeit ? Pour la première fois le Hamas a la majorité dans ce fief du Fatah, université laïque, ouverte. Ils seraient soudain tous -et toutes- devenus ultra religieux ou « terroristes » ces étudiant-e-s ?
Si les messieurs (et une ou deux « femmes de fer » à la Rice) qui prétendent s’arroger le droit de diriger la planète et de soumettre un peuple par la famine portaient un regard -même rapide- sur Birzeit et l’ensemble de la Palestine occupée, ils sauraient que leur politique criminelle ne pourra que souder derrière son gouvernement le peuple palestinien qui l’a élu en désespoir de cause, pour tenter de mettre fin à l’occupation israélienne qui, depuis des décennies, viole et massacre non seulement la Palestine, mais aussi les valeurs qui sont supposées rassembler les nations du monde.
Pour relayer la réalité en Palestine comme ils savent le faire pour le Népal, c’est cela que nos présentateurs de bulletins d’information doivent mettre en évidence : la responsabilité première et continue de l’occupation coloniale israélienne dans la violence au Proche-orient, et le courage du peuple palestinien qui, bravant les couvre-feux, malgré les balles réelles de la répression et la soldatesque, exige sa liberté.
Claude Léostic, 20 avril 2006
[1] les ambulances en Palestine sont fréquemment bloquées par l’armée d’occupation et ne peuvent porter secours aux blessés ou évacuer les morts. Cela s’est produit à de nombreuses reprises lors de l’invasion militaire de la Cisjordanie il y a tout juste 4 ans, mais aussi souvent depuis. Pire encore peut être, en Palestine, l’occupant tire sur les ambulances, voire les écrase avec ses chars, comme des photos tristement célèbres de Bethléem en octobre 2001 en attestent.
C L 20 avril 2006
Au moment de publier, vendredi 21 avril, j’apprends que le roi du Népal accepte le retour à la démocratie. La Palestine reste occupée...
http://www.france-palestine.org/article3535.html