CHRONIQUE
Discriminations
Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances,
voulait, une fois de plus, bien faire. Pour promouvoir la cause dont il se fait
le héraut, la lutte contre la discrimination des jeunes Français d'origine
étrangère à l'embauche, il a apporté, aux côtés du Medef, de l'ANPE et de
Monster.fr, leader du marché de l'offre d'emplois par Internet en France, son
soutien et sa caution à la création du site Internet www.diversite-emploi.com,
qui publiera des petites annonces d'entreprises clamant leur volonté de "
diversité " en matière d'embauche. En échange de quoi ces entreprises pourront
afficher un logo " pro-diversité " sur leurs annonces.
Si l'on regarde de plus près les conditions posées à l'octroi dudit logo,
il apparaît qu'il s'agit, pour ces entreprises..., de respecter la loi, qui
interdit pourtant déjà toute mention, dans une annonce, " de l'âge ou de la
tranche d'âge, de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à
une ethnie, une nation ou une race, de la situation de famille, du sexe, de
l'orientation sexuelle, et de toute autre caractéristique qui ne soit pas en
lien avec la compétence ".
On ne peut qu'être tenté de tirer de cette initiative les syllogismes
suivants : si seuls les annonceurs respectant la loi peuvent figurer sur le
site, cela signifie-t-il que ceux qui n'y figurent pas peuvent ne pas la
respecter sur d'autres supports ? Si seuls des candidats pensant échapper à la
discrimination utilisent le site pour rechercher un emploi, ne
s'autodésignent-ils pas comme " différents " aux yeux des employeurs, ce qui
n'est pas précisément le but recherché ?
Passons maintenant des syllogismes aux hypothèses : ne s'agit-il pas, pour
un Medef plutôt hostile (sans oser le dire trop fort) au CV anonyme, de montrer
que l'on peut " faire de la diversité " autrement, tout simplement en recrutant
son quota de jeunes beurs des cités ? Ne s'agit-il pas aussi, pour Monster.fr,
de s'offrir une merveilleuse publicité d'entreprise citoyenne au détriment des
sites concurrents, pourtant censés respecter eux aussi la simple légalité ?
Ceux-ci, regroupés dans l'Association des professionnels pour la promotion de
l'emploi sur Internet (Appei), ont d'ailleurs vivement protesté contre
l'exclusivité ainsi donnée par les pouvoirs publics à une entreprise privée "
sans aucun appel d'offres ", s'estimant ainsi victimes... de discrimination.
ANTOINE REVERCHON