Humeur sombre
Gruda, Agnès
Kalkiliya est entièrement encerclée par un haut mur de béton, surmonté par des miradors. Autour de la ville, les petits villages palestiniens sont à leur tour entourés de clôtures. Les habitants de la ville peuvent difficilement en sortir. Leur horizon est bouché par des blocs gris érigés par Israël pour se protéger contre les attentats.
Une humeur sombre règne dans la ville- comme ailleurs dans les territoires occupés. Les derniers développements politiques n'ont rien de réjouissant. Aux yeux de plusieurs, l'offensive israélienne contre la prison de Jéricho sonne le glas de 13 ans d'efforts de paix.
" Nous avons connu tant de morts, et nous vivons une telle perte d'espoir. Le seul espoir qui nous reste, c'est Dieu ", dit l'analyste palestinien Mohamed Yaghi.
Le hic, c'est que l'avènement d'un gouvernement du Hamas est peu susceptible de redonner le moral aux Palestiniens en changeant la dynamique politique actuelle.
Dans sa charte, le Hamas affirme que la Palestine historique, celle qui s'étend du Jourdain à la Méditerranée, revient de droit aux Palestiniens. Que c'est le waqf, leur terre sacrée.
Les déclarations récentes des leaders du Hamas ajoutent des nuances à cette position intransigeante. Et comme tout mouvement politique, le Hamas est traversé par plusieurs courants. Les plus modérés se disent prêts à adopter une trêve si Israël veut bien se retirer aux frontières de 1967. Les plus virulents ne jurent que par la Palestine historique.
Souplesse
" Reconnaître Israël? Non, non et non! " dit spontanément Moayed Shrein, conseiller municipal du Hamas à Kalkiliya. Le premier ministre palestinien, Ismaël Haniyeh, a tenu des propos beaucoup plus nuancés- mais pas toujours cohérents.
" Nous ne pouvons pas nous rendre, mais nous sommes capables de souplesse ", dit un député du Hamas à Ramallah, Jabbes Foukkaha. À 39 ans, ce jeune député a passé deux ans de sa vie en prison. Il poursuit une maîtrise en administration des affaires. Et demande au monde d'accepter le gouvernement dirigé par son parti.
" Nous ne couvrirons pas les femmes, nous ne fermerons pas les bars. Nous pouvons conclure une trêve avec Israël. Arrêtez d'avoir peur du Hamas ", clame-t-il.
Une fois au pouvoir, le Hamas peut-il changer? Fondamentalement, non, répond l'analyste palestinien Mohammed Yaghi. Pour le Hamas, la Palestine appartient aux Palestiniens, du Jourdain à la Méditerranée. Mais le Hamas peut se montrer pragmatique et accepter une trêve avec Israël. Peut-être même une trêve de 100 ans.
" Actuellement, le Hamas veut se concentrer sur ses projets politiques. Construire un gouvernement, s'imposer à Gaza et en Cisjordanie. Ils ne veulent pas une escalade de violence ", estime-t-il.
Mais il pourrait suffire de peu, un assassinat ciblé de trop, des pressions financières indues, ou un autre Jéricho, pour que la Palestine s'enflamme.